Intervention de élisabeth Borne

Réunion du mardi 9 février 2021 à 17h15
Commission des affaires sociales

élisabeth Borne, ministre :

Concernant la garantie jeunes universelle, il me semble très important de permettre à chaque jeune d'accéder à un emploi, en lui assurant un accompagnement tenant compte soit des difficultés d'accès à l'emploi, via Pôle emploi, soit des difficultés plus globales, via les missions locales, quand le jeune rencontre également, par exemple, des problèmes de santé ou de logement. Nous souhaitons qu'il puisse, de manière inconditionnelle, bénéficier d'un accompagnement tenant compte de l'ensemble de ses difficultés.

Différents dispositifs répondent à cet objectif : la garantie jeunes ; les PACEA, proposés par les missions locales, qui sont moins engageants et portent sur des parcours moins construits ; l'accompagnement intensif des jeunes par Pôle emploi ; enfin, l'accompagnement de l'APEC pour les jeunes diplômés. Des structures sont renforcées, comme l'EPIDE ou les écoles de la deuxième chance, qui peuvent aussi accueillir des jeunes en difficulté et ayant besoin de rebondir. Pour des jeunes qui ne sont pas forcément en situation d'accéder à l'apprentissage ou à une formation, nous avons créé des prépas formation et des prépas apprentissage.

Nous avons pour principe que les jeunes ne doivent pas renoncer à ces parcours à cause de difficultés financières. D'une part, nous avons revalorisé à 500 euros la rémunération des stagiaires de la formation professionnelle et, d'autre part, nous avons veillé à ce que, dans tous les dispositifs que je viens de mentionner, le jeune puisse bénéficier d'une rémunération jusqu'à 500 euros s'il en a besoin. Il s'agit plutôt d'un assemblage de dispositifs que d'une réponse universelle. Nous avons l'ambition de sécuriser le parcours du jeune : il doit bénéficier d'une période d'accompagnement et, le cas échéant, intégrer une formation ; s'il n'a pas trouvé un emploi à l'issue de sa formation, il doit pouvoir être pris en charge à nouveau. Nous devons ainsi reconfigurer l'ensemble des dispositifs, afin d'offrir aux jeunes un accompagnement sans couture, pour que tout jeune qui pousse la porte de la mission locale, de Pôle emploi ou de l'APEC soit accompagné jusqu'à ce qu'il ait trouvé un emploi.

Le COJ a pointé certaines limites de la garantie jeunes. Sa complexité administrative est importante. Nous gagnerions beaucoup à ce que les salariés des missions locales passent moins de temps à remplir des formulaires et se consacrent davantage à l'accompagnement des jeunes. Notre objectif est de proposer une réponse simple au jeune, qui a le droit d'être accompagné jusqu'à ce qu'il accède à l'emploi. Voilà le vrai objectif de la garantie jeunes universelle, sur laquelle nous sommes en train de travailler. Ce projet est important, pour donner de l'espoir à tous nos jeunes et leur assurer que nous ne les laissons pas tomber.

J'ai bien entendu les nombreuses questions sur les « extras », terme qui peut renvoyer à des profils différents, comme les professionnels de l'événementiel et les guides‑conférenciers. Les contrats courts ont explosé au cours des dix dernières années. Je ne pense pas qu'il faille encourager ce modèle. Nous avons travaillé avec Pôle emploi pour examiner qui étaient les salariés qui, par le passé, enchaînaient des CDD courts et des périodes de chômage : nous nous sommes rendu compte que ce modèle de superflexibilité était en train de s'étendre à tous les secteurs. Cela constituerait une très mauvaise réponse que de conforter un modèle d'extrême précarité, même s'il n'est peut-être pas vécu comme tel par certains. Ce modèle fait école, ce n'est pas une bonne chose. Par ailleurs, le principe selon lequel une partie de ses revenus est tirée de son activité et est complétée par l'assurance chômage pose de vraies questions. Un extra m'expliquait qu'il faisait un boulot formidable, qu'il travaillait 1 000 heures par an, contre 1 607 heures pour un salarié classique, et qu'il complétait sa rémunération par des allocations chômage. Voilà qui interroge ! Au lieu de conforter ce modèle, les salariés devraient pouvoir être sécurisés. Je ne vois pas pourquoi un salarié qui travaillerait, par exemple, toutes les fins de semaine ne pourrait pas être embauché en CDI avec un temps de travail annualisé. Un CDI présente beaucoup d'avantages ; encouragerons plutôt ce modèle.

Nous avons bien conscience qu'il faut répondre à des difficultés immédiates, raison pour laquelle nous avons créé une aide assurant une rémunération de 900 euros. Voilà qui peut sembler en décalage par rapport au revenu antérieur de personnes qui avaient des allocations chômage plus élevées. Toutefois, l'allocation médiane à Pôle emploi s'élève à 1 000 euros. Des personnes qui travaillent toute leur vie et qui ont cotisé très longtemps ont droit à 1 000 euros. L'équité doit nous conduire à proportionner l'aide apportée aux salariés, qui, en temps normal, enchaînent sollicitations de l'assurance chômage et périodes d'activité, même si je suis bien consciente qu'ils sont en difficulté.

