Intervention de Véronique Hammerer

Réunion du mercredi 14 avril 2021 à 16h30
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaVéronique Hammerer, rapporteure :

Pour répondre à Mme Mireille Robert sur le « hors les murs », je signale qu'il existe déjà un ou deux projets de MARPA incluant des prestations à domicile. Le concept même de MARPA ne se résume pas à celui de petites unités de vies situées en centre-bourg ; des prestations peuvent être proposées, mais ces structures ne s'y limitent pas. Elles sont déjà hors les murs, par des partenariats avec des associations, des citoyens, qui viennent à l'intérieur des MARPA pour réaliser des prestations. La MARPA école est bien hors les murs, parce qu'elle reçoit les élèves de l'école élémentaire, et que les habitants donnent des cours de cuisine aux enfants, lesquels apportent leur savoir‑faire en matière d'utilisation des tablettes. Il s'agit donc d'un dispositif intergénérationnel, qu'il faut absolument développer. Les MARPA sont ancrées dans les centres-bourgs, mais ouvertes à la population, et peuvent accueillir et proposer des prestations. D'autres projets existent à ce titre, qu'il faut développer.

Pour ce qui est de l'accueil familial, je remercie à nouveau l'ADF, que nous avons auditionnée, et qui est très intéressée. La MSA apporterait une prestation de services, mais ne prendrait pas en charge la compétence, qui reste départementale. Ce dispositif doit rester dans une structure générale (promouvoir, animer, développer), et doit être travaillé au sein du département, avec la MSA. Selon que vous vous trouvez en Gironde, à Marseille ou en Alsace, vous n'aurez pas la même typologie de services ; il faut laisser les acteurs créer leurs propres dispositifs. L'essentiel est de promouvoir, accompagner, animer, développer l'accueil familial, avec des compétences particulières que détiennent en particulier les MSA. Ce dispositif peut être proposé par la MSA, mais également la CNSA – et je salue à cet égard Mme Marie-Anne Montchamp, qui soulignait que l'on pouvait organiser des appels à projets. Les dispositifs doivent être coconstruits avec les départements, les acteurs concernés et les fédérations d'accueil familial, qui doivent jouer pleinement leur rôle.

Il faut aussi aider les MSA – et je reviendrai sur la question de Mme Agnès Firmin Le Bodo relative aux moyens.

Monsieur Nicolas Turquois, vous avez parlé des conseillers départementaux. L'une des forces des MSA est de disposer d'élus dans chaque canton. Les élus des MSA ne se contentent pas de se rendre au conseil d'administration chaque mois ou tous les deux mois : il s'agit de vrais acteurs de liens, souvent des salariés agricoles ou des agriculteurs, qui connaissent beaucoup de monde. Lorsqu'un projet est mis en place, ils y participent. Ils constituent des liens très importants, parce qu'ils connaissent les territoires et apportent leur réseau. Vous avez bien fait de parler des conseillers élus dans les cantons : ils sont aussi essentiels dans ce maillage des territoires.

Le manque de lisibilité est bien sûr le grand problème des MSA. Je rejoins également ce que disait Mme Monique Limon : des expériences très riches sont menées sur les territoires, par les MSA, mais également par les CCAS ou les CAF. Pourquoi les actions des MSA en particulier ne sont-elles pas suffisamment visibles ? Elles ont tout simplement un problème d'évaluation, ce qui constitue un mal français. De grands programmes proviennent de la caisse centrale, par exemple sur les chartes des aînés, travaillant sur la question de la dépendance sur un territoire donné, puis dans chaque département, chaque caisse mène sa propre politique et dispose de son propre conseil d'administration. C'est le conseil d'administration, en fonction de ce qu'il souhaite mettre en place, qui décide des actions du territoire. C'est pour cette raison qu'il en existe une grande diversité. Le programme de la charte des aînés est ainsi complètement différent à Marseille, en Alsace et en Bretagne. Étant pleinement convaincue par le développement social local, je considère qu'il s'agit d'une richesse, mais que le talon d'Achille du dispositif est l'évaluation. On ne parvient pas à évaluer l'efficience des actions. La diversité est une bonne chose, mais nous sommes confrontés à un manque de visibilité et de lisibilité. Les caisses centrales sont tout à fait d'accord avec ce constat ; c'est pour cette raison que des chercheurs élaborent depuis 2016 un programme d'évaluation, partant d'un socle commun, afin de rendre beaucoup plus lisibles les actions mises en œuvre.

Je rappelle que la MSA touche en matière de prévention pratiquement quatre‑vingt mille personnes par an. De nombreuses actions pérennes existent en France, grâce à cette méthode. Elles ne sont pas suffisamment lisibles et valorisées, faute d'une méthodologie d'évaluation suffisamment efficace.

Mme Agnès Firmin Le Bodo, vous avez parlé des moyens ; ils sont très relatifs : 800 travailleurs sociaux ne représentent pas grand-chose pour traiter le sujet de la prévention de la perte d'autonomie, sachant qu'ils ne s'adressent pas uniquement au public agricole. La MSA a bien compris la notion de la transversalité : elle a cette capacité de travailler avec la CARSAT, la CPAM, d'autres régimes, de manière transversale. Les acteurs ont donc mutualisé leurs moyens pour pouvoir être plus efficaces.

Les services d'action sanitaire et sociale de la MSA se sont cependant considérablement appauvris. Des conventions d'objectifs et de gestion (COG) sont élaborées tous les cinq ans, et leur demandent de rendre des postes. C'est malheureusement souvent au sein des services d'action sanitaire et sociale que ces postes sont retirés. Les COG étant en cours de réévaluation, je compte sur vous pour que les MSA et la caisse centrale ne soient plus obligées de rendre des postes, mais puissent au contraire renforcer les effectifs de leurs services sociaux. Les moyens se tarissent malheureusement.

