Je tâcherai d'apporter la réponse la plus complète possible à l'ensemble de ces interrogations. Je fais confiance à mesdames et messieurs les députés pour me rappeler les questions réclamant des réponses que je ne développerais pas suffisamment.
SPF assume un rôle transversal de surveillance et de résolution des problèmes de santé dans un continuum qui consiste à produire des connaissances scientifiques sur lesquelles se fondent les solutions proposées.
Les campagnes de prévention doivent s'appuyer sur les connaissances scientifiques les plus fiables qui soient. En assumant son rôle transversal dans l'écosystème, SPF doit évidemment interagir avec l'ensemble des acteurs à l'échelon national et territorial. Se plier à cette nécessité lui permet aussi de connaître la situation des territoires et de s'y adapter.
Un effort considérable a été réalisé pour produire des indicateurs qui se déclinent jusqu'aux échelons les plus fins. Les taux d'incidence se mesurent par exemple à l'échelle des communautés de communes, ce qui permet de raisonner à partir d'un maillage très serré du territoire.
Ces indicateurs sont en outre disponibles en libre accès sur la plateforme Géodes. Nous sommes là aussi pour faciliter leur interprétation.
Vous avez souligné la question que soulève notre interaction, dans cet écosystème, avec la task-force chargée du pilotage et du déploiement de la stratégie de vaccination. Cette stratégie d'une ampleur considérable mobilise et suppose la coordination de l'ensemble des acteurs. Nous n'en sommes qu'un parmi d'autres, même si nous contribuons au quotidien à l'œuvre de la task-force en maintenant avec elle une interaction très fluide.
Nos tâches et nos missions incluent la construction d'indicateurs de couverture vaccinale et d'efficacité vaccinale, et la mise à disposition d'informations sur le site de référence www.vaccination-info-service.fr. Il nous tient très à cœur d'alimenter ce site avec les informations les plus fiables dont nous disposons. Nous jouons également un rôle dans les commandes de vaccins négociées à l'échelon européen, et la logistique afférente.
Vous m'avez interrogée sur les stocks dont nous disposons. Dès leur réception à l'établissement pharmaceutique et dans les plateformes opérationnelles, les vaccins sont orientés vers les différents flux. Leur acheminement jusqu'aux sites de livraison est assuré en une semaine ou, au plus, une semaine et demie après leur livraison. Nous ne disposons donc pas de stocks de vaccins plus importants que ce que je viens de vous décrire. L'ensemble des données accessibles à tous sur www.data.gouv.fr permet de se rendre compte des stocks dans nos plateformes, à vrai dire très limités, des trois vaccins actuellement utilisés.
Vous avez rappelé notre recours à un certain nombre de prestations ; s'agissant de l'établissement pharmaceutique, il s'agit de prestations logistiques opérationnelles, en appui du redéploiement de tout le réseau logistique. Il ne s'agit pas de se substituer à la stratégie. La commande de 4,9 milliards de masques et la distribution de près de 2 milliards d'entre eux ont mobilisé une logistique considérable. Pour la vaccination, il a été nécessaire de redéployer l'ensemble d'un réseau et d'assurer une simulation des temps de transport. Un certain nombre de prestations en renfort du contrôle technique portaient sur la qualité des équipements de protection. Là non plus, il n'a pas été question de stratégie.
Nous disposons à présent d'un grand nombre d'indicateurs épidémiologiques d'une extrême richesse. Nous nous intéressons en priorité aux nouveaux cas selon les catégories d'âge. Vous avez souligné la possibilité que l'épidémie évolue : nous le constatons aujourd'hui par les effets de la vaccination sur les personnes les plus âgées.
Il est essentiel aussi de rester attentifs aux indicateurs hospitaliers sur lesquels se fonde notre analyse de la pression épidémique et d'y réagir au besoin.
Les dernières données recueilles concernent les variants, ainsi que les tests de criblage et de séquençage. L'apparition de variants d'un virus aux mutations aussi fréquentes que le coronavirus est d'autant plus inévitable qu'il se trouve soumis à une pression due à la vaccination et aux mesures de gestion de la pandémie. Nous ne savons toutefois pas quand ces variants émergeront. Il est essentiel d'organiser leur surveillance avec les centres nationaux de référence et l'ensemble des laboratoires, et en particulier par le biais des enquêtes flash renouvelées régulièrement.
Le travail de construction de ces indicateurs s'organise aussi à l'échelon international. Nous restons en lien avec le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies, l'Organisation mondiale de la santé (OMS) et l'ensemble des laboratoires de surveillance.
En effet, la France dépose encore trop peu de séquences génétiques de variants dans la base GISAID, mais il devrait bientôt en aller autrement. Un réseau se met actuellement en place, en lien avec l'ANRS-MIE. Celle-ci se charge des aspects de recherche et SFP du volet ayant trait à la surveillance de ce réseau.
Ainsi s'organisent en France, de la manière la plus structurée et la plus fluide possible, les liens entre surveillance et recherche. Les ressources en bio-informatique qui sont à notre disposition permettent une collecte régulière de données.
Aujourd'hui, chaque semaine, plus de 4 000 séquences sont réalisées et intègrent les bases de données, y compris internationales, contribuant ainsi à la surveillance des variants existants, tout en nous permettant d'identifier de nouveaux variants, soit d'intérêt comme les trois déjà évoqués, soit simplement à suivre du fait de leur impact potentiel.
