Intervention de élisabeth Borne

Réunion du vendredi 7 mai 2021 à 16h00
Commission des affaires sociales

élisabeth Borne, ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion :

Merci d'avoir organisé cette audition dans un créneau horaire un peu inhabituel.

Le Président de la République l'a annoncé la semaine dernière, l'évolution de la situation sanitaire nous permet d'apercevoir le bout du tunnel. Une première étape importante, fixée le 19 mai, verra l'ouverture des commerces et tout ce qui fait notre art de vivre : les terrasses, les musées, les salles de cinéma et de théâtre. Une seconde étape, importante pour les salariés, commencera le 9 juin avec l'assouplissement des règles sur le télétravail, la réouverture, conditionnées à des jauges, des cafés, des restaurants et des salles de sport. Il faudra alors vivre avec le virus, tout en maintenant collectivement notre vigilance.

Le Gouvernement a souhaité échanger avec les organisations professionnelles et syndicales, les élus locaux et, bien sûr, les parlementaires sur les modalités de la sortie de crise. En tant que ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion, ma mission consiste à accompagner cette levée progressive des restrictions sanitaires en poursuivant la mobilisation des entreprises dans notre stratégie de lutte contre la covid-19, en ajustant les dispositifs d'aide pour encourager et faciliter la reprise d'activité tout en continuant à préserver les emplois et en apportant aux entreprises et aux salariés les compétences nécessaires pour tirer pleinement parti de la reprise.

En termes de préservation de la santé des salariés et des Français en général, nous continuerons à recourir au télétravail et à déployer la vaccination en entreprise, en adaptant le protocole national à la sortie de crise. Il n'est pas question de relâcher nos efforts sur le télétravail, car il s'agit d'un levier essentiel de la lutte contre le virus. Votre commission a eu l'occasion d'auditionner les partenaires sociaux sur ce thème ces dernières semaines. Le recours au télétravail devra s'adapter, d'une part, en lien avec la levée progressive des restrictions sanitaires, d'autre part, pour prendre en compte les souhaits des salariés de revenir sur leur lieu de travail et de retrouver leurs collègues.

L'accord national interprofessionnel du 26 novembre dernier est un guide précieux dont les branches et les entreprises pourront se saisir pour poser les bases d'un télétravail post-covid.

Comme l'a indiqué le Président de la République, le recours au télétravail sera assoupli à partir du 9 juin. Les partenaires sociaux, avec les directions et les représentants des salariés de chaque entreprise, pourront alors définir dans le dialogue social, au sein de l'entreprise, un nombre minimum de jours de télétravail.

Dans le même temps, je souhaite que les entreprises prennent toute leur place dans notre stratégie vaccinale, comme elles le font chaque année pour la vaccination contre la grippe. C'est dans cet esprit que, dès le mois de mars, j'ai souhaité que les services de santé au travail se mobilisent pour vacciner les salariés qui répondaient aux cibles de vaccination définies au niveau national, l'objectif étant de faire baisser la pression sur nos services hospitaliers.

La contribution de la médecine du travail monte en puissance progressivement, au fur et à mesure de la mise à disposition de doses supplémentaires et de l'élargissement des catégories de salariés éligibles à la vaccination. À ce jour, les entreprises peuvent vacciner les salariés de plus de 55 ans et tous ceux de plus de 18 ans atteints de comorbidités. Dès lundi, la vaccination sera ouverte à toutes les personnes de plus de 50 ans. Au total, plus de 2 600 médecins du travail, médecins collaborateurs dans les services de santé au travail ou infirmières en santé au travail ont réalisé 520 000 injections, tous lieux confondus, dont plus de 60 000 en services de santé au travail.

Comme je l'ai annoncé mercredi dernier, nous avons décidé de donner un coup d'accélérateur à cette vaccination en entreprise, d'une part, avec le fléchage de 100 000 doses supplémentaires d'AstraZeneca qui seront mises à disposition des services de santé au travail pour vacciner leurs salariés de plus de 55 ans ; d'autre part, dès le 15 mai, par le lancement d'une expérimentation auprès de plusieurs services de santé au travail pour permettre de vacciner les salariés avec les vaccins à ARN messager – Pfizer ou Moderna –, ce qui suppose que les services de santé au travail se dotent des équipements aptes à assurer la conservation de ces vaccins dans de bonnes conditions. L'objectif vise à permettre un approvisionnement pérenne et massif des services de santé au travail à partir de la mi-juin lorsque la vaccination sera ouverte à l'ensemble de la population.

