Intervention de Jérôme Salomon

Réunion du jeudi 11 février 2021 à 10h00
Commission des affaires sociales

Jérôme Salomon, directeur général de la santé :

Notre politique de priorisation des vaccins s'appuie sur l'avis du comité technique de vaccination de la HAS, qui identifie l'âge comme facteur de risque principal, associé aux comorbidités. Vous avez raison concernant les personnes âgées de 65 à 75 ans, même si certains pays ou l'OMS ne déconseillent pas le vaccin d'Astra Zeneca pour cette tranche de la population. Le problème n'est pas son efficacité, mais le manque de données préliminaires. Par ailleurs, Pfizer et Moderna doivent accroître leur allocation dans les semaines et mois à venir, tandis que d'autres candidats vaccins doivent être examinés par l'autorité réglementaire européenne. Nous espérons bénéficier d'un ou deux vaccins supplémentaires prochainement, afin de répondre à la problématique que vous soulevez.

Par ailleurs, la répartition des vaccins est pilotée par la task force en fonction des populations cibles, sans discrimination aucune entre territoires. Nous avons ciblé les personnes âgées de plus de 75 ans, au travers de plusieurs circuits de vaccination, en EHPAD ou en établissements de santé référents. Nous basculons désormais vers une vaccination de ville, avec le soutien des professionnels de santé.

S'agissant des femmes enceintes, aucune alerte n'a été signalée concernant cette population. Les hospitalisations sont peut-être plus importantes pour des raisons de surveillance, mais nous ne constatons pas davantage de formes graves chez les femmes enceintes, contrairement au virus de la grippe, et n'avons pas enregistré d'effet sur les bébés à naître. Il n'existe aucune contre-indication du vaccin pour cette population, même si les femmes enceintes ne font pas partie des personnes prioritaires, notamment du fait de leur âge.

À titre d'information, je signale que nous comptabilisons 70 % d'hommes en réanimation, alors que 60 % des personnes vaccinées sont des femmes.

Vous avez évoqué la question de l'immunité en EHPAD. Il convient de prendre en compte l'immunosénescence des personnes âgées, notamment très âgées. Nous veillons à ce que les deux injections soient réalisées et attendons un délai de 15 jours avant d'affirmer l'immunité. Nous recherchons également une immunité de groupe au sein des EHPAD, pouvant être atteinte en quelques semaines via la mobilisation des résidents et des professionnels de santé.

Par ailleurs, plus d'un million de nouveaux rendez-vous devraient être programmés dès le mois de mars. Nous affichons toutes nos capacités de doses, afin que les Français puissent prendre rendez-vous, même si ce n'est que sous plusieurs semaines, dans un souci de transparence.

Nous avons recouru à des cabinets de conseil, même si le pouvoir de décision reste au niveau de l'État et si les cabinets n'interviennent qu'en appui. Des sujets n'auraient pas dû être confiés à des prestataires, mais en réalité, ces derniers ont rendu compte de leur action dans ce cadre, et n'ont pas répondu directement aux sollicitations que vous avez citées, qui sont nombreuses en ce moment – missions d'inspection, audits, questions parlementaires... Je relis attentivement toutes les réponses aux questions parlementaires. Le diagnostic réalisé par Mme Louwagie interroge quant à notre capacité de gestion de crise. Nous devons à nos concitoyens une véritable réflexion sur l'armement de l'État face aux futures crises, notamment d'un point de vue opérationnel. La Cour des comptes n'avait pas pointé cet enjeu opérationnel en 2010, mais nous devons recenser les forces de l'État pour la gestion de crise. L'Assemblée nationale a déjà travaillé sur ces sujets au travers de la mission sur le « sourcing », qui reprendra son activité après la crise, ou de la mission dédiée aux conflits d'intérêts.

Vous m'avez interrogé sur les traitements innovants et les bonnes pratiques. Nous sommes en veille permanente au niveau du groupe de travail, du Conseil scientifique, du Comité recherche ou encore du binôme ministère de la santé – ministère la recherche. Nous sommes attentifs en amont à tout ce qui est source d'innovation, afin de mieux répondre aux enjeux.

Nos perspectives de recherche médicale sont nombreuses au niveau européen. Ce n'est pas le cas en santé, puisque ce sujet relève des compétences régaliennes. Nous pouvons toutefois avancer sur la recherche clinique, sur les traitements innovants, sur la réponse aux menaces conjointes européennes. Mes échanges réguliers avec mes homologues européens portent sur l'anticipation, sur la préparation face au réchauffement climatique. Les renforts humains européens et les évacuations sanitaires européennes constituent d'importantes pistes de collaboration.

Par ailleurs, nous avons besoin du séquençage pour comprendre la composition du virus. Il ne s'agit pas ici de diagnostic individuel mais bien de surveillance nationale de la circulation du virus. Il existe donc un enjeu qualitatif de performance du séquençage, mais également quantitatif. En effet, il n'est pas pertinent de séquencer l'ensemble d'un cluster, puisque le virus est bien souvent identique. Un travail est en cours au niveau de l'ANRS et de Santé publique France, afin de définir la meilleure stratégie de séquençage.

Nos capacités de séquençage ont significativement augmenté au cours des dernières semaines. Les Anglais, qui affichent une capacité de séquençage assez élevée, n'ont malheureusement identifié le variant britannique comme majoritaire que fin décembre, alors qu'il circulait vraisemblablement depuis le mois de septembre. Ce constat met en avant l'enjeu de réactivité du séquençage et de lien entre la recherche et une activité d'alerte épidémiologique. Ces sujets sont examinés par l'ANRS et Santé publique France afin de définir le meilleur schéma cible du séquençage français, qui doit être national et calibré pour fournir des réponses rapides. Nos capacités de séquençage ont plus que quadruplé au cours des derniers jours et nous devrions partager des résultats d'ici quelques jours, afin de mettre en lumière les efforts des laboratoires de recherche.

Je laisserai ma collègue de la DGOS répondre aux questions relatives aux moyens hospitaliers, puisque vous l'interrogez cet après-midi. Je précise simplement que les soins intensifs et les soins continus font partie de nos capacités de réponse aux pathologies critiques de nos concitoyens.

Pour répondre à Mme Tamarelle-Verhaeghe, dont je partage l'appétence pour la santé publique, je suis de ceux qui pensent que la santé publique n'est pas réservée aux spécialistes mais constitue un enjeu collectif national. Les élus jouent un rôle majeur dans ce domaine, de même que les acteurs de l'éducation : promotion de la santé, éducation à la santé, culture de la santé publique, etc. Le plan national de santé publique met l'accent sur l'éducation à la santé et nous affichons d'excellents résultats en termes de sécurité routière ou de tabagisme des jeunes. Nos acquis en matière de prévention du risque infectieux doivent être préservés et l'acteur clé pour la promotion de la santé publique est l'éducation nationale. Vous savez que les forces de santé de l'éducation nationale ne dépendent pas du ministère de la santé, mais nous devons travailler ensemble afin de dresser les grandes priorités de santé publique, pour un meilleur pilotage. Une fois encore, un benchmark international, les relations avec l'OMS et un travail collectif européen nous permettraient de profiter des expériences de nos voisins. En effet, la santé publique est davantage développée dans le nord que dans le sud de l'Europe.

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