J'ai répondu à votre question relative à la lisibilité. Il existe effectivement des disparités, qui constituent selon moi une force ; une méthode d'évaluation efficiente doit être trouvée pour que les MSA puissent mettre en avant toutes leurs actions.

Pour répondre à la question de Mme Monique Limon, je constate que des expériences extraordinaires sont mises en œuvre un peu partout depuis des années. On n'en parle peut-être pas suffisamment, parce que l'on a la fâcheuse tendance de parler surtout de ce qui ne fonctionne pas. Ainsi, on veut parfois inventer la poudre, alors qu'elle existe déjà ; de nombreux dispositifs existent, mais on ne sait pas les valoriser et les développer.

Mme Valérie Six, vous m'interrogez sur l'accompagnement numérique. Il est réalisé de multiples façons, du camion numérique qui passe dans les communes aux MARPA et leurs dispositifs intergénérationnels, et aux forums « bien vieillir », qui organisent des rencontres avec des professionnels du numérique. De nombreux projets existent, certes disparates, mais avec leur efficacité propre, car ils s'adressent à un public donné. Ces ateliers sont extrêmement recherchés.

Mme Josiane Corneloup, vous m'interrogez sur l'accueil familial et le rôle fédérateur de la MSA. Je voudrais en venir, si vous me le permettez, à une question que je n'ai pas suffisamment abordée, celle de MonSenior, plateforme privée qui offre un service pour les accueillants familiaux et les familles qui en recherchent. Ce service privé fonctionne très bien, mais est payant. Dans les endroits où il est implanté, il regroupe plus de 400 accueillants familiaux, ce qui est considérable. Cela signifie que lorsque l'on décide d'animer un territoire, d'accompagner des accueillants familiaux, de promouvoir le métier, cela fonctionne.

Le caractère privé de cette initiative ne me pose pas de problème particulier, mais il me semble que nous pourrions utiliser des organismes semi-publics tels que les MSA pour développer ce type de solution dans un autre cadre, public ou semi-public.

Pourquoi les MARPA sont-elles à peine deux cents en France ? Le concept existe depuis une vingtaine d'années ; pourquoi est-il aussi peu développé ? Cette situation est liée aux politiques souhaitées par les départements. Pour mettre en place une MARPA, résidence autonomie, il faut obtenir l'agrément du département, qui doit passer un appel à projets.

Je me suis insurgée contre ce fait en portant un amendement à la loi portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (ELAN), visant à dispenser les MARPA des agréments et des appels à projets. Chaque département élabore un schéma départemental en faveur des personnes âgées et des personnes en situation de handicap (PAPH). Un diagnostic général permet d'identifier les zones où manquent des structures d'accueil. Par ailleurs, lorsqu'une MARPA est mise en place sur un territoire, un diagnostic partagé est automatiquement créé. Il existe donc deux diagnostics, qui identifient les besoins sur un territoire donné. Pourquoi dans ces conditions un appel à projets serait-il nécessaire ?

Cet amendement n'a malheureusement pas été retenu. J'ose espérer que, la loi grand âge arrivant, des évolutions seront possibles, mais cet état de fait a été un vrai frein à la mise en place des MARPA sur le territoire, que les départements identifient eux-mêmes.

Les MARPA n'accueillent pas d'aides-soignantes, car il s'agit de résidences autonomie, qui n'accueillent que des personnes de groupes iso-ressources (GIR) 5 et 6.

Mme Josiane Corneloup, vous me posiez aussi la question des structures de répit pour les enfants. Les MSA peuvent bien sûr promouvoir ces séjours. Elles mènent déjà des actions autour de la petite enfance ; je pourrai vous fournir des données par ailleurs. En tant qu'ancienne assistante sociale de la MSA, mais aussi de la CAF, je voudrais indiquer qu'à une époque, nous faisions partir des familles sans moyens et leurs enfants en vacances. Il s'agissait de vrais projets, qui malheureusement disparaissent faute de moyens. Pour avoir vécu plusieurs séjours de vacances en emmenant des enfants qui n'avaient jamais vu la mer ou la montagne, n'avaient jamais bénéficié de temps libre avec leurs parents pour des loisirs, je peux vous dire que cela crée des choses extraordinaires, des liens forts, et que cela permet aux travailleurs sociaux de travailler autrement.

Certains de ces projets existent encore, d'autres sont supprimés faute de moyens. Ils sont à développer, parce que les travailleurs sociaux en MSA ou en CAF sont habitués à sortir de leurs bureaux, à travailler différemment, et à proposer des actions très innovantes de relation avec l'usager.

J'espère ne pas avoir oublié de questions. J'ai remercié l'ADF, la CNSA, mais tenais aussi à remercier les directions générales des services de sécurité sociale au niveau des ministères, ainsi que la direction générale de la santé (DGS) et les services du ministère de l'agriculture, que j'ai reçus en audition.

La MSA ne doit pas se réinventer, parce qu'elle a déjà inventé beaucoup de choses. Elle doit en revanche se remettre en question sur l'évaluation et sur la communication. Dans le cadre des véhicules législatifs existants, dont le PLFSS, appuyons-nous sur ce qui existe : de très nombreux organismes mènent des actions exceptionnelles sur nos territoires, dont nous ne parlons pas suffisamment. Il faut les développer, les soutenir financièrement. Les MSA ont besoin de moyens plus importants pour leur action sanitaire et sociale ; j'espère qu'ils disposeront dans la prochaine COG des moyens nécessaires à la poursuite de ces actions de prévention, qu'ils réalisent de manière engagée et déterminée.

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