Intervention de Laura Létourneau

Réunion du mercredi 17 février 2021 à 10h00
Commission des affaires sociales

Laura Létourneau, déléguée opérationnelle à la transformation numérique de la santé :

L'état des lieux sur le numérique en santé a été dressé dans un rapport de M. Pon et de Mme Coury fin 2018. Il pointe un important retard sur le sujet du numérique en santé, ce qui complique la coordination entre les différents professionnels de santé et du médico‑social et fait que le patient est encore peu acteur de sa santé et pas réellement au centre du système de santé, notamment faute de pouvoir accéder à ses données.

Début 2019, nous avons tenté de remonter aux causes de cette situation afin de les travailler et faire en sorte demain, de faire mieux collectivement. Nous avons donc établi une feuille de route comportant cinq grandes orientations et trente grandes actions. Elle court sur trois ans.

Evidemment, ces chantiers étant vertigineux, l'action à mener ne sera pas terminée en 2022. Néanmoins, collectivement, nous voulons parvenir à passer un cap en trois ans pour permettre une réelle accélération du numérique en santé, combler le retard et enfin, nous projeter dans l'avenir.

L'année 2019 a été consacrée à établir les raisons de notre action, à identifier les actions à mettre en œuvre et la manière de les mener.

L'année 2020 a été dédiée à l'implémentation de cette réflexion, dans un contexte de pandémie qui est venue la percuter. Néanmoins, en dépit de ces circonstances, nous avons fait en sorte de mener les deux combats de front et de ne pas prendre le moindre retard dans l'implémentation des étapes annoncées dans la feuille de route. C'est en effet elle qui permettra des améliorations notables sur le moyen et sur le long termes. C'est donc notre devoir d'y travailler en parallèle.

Enfin, l'année 2021 sera l'année du citoyen, avec la concrétisation du projet phare de la feuille de route du numérique en santé qui tire tous les autres. C'est l'espace numérique de santé. Il permettra au patient d'être vraiment acteur de sa santé.

En 2019, nous avons défini les motivations des actions à mener. Il ne s'agissait pas de faire du numérique un objectif en soi, mais d'en faire un outil de coordination entre professionnels de santé et d'un moyen pour rendre le citoyen acteur de sa santé. Ces objectifs ont été très clairement fixés et nous avons tenu à ce qu'ils soient intégrés à un cadre éthique, humaniste et citoyen. De cette manière, nous souhaitons instaurer une troisième voix de numérique à la française, et idéalement à l'européenne. De manière un peu caricaturale, cette voix représenterait ainsi un pendant à la voix chinoise et la voix des États-Unis.

Cette volonté d'inscrire tous les développements du numérique dans un cadre éthique ne doit pas rester un vœu pieux. Il s'agit en effet du quatrième axe de notre feuille de route qui est décomposé en une multitude d'actions particulièrement concrètes visant à agir sur la fracture numérique, sur la formation, sur l' ethics by design en intelligence artificielle, sur une grille d'auto-évaluation à l'éthique des systèmes d'information hospitaliers, et même sur l'impact écologique du numérique en santé. En effet, nous considérons que le développement du numérique en santé doit être fait dans ce cadre. C'est donc la toute première action de fond de notre feuille de route. Elle est indispensable et à défaut de la mener à bien, nous ne réussirons pas.

Après avoir déterminé les raisons de notre action, et identifié les valeurs que nous souhaitons défendre, les actions en elles-mêmes et la logique d'état plateforme sont traduites par l'image de la maison. Ainsi, le rôle des pouvoirs publics est de couler les fondations de la maison. Cette étape fixe les référentiels socles et définit le cadre constitué par l'éthique, la sécurité et l'interopérabilité. Cette étape permet aussi de construite les infrastructures de base permettant l'échange et le partage. A cet effet, cinq services socles ont été définis, dont le fameux dossier médical partagé (DMP) qui, ces dernières années, a été repositionné avec l'assurance maladie. Ces éléments constituent la plateforme d'État et participent à la fois à créer le référentiel et l'infrastructure. Ils sont ouverts en interface de programmation d'application vers l'écosystème tiers, notamment privé.

En complément de ces fondations, nous avons déterminé trois grandes plateformes : celle du citoyen, l'espace numérique de santé ; celle des professionnels de santé ; celle des données.

En outre, nous avons aussi identifié de nombreuses actions essentielles pour créer de l'engagement et du soutien, évaluer et soutenir l'innovation, et animer tout cet écosystème.

Il est important de comprendre, notamment en cette crise de la covid, que ces fondations, composées de sujets particulièrement techniques, sont aussi constituées d'annuaires, de répertoires et de règles de sécurité. Sans ces éléments, tout le reste ne pourra que s'effondrer. Nous en sommes conscients, et ce, depuis des années. Ainsi, toutes les difficultés que nous avons rencontrées sur les projets numériques covid sont générées par le retard que nous avons dans la construction de ces fondations. Aussi, à travers ses orientations 2 et 3, la feuille de route vise à combler ces retards.

