Intervention de élisabeth Borne

Réunion du vendredi 7 mai 2021 à 16h00
Commission des affaires sociales

élisabeth Borne, ministre :

Dans la mesure où je ne les ai pas évoqués dans mon propos introductif, je dirai un mot des jeunes et, de façon plus générale, de la volonté, en cette période de crise, de protéger les plus vulnérables. En effet, j'ai longuement parlé de l'activité partielle qui permet de protéger les salariés en entreprise ; nous avons également voulu porter une attention particulièrement à la situation des jeunes en lançant le plan « 1 jeune 1 solution », présenté en juillet dernier et qui mobilise à ce jour 9 milliards d'euros.

Il était essentiel de s'assurer que les jeunes, qui sont toujours les premières victimes en période de crise économique, soient protégés. C'est tout le sens des dispositifs qui ont été programmés et qui sont inédits par leur ampleur mais aussi par la diversité des solutions apportées, tant il est vrai que les jeunes ne sont pas tous confrontés à la même situation ; chaque jeune est un cas particulier et c'est dans cet esprit que nous avons voulu apporter une diversité de réponses.

Citons à cet égard les aides à l'embauche des jeunes qui ont été instaurées au mois d'août dernier et qui ont été prolongées jusqu'à la fin mai. Les aides à l'apprentissage représentent 5 000 euros ou 8 000 euros, en fonction des conditions d'âge et d'effectifs, pour les entreprises qui recrutent un apprenti. S'ajoutent 100 000 formations qualifiantes supplémentaires pour préparer les jeunes aux métiers de demain dans le domaine de la transition écologique, du numérique, des métiers du soin, et les parcours d'accompagnement vers l'emploi pour les jeunes qui sont les plus éloignés de l'emploi.

Je pense que l'on peut dire que ce plan porte ses fruits, même s'il faut, bien entendu, rester très mobilisés. Un million et demi de jeunes de moins de 26 ans ont été embauchés en contrat à durée déterminée (CDD) de plus de trois mois ou en contrat à durée indéterminée (CDI) entre le mois d'août et la fin mars, soit quasiment autant que sur la période équivalente avant la crise. Comme vous le savez, plus de 500 000 contrats d'apprentissage ont été signés au cours de l'année 2020. Depuis le début de l'année, 25 000 jeunes sont entrés dans un parcours d'accompagnement vers l'emploi, notre objectif étant d'accompagner 1 million de jeunes au cours de l'année 2021.

À la demande du Président de la République, nous travaillons à un élargissement du dispositif de Garantie jeunes universelle qui a fait ses preuves. Il est, en effet, très efficace pour amener vers l'emploi les jeunes qui en sont le plus éloignés. Il garantit à chaque jeune un accompagnement personnalisé et, s'il en a besoin, une allocation jusqu'à 500 euros. Il est essentiel, dans la période actuelle, de s'assurer qu'aucun jeune ne reste sur le bord de la route.

Ce plan ne peut réussir, bien entendu, que si les entreprises et, d'une façon générale, les employeurs sont mobilisés. Ils ont été au rendez-vous. Par exemple, la plateforme 1jeune1solution.gouv.fr propose 200 000 offres d'emploi ou de stages. Il n'en reste pas moins, Monsieur Perrut, que les collectivités ont évidemment toute leur place dans le dispositif puisqu'elles bénéficient d'une aide si elles recrutent des apprentis. Peut-être est-elle moins connue que les aides aux entreprises, mais il s'agit d'une aide de 3 000 euros qui, elle aussi, sera prolongée jusqu'à la fin de l'année.

J'ai eu l'occasion d'échanger avec les employeurs territoriaux. Dans une période où les collectivités étaient soumises aux difficultés de la crise, cette mesure a permis de maintenir les recrutements d'apprentis au cours de l'année 2020. Nous souhaitons aller plus loin et la prolongation de cette aide à l'apprentissage devrait nous le permettre.

