Je vais m'exprimer dans le même sens que M. Rémy Mazzocchi concernant la définition des critères. Je ne pourrai pas davantage vous éclairer. Même si nous avons reçu la mission qui avait calibré le dispositif et proposé des critères, nous n'en avons pas été à l'origine. Nous avons fourni quelques données, mais nous n'avons pas participé au calibrage du dispositif. Je pense que ces questions pourraient s'adresser plus utilement au ministère du Travail. Néanmoins, je vais apporter quelques éléments complémentaires sur les données elles-mêmes.
Certes, le dispositif pourrait être davantage connu. Néanmoins, nous avons mis tout en place pour repérer automatiquement les personnes lorsqu'elles s'inscrivent à Pôle emploi, à travers le questionnaire d'inscription. Sur cette base, de nous-mêmes, nous avons envoyé 6 000 courriers invitant à remplir les éléments pour bénéficier d'une ATI. Sur ces 6 000 courriers, nous avons reçu 3 200 réponses. Tout le monde ne répond donc pas et ne remplit pas la demande d'allocation. Il est possible que ces personnes identifient immédiatement qu'elles ne sont pas éligibles, mais nous n'avons pas d'éléments pour indiquer les raisons précises pour lesquelles elles n'ont pas renvoyé de courrier.
Parmi ceux qui les renvoient, nous avons enregistré des rejets, soit les 1 300 rejets que j'évoquais précédemment. 38 % sont liés au fait qu'une allocation chômage peut être servie et de façon plus avantageuse. 74 % des rejets qui ne sont pas liés à l'allocation chômage le sont au niveau des ressources personnelles. Ensuite, 10 % sont liés au fait que le motif de cessation d'activité n'est pas éligible, par exemple parce qu'il ne s'agit pas d'une liquidation judiciaire ou d'un redressement. 9 % des demandes sont rejetées parce que les ressources personnelles sont supérieures au plafond, alors qu'elles doivent être inférieures au niveau du RSA.
Il est donc possible de s'interroger sur le niveau de revenu qui est exigé. On peut aussi se questionner sur les motifs de cessation d'activité, qui avaient vocation à être assimilées à des pertes involontaires d'activité. La cessation d'activité doit être liée à une liquidation judiciaire ou à un redressement avec changement de dirigeant. Il est possible que ces procédures soient considérées comme lourdes et chères pour des personnes qui bénéficient potentiellement d'un revenu proche de 10 000 euros en moyenne sur les deux dernières années. Au regard de la durée de la procédure et de son coût éventuel, elles peuvent estimer qu'une allocation de 800 euros sur six mois n'est peut-être pas la meilleure réponse. Nous pouvons donc considérer que ces deux critères sont restrictifs.
Il est aussi possible que le délai d'obtention de certaines pièces soit dissuasif. Le certificat de non-recours de la décision judiciaire, qui est obligatoire, est considéré comme compliqué à obtenir et demandant du temps. Il peut s'agir de l'une des raisons pour lesquelles certains s'abstiennent et ne recourent pas à cette possibilité.
Enfin, on ne peut pas exclure que, dans certains cas, ce dispositif soit méconnu et que lors de l'inscription, nous n'ayons pas repéré la personne parce qu'elle n'a pas rempli les éléments nous permettant de la détecter. Il est aussi possible qu'elle soit déjà inscrite à Pôle emploi et ne fasse pas de demande.
Nous ne sommes donc pas en capacité de quantifier le nombre de personnes qui auraient pu percevoir cette allocation, mais qui n'en ont pas bénéficié. Au regard des conditions et de l'examen qui est fait entre le montant possible et l'allocation elle-même, il nous est difficile d'estimer la perte. Nous serions en difficulté pour vous répondre sur ces éléments.
Il pourrait toutefois être envisagé de communiquer davantage. Ce dispositif n'a pas fait l'objet d'une communication massive, comme il y a pu en avoir au niveau gouvernemental sur les mesures pour les démissionnaires, qui sont largement connues. D'ailleurs, en termes de fréquentation, nous avons très peu de visites sur le site chomage-independant.fr, qui reste assez confidentiel parce que la communication n'a pas été très forte. Nous avons enregistré environ 6 000 visites sur le site.
Sur le volet de l'accompagnement, lorsqu'une personne s'inscrit à Pôle emploi, quel que soit le motif, il est procédé à un diagnostic de sa situation et de ses besoins. Le dispositif d'accompagnement considéré comme le plus approprié lui est proposé. Nous disposons d'une palette d'accompagnement allant du moins intensif au plus intensif, ce qui permet de répondre à la diversité des besoins.
Quand une personne a vécu une expérience extrêmement difficile et nous en fait part, nous avons dans chaque agence Pôle emploi des psychologues du travail qui peuvent être mobilisés pour accompagner les personnes pour lesquelles le deuil de l'activité passée et la période s'avèrent particulièrement difficiles. Nous parlons bien de psychologues du travail. L'objectif est de pouvoir rebondir et d'arriver ensuite à se projeter dans une nouvelle activité professionnelle, de travailler sur une orientation et de capitaliser sur son expérience passée. Des psychologues du travail sont disponibles et exercent dans les agences Pôle emploi. Ils peuvent être mobilisés par les conseillers qui détectent une difficulté particulière qu'il faut surmonter et qu'il faut accompagner. Ces services renforcés permettent de répondre aux problématiques plus particulières.
J'entendais également des interrogations sur les personnes qui ont été particulièrement frappées par la crise que nous connaissons, notamment celles qui sont issues du secteur de l'événementiel. Les indépendants qui étaient dans ce secteur peuvent, le cas échéant, bénéficier de l'ATI. Les salariés issus de ces secteurs qui ont eu des difficultés particulières ont pu bénéficier eux aussi des différentes aides d'urgence à destination des demandeurs d'emploi. Je citerai évidemment les prolongations de droits qui se sont mises en place pendant le premier confinement, mais également depuis octobre et jusqu'à fin mars. Les personnes qui avaient travaillé en 2019 plus de 70 % de l'année et qui avaient eu plusieurs périodes en contrat à durée déterminée ont bénéficié d'une allocation pouvant aller jusqu'à 900 euros depuis novembre dernier. Des mesures ont donc été mises en place pour accompagner spécifiquement ceux qui ont été frappés de plein fouet par la crise que nous connaissons et qui ont du mal à retrouver un emploi.
En revanche, sur les mesures sur lesquelles vous sollicitez notre appréciation et concernant les personnes en activité, à ce stade, je ne pourrai pas vous renseigner davantage, Pôle emploi s'occupant principalement des personnes qui ont cessé leur activité.