Intervention de éric Chevée

Réunion du mardi 16 mars 2021 à 18h00
Commission des affaires sociales

éric Chevée, vice-président en charge des affaires sociales de la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) :

M. Mongon a été très complet et très précis dans les réponses qu'il a apportées à l'ensemble des questions que vous avez soulevées.

Je partage notamment totalement son avis sur le fait que nous ne ressentons pas le besoin d'une législation particulière et supplémentaire dans le domaine du télétravail qui, au demeurant, serait très prématurée.

Nous nous interrogeons encore beaucoup quant au phénomène sociétal qui est en train de se produire et aux conséquences, positives ou négatives, qu'il induira. Dès lors, nous privilégions le pragmatisme de la négociation de proximité, qui laisse le dialogue social s'exprimer à une réglementation qui pourrait s'avérer contreproductive. Dans ce cadre, la CPME considère que l'ANI de 2005 a été contreproductif pour le développement du télétravail en figeant un certain nombre de points qui se sont rapidement révélés dépassés dans la situation que nous venons de vivre.

L'ANI que nous avons récemment signé offre la souplesse nécessaire à l'adaptation face à une situation dont nous ne maîtrisons du tout les tenants et les aboutissants.

Certains s'inquiètent notamment de la déstructuration du statut social, du statut même du salarié. En effet, très clairement, si la totalité du travail peut être effectuée en permanence à distance, le statut de salarié sera-t-il pérenne ? La question se pose. Néanmoins, la CPME demeure attachée au statut de salarié dans un cadre collectif. À titre d'exemple, dans une menuiserie, le télétravail s'avère complexe à l'exception des missions exercées dans le bureau d'études. Il est donc possible d'imaginer qu'à terme, les métiers de bureaux d'études puissent être externalisés et travailler pour plusieurs entreprises.

Force est de constater que les conséquences sont susceptibles de déborder largement du cadre de l'entreprise et de déstabiliser certains de nos repères. Il convient d'être vigilant.

Dans la nouvelle économie, des jeunes se montrent intéressés pour développer plusieurs emplois avec plusieurs employeurs dans différents domaines.

Vous avez soulevé la question de la territorialisation et des conséquences sur le territoire. Le télétravail reste malgré tout un phénomène urbain, voire métropolitain, qui est beaucoup moins pratiqué dans les territoires ruraux. La principale valeur ajoutée du télétravail réside dans la suppression des trajets quotidiens, générant ainsi des impacts éventuellement positifs sur l'environnement. Je précise « éventuellement » parce que nous n'en connaissons pas encore le bilan global, positif ou négatif.

De la même façon, nous ignorons les conséquences potentiellement induites par le télétravail sur l'immobilier d'entreprise, à terme, et sur la restructuration de l'organisation de nos entreprises et du travail en France.

La situation interne de l'entreprise est également complexifiée. Il s'avère tout aussi difficile pour un salarié de télétravailler que pour un manager d'encadrer le télétravail qui fait appel à des méthodes et des modes d'encadrement totalement différents, aussi bien pour ce qui concerne la vérification du travail réalisé que le contrôle.

Vous avez évoqué une forme de télésurveillance. Nous n'aspirons pas à devenir des « Big Brothers » à distance. Néanmoins, le séquençage du télétravail est très important, mais il est complexe d'en établir des règles strictes. En effet, au cours de nos discussions, les organisations syndicales se contredisaient dans leurs attentes. Certaines souhaitaient la mise en place de plages de travail très fixes afin de faciliter les prises de contact dans des créneaux identifiés. D'autres estimaient que le télétravail permettait de la souplesse dans les horaires et de les répartir la journée. Il nous est donc apparu inopportun, voire dangereux et contreproductif, de fixer des cadres stricts pour des entreprises très différentes les unes des autres. Il nous a semblé absolument nécessaire de laisser passer un peu de temps. L'ANI remplira son office parce que les entreprises et les salariés s'en saisissent.

Le dialogue au sujet du télétravail est très clairement ouvert dans les entreprises. Il est facilité par les évolutions du code du travail et le cadre fixé par l'ANI. Il convient de laisser ces discussions se poursuivre avant d'envisager une réglementation supplémentaire.

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