La question posée par cette proposition de loi est épineuse, mais la société doit y répondre. Nous ne pouvons pas fermer les yeux sur une réalité qui marque l'échec des politiques menées jusqu'ici, ou à moitié menées peut-être, à l'égard du cannabis. Cette réalité, c'est que près d'un million et demi de personnes en consomment régulièrement, que cette substance fait l'objet d'un trafic important, par nature sans contrôle des produits, et que les politiques de prévention ne sont pas à la hauteur, alors même que l'état actuel des choses n'interdit pas d'en mener, en s'épargnant au passage une posture morale hors de propos.
Le seul objectif à poursuivre doit être la santé publique. Si ses usages sont divers, nous ne saurions négliger les effets certains du cannabis sur la santé, à tout âge – des effets particulièrement délétères pour les plus jeunes. L'augmentation de la consommation de cannabis traduit aussi pour une part, même si ce n'est pas que cela, un malaise social profond. Nous doutons – hélas ! – que la légalisation permette d'éradiquer les trafics, ce qui n'est d'ailleurs pas votre propos. Mais cette légalisation – qui n'est pas une libéralisation –, ce monopole public de la production et de la distribution que vous proposez est la seule voie envisageable pour garder au maximum le contrôle.
Pour autant, quel signal la légalisation enverra-t-elle ? Cette décision n'entraînera‑t‑elle pas une augmentation de la consommation, par tête et en nombre de têtes ? Quelles garanties pouvons-nous donner que ce seront les effets de meilleure maîtrise qui l'emporteront ? Nous pensons, en tout état de cause, que toute décision devra prendre place dans une politique de santé publique et de lutte contre les addictions. Nous espérons que le débat qui vient nous aidera à répondre ensemble à ces questions.