L'ensemble des enquêtes flash poursuivent le même objectif que la séquence génomique d'échantillons aléatoires. À terme, ce ne seront plus 4 000, mais 6 500 tests qui seront réalisés chaque semaine. Nous souhaitons identifier et suivre précisément l'ensemble de ces variants, étudier systématiquement leur impact potentiel et continuer à partager nos données avec nos collègues européens.
Ce travail très important sur le séquençage est en lien avec la recherche. Nous travaillons sur la modélisation depuis le début de l'épidémie en relation très étroite et directe avec l'Institut Pasteur et l'équipe de Simon Cauchemez. Nous entretenons avec eux des relations de longue date et contribuons à leurs analyses régulières. Nous œuvrons aussi avec l'Inserm et Vittoria Colizza. Ces équipes se réunissent toutes les semaines. J'ai bien noté l'importance de la phylodynamie et du possible développement de techniques liées, en collaboration avec l'ANRS.
Vous avez souligné le caractère crucial de l'adhésion vaccinale. Les résidents des EHPAD y ont été très sensibles et ils ont adhéré en masse à la vaccination.
Les enquêtes régulièrement déployées, de même que les études par vagues depuis le confinement, comportent un module sur l'adhésion vaccinale. Après avoir été assez élevée en juillet 2020, elle a baissé ensuite jusqu'en fin d'année et augmente de nouveau. Près de 60 % des Français déclarent aujourd'hui qu'ils se feraient très probablement vacciner, résultat cohérent avec celui d'autres enquêtes.
On note également la persistance d'un important gradient lié à l'âge : l'adhésion vaccinale augmente en même temps que celui-ci.
Nous devons toutefois poursuivre nos efforts d'information envers l'ensemble de la population en vue d'améliorer l'adhésion vaccinale. Il faut que celle-ci atteigne un niveau encore supérieur pour que la population entière bénéficie pleinement des effets de la vaccination en acquérant l'immunité à la Covid-19.
Vous avez souligné que les professionnels de santé se montrent parfois réticents aux vaccins. Les enquêtes menées auprès de tous les corps de métier, y compris les soignants, indiquent cependant une augmentation de l'adhésion vaccinale.
Vous avez insisté sur notre action de prévention par le biais de campagnes d'information sur la Covid-19 destinées en particulier au grand public. Il est essentiel que les différents émetteurs et acteurs d'une telle communication se coordonnent et délivrent l'information de manière cohérente, en particulier en période de crise, comme c'est le cas en ce qui concerne la Covid-19. La collaboration entre le ministère de la Santé, le hub SIG Covid-19 et l'Assurance maladie se réalise de manière tout à fait fluide.
Le ton de cette communication a évolué : il tend de plus en plus à la bienveillance, non qu'il ait été auparavant malveillant, mais il était plus martial. La volonté d'informer domine à présent.
Il est important que cette communication insiste sur le rôle de l'entourage en mettant en avant des actions solidaires favorisant l'adoption des gestes barrière et de l'ensemble des comportements à même de réduire la transmission du virus.
Nous contribuons à la prévention de la Covid-19 en réfléchissant aux expérimentations à l'étude dans les milieux de la culture et du sport. Nous ne nous en occupons pas directement. Un certain nombre d'organismes de recherche et de chercheurs s'y impliquent fortement, les territoires aussi, d'ailleurs. Notre contribution se limite à fournir l'ensemble des données disponibles et partager notre expérience, en particulier lors des phases destinées à évaluer les conditions d'une éventuelle réouverture de lieux où les interactions sociales sont intenses, et donc, où existe un risque significatif de transmission du virus.
Depuis le début de la crise, il nous semble très important d'observer l'évolution de la santé mentale dans la population générale. Toute crise a une influence sur la santé mentale. Or celle que nous traversons est non seulement grave, mais durable.
Dès la première phase de confinement, SPF a mis en place une enquête par vagues, afin d'identifier et de suivre dans le temps un certain nombre d'indicateurs des troubles anxieux et dépressifs. Aujourd'hui, près d'un quart de la population déclare en souffrir.
À l'ensemble du dispositif de surveillance s'est ajouté un tableau de bord qui sera publié cette semaine et qui rassemble les données de passages aux urgences et d'autres données encore, récoltées auprès de SOS médecins. Y figureront des indicateurs de gestes suicidaires et d'idées noires, correspondant aux proportions de passage aux urgences et d'hospitalisations en raison de ces causes par tranche d'âge. Des comparaisons avec les années précédentes permettront de suivre leur évolution.
Ils montrent en tout cas une dégradation de la santé mentale, quelles que soient les conditions de vie. Les plus jeunes sont évidemment plus touchés, de même que d'autres tranches d'âge comme celle des 25-34 ans, particulièrement victimes de troubles anxieux, sans oublier les personnes vulnérables ou en situation de précarité.
Certains troubles concernent l'ensemble des tranches d'âge. Notre réflexion sur la santé mentale vise à améliorer à la fois les connaissances de la population relatives aux troubles et aux symptômes associés, et les dispositifs existants, vers lesquels on peut orienter les personnes en souffrance (« Fil Santé Jeunes » ou www.psycom.org). Nos enquêtes montrent que ces dispositifs demeurent encore trop peu connus. Nous préparons une campagne pour y remédier.
Enfin, vous avez souligné à quel point il est important de mesurer l'impact de la crise sur toutes les facettes de la santé. Certains de nos indicateurs portent sur les maladies chroniques ou les cancers. Actuellement, nous en mettons d'autres encore au point grâce aux données hospitalières, de manière à évaluer les effets des différentes phases de l'épidémie sur les hospitalisations et la survie de patients atteints d'un certain nombre de pathologies.