Intervention de Sophie Jonval

Réunion du mercredi 3 mars 2021 à 15h00
Commission des affaires sociales

Sophie Jonval, présidente du Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce :

Si les mesures préventives en France sont très peu usitées, nous ne pouvons que le regretter puisque nous disposons d'un arsenal législatif et réglementaire très performant, au regard de ce qu'en pense la Commission européenne. Malheureusement, comme le rapport de la récente mission lancée par le garde des sceaux, nous constatons un important déficit d'information, en dépit de tous les moyens mis en œuvre.

Il existe toujours un problème d'information en amont des difficultés. L'idée pour éviter tout processus liquidatif est de les prévenir. Les TPE sont celles qui sollicitent le moins les mesures préventives, alors que toute entreprise est éligible à ces mesures. La marge de progression est importante. Il n'y a cependant pas de néant total d'information dans les juridictions commerciales. La profession que je représente dispose d'un certain nombre de vecteurs de communication, notamment à travers notre site internet et Infogreffe. Ce dernier relaie vers les aides publiques et offre au chef d'entreprise son indicateur de performance. Il peut ainsi tester la viabilité de son entreprise, ce qui lui permet de se tourner vers son expert‑comptable ou son avocat pour solliciter telle et telle mesure de nature à prévenir les difficultés.

Nous diffusons également des brochures, des informations. Dans nos greffes, au quotidien, nous donnons de l'information papier, nous diffusons des communications sur les réseaux sociaux, qui sont un vecteur très important aujourd'hui. Par conséquent, de l'information, il y en a, même si nous pouvons progresser.

Je rappelle aussi que dans les greffes des tribunaux de commerce, le président du tribunal, premier interlocuteur du débiteur qui s'adresse à nous, n'a pas de rôle de conseil, de même que les greffiers des tribunaux de commerce que nous sommes. Nous laissons cette mission aux experts‑comptables et aux avocats, qui le font très bien.

Le rapport remis au ministre de la justice voilà quelques jours préconise le renforcement de l'information, des progrès en matière de pédagogie. Nous allons combler ces lacunes. Néanmoins, ces points ne sont pas inexistants.

Monsieur Streicher, vous avez mentionné APESA, qui fait aussi partie de l'accompagnement psychologique. Vous évoquiez également les « quatre D ». Nous sommes confrontés à ce drame au quotidien, au contact des chefs d'entreprise. APESA a d'ailleurs été créée par un de mes confrères. Nous en sommes fiers parce qu'il réalise un travail remarquable pour prévenir le suicide des chefs d'entreprise. Nous, greffiers, suivons une formation qui fait de nous des sentinelles pour détecter les risques suicidaires des chefs d'entreprise qui s'adressent à nous.

La difficulté est qu'il y a aussi un aspect psychologique. Quand vous êtes dans une démarche de création d'entreprise, vous êtes dans une dynamique positive. L'être humain est ainsi fait qu'il se projette dans un avenir bénéfique pour lui, il n'a pas forcément le réflexe de prévoir ce qui se passera en cas de difficulté. Je vais faire un parallèle : quand vous vous mariez, vous n'aimez pas que l'on vous dise : « Si vous divorcez, voilà ce qui va se passer ». En France, le commerce est libre. Tout le monde peut entreprendre, mais n'a pas forcément le même niveau d'information, de compétence et de connaissance.

En ce qui concerne les conditions d'accès à l'ATI, je m'associe aux réserves du président Canesi. Les chefs d'entreprise que nous rencontrons tous les jours sont généralement des travailleurs non salariés (TNS), qui ne sont donc pas éligibles à l'ATI. Ce dispositif a le mérite d'exister puisque personne auparavant ne s'était penché sur cette difficulté, qui est récurrente. Nous savons qu'un chef d'entreprise qui pousse la porte du tribunal a dans l'idée qu'il n'a droit à rien. Aujourd'hui, nous avons remédié à cette absence d'aides. Pour autant, le système est perfectible. Peut-être faudrait-il en étendre le champ en termes d'éligibilité puisque les TNS n'y ont pas accès.

De même, il pourrait être opportun de transformer la justification d'un revenu de 10 000 euros en celle d'un chiffre d'affaires. Vous pouvez avoir généré un chiffre d'affaires et ne jamais avoir touché de revenu issu de votre activité. Ce point purement comptable pourrait élargir le champ.

Ma profession peut renforcer un fléchage vers l'ATI. Nous éditons une brochure à l'endroit des chefs d'entreprise en difficulté. Nous pourrions donc rendre l'ATI visible dans nos supports de communication.

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