Intervention de Marie-Pierre Rixain

Réunion du mercredi 5 mai 2021 à 15h00
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarie-Pierre Rixain, rapporteure :

Parce que le dispositif prévu par l'article 7 repose sur la capacité de l'entreprise à constituer un vivier de femmes dirigeantes, il me semble décisif de tenir compte du nombre de salariés, la loi Copé-Zimmermann faisant par ailleurs du montant du chiffre d'affaires un critère cumulatif à celui de la taille de l'entreprise. Afin de rendre ce dispositif simple, opérationnel et, surtout, lisible pour les entreprises, je vous propose de nous en tenir au seul critère des 1 000 salariés.

Dix ans après la promulgation de la loi Copé-Zimmermann, l'article 7 constitue une nouvelle étape ambitieuse en matière d'égalité professionnelle. Comme vous, je regrette que le succès de cette loi sur les quotas dans les conseils d'administration et de surveillance n'ait pas eu un effet de ruissellement sur l'accession des femmes à des postes à plus haute responsabilité : en 2021, les entreprises du CAC 40 ne comptent aucune femme présidente directrice générale (PDG), aucune femme présidente de conseil d'administration et seulement une femme directrice générale. Pourtant, le vivier existe puisque les femmes représentent plus d'un tiers de la population des cadres de ces entreprises. Comment dès lors expliquer qu'elles ne représentent que 20,37 % de leurs comités exécutifs, si ce n'est par l'épaisseur du plafond de verre ?

La réussite du nouvel arsenal législatif repose sur une définition réaliste du périmètre. Je rappelle qu'à l'origine, la loi Copé-Zimmermann avait vocation à s'appliquer aux sociétés cotées ou non cotées dès lors qu'elles emploient au moins 500 salariés et réalisent un chiffre d'affaires et un total de bilan d'au moins 50 millions d'euros. Le dispositif que nous proposons est beaucoup plus simple : il s'applique aux très grandes entreprises, de plus de 1 000 salariés. Ce seuil est à la fois ambitieux et réaliste : ambitieux, car les nouvelles obligations introduites ne seront pas minces ; réaliste, car ce seuil constitue une taille critique permettant des effets concrets sur la mixité dans les instances dirigeantes tout en prenant en compte la réalité des entreprises de moins de 1 000 salariés.

Nous avons toutes les raisons de penser que les entreprises de taille plus modeste seront entraînées dans ce mouvement et qu'elles seront amenées à diversifier le recrutement de leurs cadres. Un abaissement du seuil à 250 salariés ferait peser sur elles une charge trop lourde, ce à quoi je me refuse. Notre objectif n'est pas de sanctionner les entreprises mais de les accompagner et de faire en sorte que la représentation des femmes et des hommes soit meilleure au sein des instances de direction.

Je suis également défavorable au seuil de 500 salariés.

Je comprends la volonté d'abaisser le seuil prévu pour la publication de l'indicateur aux entreprises de 250 salariés mais, par cohérence avec l'ensemble du dispositif, je vous propose là encore d'en rester au périmètre de 1 000 salariés.

Je partage la volonté politique de faire la lumière sur les inégalités dont sont victimes les salariés les plus modestes mais l'introduction d'un nouvel indicateur ne me paraît pas opportune pour deux raisons.

Il s'agit du périmètre de l'article 7 tout d'abord. Nous devons concentrer nos efforts sur la question du partage du pouvoir et des responsabilités entre les femmes et les hommes au sein des entreprises, la question de la rémunération n'y étant pas totalement corrélée. La réduction des inégalités salariales grâce à cet outil qu'est l'index de l'égalité professionnelle – dont nous avons généralisé les dispositions à l'article 6 – est un progrès sans pour autant que celui-ci soit le gage d'une égalité parfaite entre les femmes et les hommes dans les entreprises.

Ensuite, d'après l'INSEE, les 10 % de femmes les moins bien rémunérées ont perçu un salaire inférieur de 5 % à celui des hommes. L'écart est donc faible au bas de l'échelle salariale. En revanche, les 10 % de femmes les mieux rémunérées ont touché un salaire inférieur de 19 % à celui des hommes. Plus on monte dans l'échelle des salaires, plus l'écart salarial se creuse.