Au surplus, des dispositifs spécifiquement adaptés permettent aux collectivités d'embaucher des jeunes qui connaissent des difficultés d'accès à l'emploi ; il s'agit notamment des contrats aidés, des parcours emploi compétences. Nous en mobilisons 150 000 cette année. J'invite donc les collectivités à se saisir de cet outil qui prévoit également une formation et un accompagnement du jeune. Nous pouvons relever que le dispositif d'emploi aidé a évolué depuis le début du quinquennat pour aboutir à un taux d'insertion dans l'emploi de près de 60 % des jeunes qui entrent dans les parcours emploi compétences.

Je mentionnerai également les jeunes du service civique. Nous en comptons 100 000 supplémentaires dans le cadre du plan « 1 jeune 1 solution ». Notre objectif est de faire en sorte que tout le monde se mobilise pour apporter des réponses à nos jeunes.

D'une façon générale, sur le calendrier des réouvertures et la concertation sur l'évolution des aides, le Président de la République a voulu donner de la visibilité à tous les Français en annonçant des réouvertures progressives, de début mai jusqu'à la fin juin. Cette visibilité est appréciable pour les secteurs concernés par les fermetures, pour les professionnels comme pour les salariés, afin qu'ils se préparent à cette reprise progressive, notamment pour mettre en œuvre les formations de réentraînement ou de remobilisation que j'ai mentionnées.

Madame Biémouret, nous menons des concertations avec les organisations syndicales interprofessionnelles ; ce matin encore, j'ai échangé avec les organisations syndicales des secteurs particulièrement concernés par les réouvertures – les commerces, les hôtels et cafés-restaurants, les salles de sport, l'événementiel – afin qu'ils soient impliqués dans les discussions sur les réouvertures, à la fois sur le volet lié au protocole sanitaire destiné à protéger les clients mais aussi les salariés, et afin qu'ils soient sollicités sur l'évolution des dispositifs d'accompagnement de ces réouvertures, et donc sur l'évolution de nos dispositifs conjoints avec le ministère de l'économie : le fonds de solidarité, l'aide au paiement des charges sociales et les dispositifs d'activité partielle.

En écho à la question de M. Paul Christophe, je dirai que nous travaillons main dans la main avec Bruno Lemaire afin d'organiser pendant une période suffisamment longue des dispositifs protecteurs, dont l'activité partielle. Cela dit, avec la reprise de l'activité économique, la mobilisation de l'activité partielle devrait baisser au fur et à mesure que les salariés reviendront au travail. Aussi sera-t-il nécessaire qu'ils soient accompagnés par le fonds de solidarité dont il est également prévu une évolution progressive au cours des mois de juin, juillet et août. S'ajoute l'aide au paiement des charges sociales des professionnels, qui est une façon de soutenir le retour au travail des salariés. Nous disposons ainsi d'un ensemble de dispositifs protecteurs au moment où les différentes activités qui ont fermé ces derniers mois vont redémarrer. C'est ce qui est ressorti de nos concertations avec les professionnels.

S'agissant du télétravail, nous avons eu des échanges avec les organisations patronales et syndicales sur l'opportunité d'un premier jalon le 19 mai. Tout le monde a été très prudent quant à un retour au travail des salariés. Nous avions échangé sur l'idée de passer à cinq jours de télétravail, qui est aujourd'hui la norme, à une norme de quatre jours de télétravail et un jour en présentiel. Pour finir, nous avons profité des souplesses offertes par le protocole national en entreprise. Par ailleurs, dans la mesure où les salariés et les employeurs qui souhaitaient ce sas d'un jour par semaine en présentiel ne se sont pas particulièrement mobilisés, nous avons préféré nous caler sur le second jalon, au 9 juin, date à laquelle nous redonnerons la main en organisant des discussions au sein des entreprises pour déterminer un nombre minimal de jours de télétravail adapté à la situation de chaque entreprise.

En ce qui concerne la territorialisation des règles, vous aurez compris que les jalons définis par le Président de la République pourront être précisés dans leurs modalités de mise en œuvre par le Premier ministre la semaine prochaine et que cela s'accompagnera de la possibilité de décaler les calendriers de réouverture dans les départements qui dépassaient les 400 cas par jour. Depuis cette semaine, plus aucun département ne connaît une telle situation et nous espérons que le nombre de cas baissera au cours des prochaines semaines. Mais ce sont bien ces indicateurs – le nombre de cas par jour et la pression sur les services de réanimation – qui pourraient nous amener à différencier les modalités de réouverture selon les départements. En tout cas, jusqu'à ces derniers jours, nous enregistrons plutôt une accélération de la baisse de l'incidence et du nombre de patients en réanimation. Nous espérons que le mouvement se poursuivra.