Certes, les guides-conférenciers ne sont pas bien pris en compte. Pour être aidé, un salarié doit avoir travaillé 60 % du temps, ce qui me semble être une bonne mesure et le signe d'un modèle soutenable, un jour d'assurance chômage correspondant habituellement à un jour travaillé. Or les guides-conférenciers sont dans une situation totalement atypique. Avec Roselyne Bachelot, nous examinerons spécifiquement leur situation, puisqu'ils travaillent sans doute moins de 50 % du temps. Toutefois, travailler 50 % du temps et toucher le reste du temps une allocation chômage, voilà qui peut poser question aux salariés qui cotisent à l'assurance chômage et ne la sollicitent pas. Nous devons rester vigilants. La mission confiée à Jean-François Mbaye et Xavier Iacovelli a pour but de répondre à des besoins spécifiques. Certes, les traiteurs peuvent travailler sur prestations, mais rien ne les empêche de créer des groupements d'employeurs et de prendre le risque d'embaucher un certain nombre de salariés en CDI, quitte à ce que tous les salariés ne soient pas couverts et que le CDI donne ensuite lieu à des heures supplémentaires. Je ne pense pas qu'il faille conforter un modèle qui est bousculé par la précarité et pose un vrai problème d'équité par rapport aux autres salariés. Vos collègues auront l'occasion de creuser ce sujet pour trouver le moyen de sécuriser ces salariés.

Le développement du télétravail a heureusement permis la continuité de l'activité économique. Au cours du premier confinement, nous sommes allés très loin, en recommandant aux salariés de rester chez eux et de travailler dans la mesure du possible à distance. Au cours du deuxième confinement, souhaitant préserver l'activité économique et donc les emplois, nous avons établi la règle selon laquelle il fallait télétravailler dès lors que l'activité était réellement réalisable à distance. Nous connaissons actuellement un essoufflement du télétravail, mais je mesure pleinement à quel point il est difficile pour un salarié en télétravail depuis des mois de ne pas voir ses collègues, de ne pas échanger, de ne pas vivre des moments de convivialité.

Le télétravail reste cependant un levier très important pour réduire les interactions sociales. Les partenaires sociaux se sont projetés dans le télétravail comme pratique pérenne dans l'ANI qu'ils ont signé. Le Gouvernement souhaite aussi réfléchir à la façon dont il pourra encourager le recours au télétravail, parce qu'il est le facteur d'un aménagement plus équilibré de notre territoire. Il constitue un excellent contrepoids à la tendance à la concentration de tous les emplois dans les métropoles. Souvent, le conjoint ne peut pas trouver un emploi dans une ville moyenne. Le télétravail est très positif : la fatigue des salariés et les émissions de gaz à effet de serre sont ainsi réduites, et l'aménagement du territoire amélioré. Nous souhaitons accompagner cet essor du télétravail, en lien avec les collectivités.

Concernant les étudiants, les ex-boursiers de l'année 2019-2020 peuvent dès maintenant solliciter une aide auprès de Pôle emploi. Ainsi, 70 % du montant de la bourse est maintenu, auquel s'ajoutent 100 euros s'il vit dans un logement autonome. Nous serons amenés à réfléchir à la suite qui sera donnée à ce dispositif pour les futurs diplômés, en espérant que, d'ici là, la situation sanitaire sera rétablie. C'est pour les 700 000 jeunes qui sont arrivés sur le marché du travail en septembre que nous avons mis en place le plan « 1 jeune, 1 solution ». Celui-ci a porté ses fruits puisque 1 200 000 jeunes de moins de 26 ans ont été embauchés en CDI ou en CDD de plus de trois mois entre août et décembre 2020, donc autant qu'en 2018 et en 2019. Cela montre que les aides à l'embauche, à l'apprentissage ou au contrat de professionnalisation fonctionnent. Nous pouvons tous nous en réjouir. Les jeunes entrés en apprentissage dans cette période si compliquée sécurisent la préparation d'un métier pour lequel les recrutements existent, ce avec une rémunération, ce qui est extrêmement rassurant.

La question de l'attractivité d'un certain nombre de métiers, notamment ceux de l'aide à domicile, est un sujet fondamental. Nous avons confié une mission à M. Laforcade pour fluidifier les parcours de formation vers ces métiers. Dans le cadre de nos réflexions sur les travailleurs de la deuxième ligne, nous aborderons la nécessaire revalorisation de ces métiers. Les besoins sont considérables et nous devons rendre ces métiers attractifs. Cela passe notamment par une meilleure image de ces métiers et des parcours de carrière, comme le souligne le rapport de Myriam El Khomri. Ce rapport pointe aussi le besoin d'une plus grande sécurité. Ces métiers sont souvent à temps partiel subi et les frais de déplacement sont mal pris en compte. Les enjeux portent sur la rémunération, l'accès à la formation et le parcours professionnel.