Je rappelle que, depuis le 24 avril, nous avons ouvert des créneaux réservés aux 400 000 professionnels de plus de 55 ans dont l'activité les conduit à être davantage en contact avec le virus. Il s'agit de nos travailleurs de la deuxième ligne : les caissières, les éboueurs ou encore les chauffeurs livreurs qui peuvent avoir un accès facilité à la vaccination. Avec Olivier Véran, nous sommes allés à leur rencontre dans un centre de vaccination. J'ai pu constater combien cet accès facilité à la vaccination est apprécié. Je vous invite, chacun dans votre circonscription, à relayer cette possibilité auprès des employeurs et à sensibiliser les publics prioritaires afin qu'ils se fassent vacciner sans plus attendre.

En parallèle, le protocole national en entreprise sera mis à jour pour s'adapter à la reprise de l'activité. Nous allons maintenir un certain nombre de règles, telles que le respect des mesures barrières : le port du masque et la distance d'un mètre entre les personnes. Nous allons faire évoluer d'autres règles, au-delà du télétravail, pour mieux accompagner la reprise et pour que le retour sur site des salariés se déroule dans les meilleures conditions. Il conviendra notamment assouplir les règles qui s'appliquent à la restauration collective, à l'heure actuelle extrêmement strictes, puisque les salariés doivent déjeuner seuls à leur table, à deux mètres de leurs collègues. Nous ferons donc évoluer ces règles en cohérence avec celles applicables à la restauration.

Depuis le deuxième confinement, nous avons suspendu des moments de convivialité, ce qui retire de la qualité de vie au travail. Nous autoriserons à nouveau ces moments de convivialité qui sont essentiels pour recréer rapidement des collectifs de travail.

En complément, des protocoles sectoriels seront mis à jour pour répondre aux caractéristiques particulières de certains établissements recevant du public. Je pense notamment au secteur des hôtels et cafés-restaurants, où des protocoles s'appliquent pour accueillir le public ; il conviendra également de se préoccuper de la protection des salariés dans le cadre de ces protocoles.

Par ailleurs, l'enjeu vise à sortir graduellement des aides d'urgence massives tout en maintenant un accompagnement de plus long terme pour les entreprises qui en ont besoin. Notre stratégie n'est pas de réduire les aides trop rapidement, et ce afin d'accompagner l'heureux démarrage sans créer de fragilités économiques. Je ne détaillerai pas devant vous les aides qui relèvent du ministère de l'économie, mais j'insiste sur le fait que nous travaillons main dans la main pour articuler les dispositifs de prêts garantis par l'État, mais surtout de fonds de solidarité et d'aide au paiement des charges sociales avec les dispositifs qui relèvent du ministère du travail, donc l'activité partielle.

Ce dispositif doit permettre de continuer à protéger les emplois et les entreprises dans cette phase de reprise. Au mois d'avril, plus de 3 millions de salariés bénéficiaient de l'activité partielle. Il s'agit de parcourir avec succès le dernier kilomètre de l'accompagnement permettant de protéger les entreprises et les emplois. Dans notre réponse à la crise, ce dispositif a été central. Ce sont près de 30 milliards d'euros qui ont été mobilisés au cours de l'année 2020 et plus de 10 milliards qui le seront cette année.

Avec Bruno Le Maire et Alain Griset, nous avons échangé avec les organisations syndicales et patronales le 22 avril dernier sur les trajectoires d'évolution des taux de prise en charge de l'activité partielle. Depuis le début de la semaine, nous avons échangé avec les secteurs professionnels principalement concernés par les réouvertures. Comme le Président de la République l'a annoncé la semaine dernière, les secteurs protégés, c'est-à-dire les hôtels et cafés-restaurants mais aussi les professionnels de l'événementiel, continueront à bénéficier jusqu'à la fin juin d'une prise en charge à 100 % de l'activité partielle. Dans le même temps, la prise en charge de la rémunération du salarié sera maintenue au niveau actuel, soit 84 % de la rémunération nette.

À partir du 1er juillet, nous commencerons à réduire la prise en charge de l'activité partielle de ces secteurs, l'idée étant d'avoir un reste à charge de 15 %, tout en maintenant la prise en charge de la rémunération à hauteur de 84 %. Nous envisageons un nouveau palier au mois d'août sur le reste à charge pour l'entreprise, tout en maintenant la rémunération des salariés. L'objectif est de rejoindre les règles de l'activité partielle de droit commun à partir du mois de septembre.

Pour les autres secteurs, nous envisageons un premier palier de 25 % de reste à charge au mois de juin – il se situe actuellement à 15 % – avant de passer à 40 % en juillet.

Je veux insister sur la philosophie de l'accompagnement dans la période de reprise. Il s'agit de tenir compte de la situation de certaines entreprises qui auront plus de difficultés à redémarrer. Nous avons imaginé une disposition pour accompagner les entreprises dont le chiffre d'affaires restera fortement réduit au cours de la période, notamment celles qui enregistrent une perte de chiffre d'affaires de plus 80 %. Elles continueront à bénéficier d'une prise en charge à hauteur de 100 % de l'activité partielle. Cette mesure pourrait concerner des hôtels qui accueillent une clientèle internationale ou les organisateurs de salons professionnels qui nous ont alertés sur le fait que leur activité ne reprendra pas pendant les mois de juillet et août, qui sont traditionnellement des mois creux.