Mme Biémouret a interrogé sur les règles sanitaires en entreprise et la bonne prise en compte des risques liés au virus. Dès que nous recevons de nouvelles informations des autorités sanitaires, systématiquement, nous consultons le Haut Conseil de la santé publique pour adapter, le cas échéant, les protocoles qui s'appliquent en entreprise.

Au mois d'août dernier, nous avons été informés d'une alerte sur la transmission par aérosol, qui nous avait conduits à imposer, dès le mois de septembre, le port du masque dans tous les espaces de travail clos et partagés et la nécessité pour les salariés de se tenir à un mètre de leurs collègues lorsque le port du masque n'était pas possible dans certaines situations.

Compte tenu des informations que nous avons reçues depuis sur la contagiosité des différents variants, cette règle de protocole sanitaire a été adaptée et a été portée à deux mètres. Autrement dit, si des salariés ne peuvent pas porter le masque, ils doivent respecter une distance de deux mètres. Telles sont les règles qui sont inscrites dans le protocole. Bien entendu, nous suivons très attentivement les éventuels clusters en entreprise. La situation est largement maîtrisée. Nous n'enregistrons que très peu de cas de contaminations en entreprise. Cela ne nous empêche pas de promouvoir le télétravail, car nous savons que le risque de relâchement existe, notamment à la pause déjeuner ou à des moments de convivialité, même s'ils ne sont pas autorisés actuellement. Tant que le taux d'incidence n'a pas fortement baissé dans notre pays, le télétravail reste donc la meilleure protection pour les salariés.

Je voudrais dire à Mme Valérie Six que nous sommes très attentifs à la situation de l'événementiel. Nous avons défini une combinaison entre les aides du ministère de l'économie et celles du ministère du travail. Nous serons amenés à faire un point d'étape au cours de l'été pour apprécier la façon dont l'activité reprend, notamment dans le secteur de l'événementiel, pour évaluer avec leurs représentants les perspectives d'activité à partir de la rentrée. C'est le sens de l'évolution des aides que nous mettons en place avec Bruno Lemaire. Les dispositifs sont d'une portée générale, même si nous avons spécifié des secteurs protégés, des secteurs relevant des activités figurant sur la liste S1 bis.

Au cours des prochains mois, nous serons très attentifs aux cas particuliers des entreprises qui connaîtraient plus de difficultés au moment de la reprise ; peut-être devrons‑nous imaginer des aides plus ciblées en faveur de certaines activités ou certains territoires. C'est tout le sens du rapport de Jean-Noël Barrot destiné à s'assurer qu'aucun territoire ne reste fragilisé par la crise.

Nous proposons de proroger le prêt de main-d'œuvre jusqu'au 31 octobre 2021. D'ici à l'été, nous tirerons le bilan de la mobilisation de cette disposition de prêt afin de déterminer la suite qui lui sera donnée. Je crois beaucoup à des ajustements au sein d'un même bassin d'emploi entre les entreprises qui connaissent des difficultés et celles qui ont des besoins de recrutement. J'ai mentionné le dispositif « Transition collective », moyennant des formations qui peuvent être un peu longues. Je pense, par exemple, au dispositif en place dans l'entreprise Derichebourg dont les emplois des agents de nettoyage sont menacés. Ils ont la possibilité d'être formés pendant quatorze mois pour être recrutés comme aides-soignants dans le groupe Korian, même si, sans doute, le dispositif est un peu lourd.

Le prêt de main-d'œuvre permet aussi des ajustements plus ponctuels et offre une formule intéressante. Nous tirerons donc le bilan de ce prêt de main-d'œuvre qui, d'une façon générale, nous conduit à promouvoir la mise en place de plateformes territoriales, où les entreprises ont l'opportunité d'échanger selon leurs besoins de recrutement et de reclassement de salariés. Nous aurons l'occasion de lancer un nouvel appel à manifestation d'intérêt pour soutenir le déploiement de ce type de plateforme de reconversion professionnelle, qui me semble essentielle.

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