En France, 5 millions de personnes ont déjà fumé du cannabis et 700 000 en consomment quotidiennement. Regardons les faits en face : ni la répression trop forte, inapplicable, ni la forfaitisation des délits de stupéfiants, inefficace – les contraventions sont très peu recouvrées – n'ont eu ou n'auront de réel impact sur la consommation. En revanche, cet appareil répressif pèse sur nos finances publiques : la lutte contre le cannabis, dopée par la politique du chiffre, mobilise nos policiers et engorge notre système judiciaire. Les conséquences sont importantes également sur la paix sociale : la pénalisation de cette drogue crée une économie parallèle source de violence, de délinquance et de stigmatisation durable d'une partie de notre jeunesse. Cette jeunesse est, par ailleurs, la victime de l'absence de régulation et de politique de prévention : près de 10 % de nos enfants font un usage régulier du cannabis, au risque de troubler leur scolarité et de mettre en danger leur santé.
Contrairement au ministre de l'intérieur, pour qui légaliser serait une lâcheté, nous pensons que c'est le statu quo qui est une facilité. D'autres chemins sont possibles. En sortant le cannabis de la clandestinité, nous nous donnerions les moyens de faire mieux, de mener une véritable politique de santé publique, de parvenir à un contrôle général de la consommation en régulant les prix et de dégager du temps et des ressources pour nos forces de l'ordre et notre système judiciaire, le tout en créant une filière française contrôlée par l'État. Ce n'est pas être laxiste que de porter ce combat : c'est être lucide et responsable. Ce n'est pas nier la dangerosité du produit, c'est bien au contraire la prendre en compte. La vraie lâcheté consiste à se satisfaire de la politique actuelle.
Ayons le courage de tourner le dos à ce qui est en réalité une non-politique de santé publique, une politique répressive inefficace. Dans les faits, s'il y a une chose qui n'est pas interdite, c'est bien la consommation de cannabis, avec tous les dommages collatéraux qui vont avec. Inventons donc une manière de réguler et contrôler ce qui ne peut être interdit : c'est la légalisation. D'autres l'ont fait. C'est à notre tour d'accepter d'ouvrir ce débat. Je remercie François-Michel Lambert et mon groupe Libertés et Territoires de le faire.