Plusieurs sous-amendements proposent un échéancier en fixant un objectif de 40 % d'ici à cinq ans, contre huit ans dans la proposition de loi, et 50 % d'ici à huit ans. À l'instar de l'application par paliers de la loi Copé-Zimmermann, cet article tient compte de la situation présente des entreprises afin de fixer des objectifs qui ne soient pas déraisonnables, donc, inapplicables. Je rappelle que la loi Copé-Zimmermann prévoyait une application graduelle : une représentation minimale de 20 % dans les trois ans et de 40 % dans un délai de six ans. À la différence des conseils d'administration et de surveillance, qui accueillent en leur sein des personnalités extérieures à l'entreprise et des membres élus pour une durée déterminée, renouvelée, fixée par leur mandat, les instances dirigeantes visées par cet article concernent directement les cadres internes. Le mouvement n'est donc pas le même. Le renouvellement de personnels y est moins fréquent puisque fondé sur le contrat de travail, bien souvent à durée indéterminée.

L'efficacité du dispositif proposé repose sur la capacité des sociétés visées à recruter, mais également à promouvoir des cadres féminins. La progressivité est donc plus justifiée compte tenu du fonctionnement des entreprises, qui doivent s'approprier ces nouvelles obligations contraignantes. Je suis convaincue que les entreprises ont besoin de temps pour intégrer et appliquer ce dispositif.

Les entreprises doivent être en effet conscientes qu'il leur faut dès aujourd'hui s'atteler au problème de l'égalité entre les femmes et les hommes, mais seul un échéancier raisonnable permettra qu'il en soit durablement ainsi. Le dispositif envisagé prévoit qu'au terme d'un délai de huit ans, l'autorité administrative constate le non-respect des objectifs assignés à l'entreprise, à laquelle il ne serait pas réaliste de demander qu'elle se conforme immédiatement à ses préconisations, d'autant plus que la mesure proposée prévoit des sanctions financières non négligeables. Je vous propose donc de nous en tenir à un délai de mise en conformité de deux ans.

L'inspection du travail joué un rôle clé dans le contrôle des obligations assignées aux entreprises, en particulier concernant l'index de l'égalité professionnelle. Depuis 2019, près de 20 000 interventions ont été menées par ses services. La précision du sous-amendement AS372 me semble donc superflue et j'invite Mme Chapelier à bien vouloir le retirer.

La volonté d'augmenter le plafond de la pénalité financière entre 1 % et 5 % de la masse salariale illustre combien la représentation nationale ne manque pas d'ambition pour faire progresser l'égalité entre les femmes et les hommes dans l'entreprise mais le maintien à 1 % du plafond de la masse salariale me semble préférable pour deux raisons : le montant de la sanction financière est cohérent avec d'autres montants en matière d'égalité salariale, notamment celui de l'index de l'égalité professionnelle ; par ailleurs, je redoute qu'une trop forte coercition soit contre-productive. Notre objectif politique est de faire en sorte que les entreprises s'approprient cette nouvelle obligation et non qu'elles se sentent menacées, donc, paralysées par une épée de Damoclès qui les fragiliserait. Je vous rappelle, enfin, qu'il s'agit de fixer un plafond mais que l'autorité administrative restera souveraine dans son application. Imaginons qu'une sanction financière de plus de 1 % de la masse salariale menace la pérennité de l'entreprise : je doute fort que l'inspection du travail inflige une amende qui ferait courir un risque de faillite.

Il n'est pas déraisonnable d'imaginer que les grandes entreprises de 5 000 salariés disposent d'ores et déjà d'un vivier de femmes cadres plus important qui leur permettrait d'atteindre plus rapidement les objectifs mais je doute de la portée d'une différence de traitement par rapport aux entreprises de 1 000 salariés. Malheureusement, il n'y a pas de corrélation entre la présence de femmes cadres et parmi les instances dirigeantes. Les difficultés rencontrées pour les entreprises de 5 000 salariés pour féminiser l'ensemble de la chaîne seront similaires à celles éprouvées par les entreprises de 1 000 salariés. De surcroît, dans une perspective de lisibilité et d'efficacité, il me semble préférable de retenir un seul seuil.

J'émets donc un avis défavorable sur l'ensemble de ces sous-amendements.

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