J'insiste également sur le fait que les salariés dont la rémunération est proche du salaire minimum de croissance (SMIC), quel que soit leur secteur d'activité, bénéficieront du maintien intégral de leur salaire, l'employeur bénéficiant dans le même temps d'un reste à charge nul. Ces règles continueront à s'appliquer et permettront de protéger au mieux les emplois, que l'on soit en activité partielle ou en activité partielle de longue durée.

Ces évolutions des modalités de prise en charge de l'activité partielle doivent inciter les entreprises qui en ont besoin à se saisir de l'activité partielle de longue durée qui permet à une entreprise de protéger durablement ses emplois tout en renforçant les compétences des salariés.

À ce jour, plus de cinquante branches ont signé des accords d'activité partielle de longue durée, ce qui représente environ cinq millions de salariés. Ces accords de branche ont pu être déclinés en documents unilatéraux ; des accords d'entreprise ont été également signés. Au global, ce sont près de 800 000 salariés qui sont protégés par l'activité partielle de longue durée, ce qui maintient, sur une durée pouvant aller jusqu'à 24 mois, une indemnité à hauteur de 84 % du salaire net pour le salarié et un reste à charge pour l'employeur de 15 %. Un tel dispositif est très utilisé dans l'aéronautique, qui attend une remontée en charge progressive de son secteur. Il peut également concerner le secteur des services aux entreprises, où des remontées progressives de l'activité pourront intervenir.

Nous mettons à disposition des entreprises des outils innovants destinés à accompagner la formation de leurs salariés, à soutenir leur rebond et à anticiper les mutations. La reprise de l'activité ne peut pas se faire sans une main-d'œuvre qualifiée disponible dès la réouverture. Par ailleurs, la crise que nous traversons accélère les mutations de l'économie et donc nous devons, plus que jamais, aider les entreprises à accompagner une évolution des compétences. C'est la raison pour laquelle nous mobilisons un milliard d'euros sur les années 2020-2021 dans le cadre du Fonds national de l'emploi-formation (FNE-formation), un milliard d'euros pour la formation des salariés des entreprises en activité partielle ou en activité partielle de longue durée ou encore de celles qui font face à des mutations.

Afin de s'assurer de la qualité de ces formations et surtout de la capacité des petites et moyennes entreprises à se saisir de ces formations, j'ai signé des conventions avec chacun des onze opérateurs de compétences pour qu'ils disposent d'une offre clé en main pour les entreprises, ce qui mobilise près de 400 millions d'euros pour la formation des salariés des entreprises impactées par la crise.

Dans ce cadre, nous avons également prévu des formations de réentraînement des salariés des secteurs qui sont fermés depuis plusieurs mois et qui commencent à se déployer afin que les salariés qui n'ont pas travaillé depuis plusieurs mois réapprennent les gestes métier. Je pense, par exemple, aux cuisiniers ou aux serveurs qui bénéficieront de ces formations de réentraînement. Par ailleurs, nous avons demandé à Pôle emploi de se rapprocher de certains secteurs, notamment les hôtels et cafés-restaurants, dont on sait qu'ils ont perdu de l'ordre de 100 000 salariés tout au long de la crise, pour mettre en place des dispositifs de préparation opérationnelle à l'emploi afin de remobiliser ces demandeurs d'emploi.

Enfin, nous souhaitons accompagner l'outil de transition collective en faveur de la reconversion des salariés d'entreprise qui connaissent une baisse d'activité, dont certains emplois sont susceptibles d'être menacés, vers des secteurs qui recrutent dans le bassin d'emploi grâce à l'outil « transition collective », bâti avec les partenaires sociaux et en faveur duquel nous mobilisons 500 millions d'euros sur deux ans, en prenant en charge tout ou partie de la rémunération et de la formation des salariés. Il est important que vous relayiez ces dispositifs dans vos circonscriptions, car ils sont essentiels dans le cadre d'une crise qui frappe de façon très hétérogène les différents secteurs d'activité.

Les aides massives que nous avons mobilisées jusqu'à présent ont d'ores et déjà produit des effets. Je rappelle que la hausse du chômage sur un an a été contenue à 8 %, alors qu'il avait bondi de 25 % lors de la crise de 2008-2009. Nous constatons que les promesses d'embauche repartent à la hausse, ce qui est un signe tangible de la reprise.

Grâce aux progrès de la vaccination, il nous est possible d'envisager une sortie progressive des dispositifs d'aide, tout en étant très attentifs à ne pas brusquer les choses et à accompagner au mieux les entreprises et les salariés dans cette période de reprise d'activité.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.