Je n'ai pas connaissance de retards dans les versements de l'activité partielle. Je suis très vigilante. A contrario, nous avons mis un certain temps pour instaurer les aides à l'embauche des jeunes et les aides à l'apprentissage. Ces dispositifs ont été créés en urgence et le système d'information a commencé à fonctionner début octobre ; victimes de notre succès, nous avons connu un afflux de dossiers, mais je ne souhaite pas que les potentiels bénéficiaires de cette prime soient eux-mêmes victimes. Nous avons tout fait pour accélérer le paiement des aides à l'embauche et à l'alternance. Les délais de paiement de l'activité partielle s'élèvent à neuf jours en moyenne, comme pour le premier confinement. Toute difficulté particulière doit absolument être signalée à nos services. Je reste très vigilante sur ce point.

Concernant l'apprentissage, nous pouvons nous féliciter que sa croissance soit très également répartie sur tout le territoire : toutes les régions progressent de la même façon. Les secteurs traditionnels de l'artisanat, du BTP et de l'industrie ont enregistré une légère progression de leur nombre d'apprentis, tandis que le commerce et les services ont tiré la croissance de l'apprentissage vers le haut. Ma vigilance porte sur les niveaux bac et infra‑bac, mais aussi sur l'artisanat et sur les métiers traditionnels. Quand je suis arrivée à la tête de mon ministère, les prévisions sur l'apprentissage en général, et dans l'industrie en particulier, étaient très noires. Nous avons pu stabiliser le nombre de contrats d'apprentissage. Nous allons examiner avec l'industrie comment développer les contrats d'apprentissage pour la prochaine rentrée, parce que nous manquons de candidats pour tous les métiers industriels, qu'il s'agisse des traditionnels soudeurs ou des chaudronniers. Peut-être faudra-t-il modifier les noms de ces métiers : personne n'imagine que les chaudronniers finalisent les ailes de nos avions ! Par ailleurs, les besoins sont immenses pour tous les nouveaux métiers liés à la digitalisation de l'industrie. Nous mènerons ce travail avec les différentes branches de l'industrie.

J'en viens au partage de la valeur. Nous avons ouvert ce chantier avec les partenaires sociaux. Nous leur avons d'abord demandé des propositions. Nous ne sommes pas déçus, puisque cent vingt propositions ont été transmises par les huit organisations syndicales ; elles ne sont pas toutes convergentes, ce qui ne vous surprendra pas. Nous avons élaboré une synthèse et allons engager des concertations, conjointement avec le ministère de l'économie, pour trouver le meilleur équilibre possible. L'attente est très forte. Dans les réunions bilatérales que le Premier ministre a tenues ces derniers jours avec les différents partenaires sociaux, il a rappelé que ce sujet faisait partie de son discours de politique générale. Nous devons avancer.

Concernant la valorisation des métiers, je rejoins les propos de Catherine Fabre. Certains jeunes n'ont pas envie d'être salariés. Cependant, ils n'ont pas forcément à l'esprit que débuter dans l'artisanat comme salarié, puis créer son entreprise et demain être son propre patron, avec dix ou quinze salariés, est une voie tout à fait passionnante. Il va falloir assurer un grand nombre de reprises d'entreprises ; nous devons certainement prendre des mesures pour les faciliter et montrer à quel point ces métiers sont attractifs, y compris pour ceux qui n'ont pas envie de passer leur vie en tant que salarié. Ces métiers sont très mal connus et nous devons les valoriser.

Nous sommes très attentifs aux 30 000 jeunes sans contrat. Les situations sont diverses. Un certain nombre d'écoles ont soudainement proposé des formations supérieures en apprentissage, sans, peut-être, s'être donné les moyens pour que ces jeunes trouvent une entreprise. Des contrôles sont en cours, ils doivent faire l'objet d'un contradictoire. Environ 20 000 jeunes sont sans contrat au sein de parcours classiques. Je m'apprête à signer une instruction destinée aux préfets, qui leur demande de travailler avec les régions, le monde économique et les collectivités, lesquels disposent d'aides pour embaucher des apprentis. Nous avons créé une prime de 3 000 euros. Les contrats d'apprentissage sont passés de 353 000 à 495 000 en entreprise. Je ne vais pas donner le chiffre pour les collectivités, mais ce n'est ni le même ordre de grandeur ni la même dynamique. Le Centre national de la fonction publique territoriale finance à 50 % l'accueil d'un apprenti, à quoi s'ajoute la prime de 3 000 euros. Les collectivités doivent donc se mobiliser pour accueillir ces jeunes sans contrat, puisqu'elles proposent des métiers très variés. Les préfets, en lien avec les CFA, seront chargés de démarcher activement les entreprises et les collectivités. Voilà qui est à notre portée : au regard des 500 000 jeunes qui ont signé un contrat d'apprentissage, nous devons absolument mobiliser toute notre énergie pour que ces 20 000 jeunes sans contrat trouvent une solution.

Monsieur Bazin, j'ai une bonne nouvelle ! De mauvaises informations circulent manifestement sur les PEC. Ils durent onze mois et sont renouvelables jusqu'à trente-six mois. Le taux de prise en charge dans les quartiers prioritaires de la ville et les zones de revitalisation rurale (ZRR)...

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