Concernant la manière de mener ces actions à bien, nous avons souhaité instituer une démarche de coconstruction permanente. Cela péchait précédemment, mais cela nécessite une coordination très rapprochée entre les différentes instances constituant le numérique en santé : le ministère, la Caisse nationale de l'assurance maladie (CNAM), Santé publique France, l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), l'Agence technique de l'information sur l'hospitalisation ou encore l'Agence du numérique en santé (ANS). Toutes ces agences et opérateurs, acteurs du numérique en santé, doivent être raccordés autour d'une vision commune et être intégrés à une démarche de coconstruction permanente avec l'écosystème. Cette coconstruction soit être opérée par le biais du Conseil du numérique en santé, d'ateliers citoyens ou par exemple du tour de France des régions.

2020 a ensuite été l'année de l'implémentation. Nous étions au milieu du gué : de nombreux sujets avaient considérablement avancé et d'autres étaient encore au point mort, générant ainsi chez nous une certaine frustration, en interne comme en externe.

Ainsi, si nous avions eu l'espace numérique de santé, nous aurions pu référencer dans le catalogue toutes les applications de téléconsultation qui respectaient les référentiels d'interopérabilité et de sécurité ; disposer d'une messagerie sécurisée citoyenne et envoyer des prescriptions de tests covid ou échanger de nombreuses informations avec le patient ; croiser simplement les données issues de SI-DEP, de Contact Covid et de Vaccin Covid afin de déterminer si une personne vaccinée pouvait être recontaminée.

Il y avait certes une frustration, mais nous devions aussi relever de nombreux éléments positifs, comme la concrétisation de projets exceptionnels menée à bien en des temps records. Je souhaite également souligner le fait que nous sommes parvenus à réinventer des modes de concertation nous permettant de respecter les délais imposés par l'épidémie avec le Comité de contrôle et de liaison covid‑19. Ce dernier a été institué dans la loi, par les textes qui ont aussi institué SI-DEP et Contact Covid. Il n'accueille pas toutes les instances pertinentes sur le sujet du numérique en santé, mais il constitue une instance de concertation avec laquelle nous avons mis en place des modalités de travail pour itérer rapidement ou dans des délais particulièrement contraints. Ainsi, sur Si-DEP et sur Contact Covid, nos autres projets, nous sommes parvenus à travailler main dans la main avec cet organisme qui nous facilite la tâche. En effet, il regroupe toutes les parties prenantes et leur permet ainsi de s'exprimer d'une seule voix et ainsi, ce qui nous fait gagner un temps considérable. Il est donc important que nous poursuivions cette collaboration hors crise.

Les différents projets portés et concrétisés sont les suivants.

TousAntiCovid affiche aujourd'hui près de 13 millions de téléchargements, ce qui est proche de l'objectif de 15 millions ; de nombreuses fonctionnalités sont en cours de développement, notamment sur les QR-codes. Dépistage Covid, porté par santé.fr, permet à chacun de savoir où se faire tester, tant en RT‑PCR qu'en test antigénique. Ce service a ainsi enregistré 6 millions de vues mensuelles. SI-DEP, projet porté en seulement trois semaines, recueille automatiquement les résultats des tests ; il est le fruit d'un partenariat totalement inédit entre le ministère, Santé publique France, l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris (AP‑HP) et tous les laboratoires de biologie médicale du France, puis leurs industriels chargés de leur système d'information, et un consortium d'industriels. Ainsi, collectivement, il a été possible de créer un entrepôt permettant de collecter en temps réel et de manière exhaustive et automatique, tous les tests RT‑PCR de France. Ainsi, sur le territoire, nous sommes aujourd'hui dotés d'un des meilleurs systèmes de suivi de l'épidémie au monde, pendant que de nombreux pays fonctionnent sur un système de remontées Excel. Alors qu'en France, depuis huit ans, nous essayions en vain de monter un tel projet pour les autres maladies infectieuses devant être surveillées par Santé publique France, nous sommes parvenus à finaliser ce projet en trois semaines.

Lorsque le résultat d'un test est positif, le citoyen doit se déclarer comme tel dans l'application TousAntiCovid. Il utilise alors un partenariat également innovant entre l'assurance maladie et l'organisation non gouvernementale Bayes Impact, créatrice du projet Briser la chaîne, destiné à aider les personnes à se remémorer leurs personnes contacts.

Le citoyen est ensuite appelé par l'assurance maladie et il s'isole. Il peut ensuite suivre ses symptômes sur mesconseilscovid.fr et ainsi guetter leur apparition et leur éventuelle aggravation afin d'être pris en charge le plus rapidement possible. Si cette éventualité se réalise, de nombreux systèmes d'information moins visibles du grand public prennent le relais. Ils ont été mis en place ou adaptés afin de suivre l'épidémie et gérer la crise de la covid, comme le transfert de patients en réanimation d'un hôpital à l'autre, ou le transfert de médicaments indispensables à la prise en charge de patients covid sous tension.

Il y a aussi tous les systèmes d'information relatifs à la vaccination : Vaccin Covid, développé par l'assurance maladie et indispensable à la traçabilité de l'acte vaccinal ; le portail de signalement des effets indésirables, développé par l'ANSM, qui permet la gestion des effets indésirables et qui comporte une interopérabilité avec Vaccin Covid afin qu'au moment de leur déclaration par le médecin assurant la vaccination, un préremplissage automatique soit opéré sur le portail de signalement.

Il existe aussi de nombreux projets, évoqués en introduction, concernant la prise de rendez‑vous en ligne. Ils ont également été portés en des temps records et ont mobilisé des partenariats public-privés innovants. Ils visent à faciliter l'accès à la vaccination, en complément d'autres modes de prise de rendez-vous, notamment par téléphone.

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