S'agissant du prêt de main-d'œuvre, nous souhaitons en dresser un bilan d'ici au 30 juin, sans attendre le 31 octobre. Mais vous pouvez prendre, si vous le souhaitez, l'initiative d'organiser une mission flash ; ce serait une bonne idée pour évaluer ce dispositif. Nous savons que des initiatives intéressantes ont été menées dans certains secteurs, par exemple, en Bretagne, dans le secteur de l'agroalimentaire. En tout cas, il est important que nous évaluions l'apport de ce dispositif pour envisager de le pérenniser s'il s'avérait répondre aux besoins des salariés et des entreprises.
Je suis bien consciente que les purificateurs d'air et les détecteurs de CO2 sont des dispositifs recommandés dans l'éducation nationale. Jusqu'à présent, nous ne les avons pas mis en avant dans notre protocole national. Nous allons interroger le Haut Conseil de la santé publique pour déterminer si ces équipements peuvent faire l'objet d'une recommandation. Compte tenu de la saison, peut-être sera-t-il plus aisé d'aérer. Les règles sont strictes et le protocole insiste sur la nécessité d'aérer régulièrement les locaux. Cela dit, nous étudierons plus précisément ce point particulier.
Au titre des questions de santé au travail et de la veille sectorielle, nous avons agi tout au long de la crise. Dès le début, nous avons demandé aux DIRRECTE de travailler avec les agences régionales de santé (ARS) pour identifier les secteurs susceptibles d'être plus exposés et dans lesquels les risques de clusters professionnels étaient plus grands. Au début de la crise, nous avons identifié les abattoirs et, de façon générale, les métiers en lien avec la chaîne du froid car les masques résistent moins bien aux conditions thermiques. Aussi, avons‑nous été amenés à durcir les protocoles sanitaires dans ces secteurs. Nous procéderons à un nouveau bilan, plus précis, que nous vous livrerons mais, à ce stade, les DIRRECTE et les ARS ne nous font pas remonter davantage d'alertes sectorielles qui se traduiraient par un nombre de cas plus fréquents ou de secteurs qui se singulariseraient.
Nous souhaitons que les 500 000 nouveaux apprentis de l'année 2020 ne soient pas un événement exceptionnel, nous souhaitons que ces chiffres deviennent la norme, que nous continuions à progresser et à développer l'apprentissage dans notre pays car nous constatons que le dispositif de l'apprentissage permet aux jeunes de se former au plus près des besoins des entreprises et aux entreprises d'embaucher des personnes disposant des compétences requises. Par ailleurs, les jeunes découvrent ainsi le monde de l'entreprise, ce qui se révèle très favorable à l'insertion dans l'emploi. Nous continuerons donc à soutenir l'apprentissage.
La progression de 40 % que nous avons enregistrée en 2020 a tenu au développement dans l'enseignement supérieur, mais le nombre de jeunes ayant un diplôme inférieur ou égal au bac a également progressé d'environ 10 %. Nous avons prévu de travailler avec les branches professionnelles qui connaissent davantage de difficultés de recrutement, comme le bâtiment et les travaux publics notamment, ainsi qu'avec le secteur artisanal qui continue de manquer de boulangers, de bouchers et de charcutiers. Aussi, dans les semaines qui viennent, porterons-nous l'accent sur les CFA de ces métiers afin qu'ils continuent de monter en puissance.
L'enjeu doit également viser l'image de ces métiers. Lorsque je me rends dans des centres d'apprentissage, bien souvent, les jeunes me disent qu'ils ont fait ce choix malgré l'avis de leurs parents ou les conseils de leurs enseignants, ce qui prouve que nous n'avons pas achevé notre révolution culturelle sur la façon d'envisager ces métiers et les possibilités d'émancipation et de création d'entreprise qui peuvent s'offrir à un jeune qui s'engage dans les métiers de l'artisanat et du bâtiment. Il nous revient collectivement de faire évoluer leur image pour faire tomber les réticences. Au début de l'année, nous avons participé à la galette des rois avec les apprentis boulangers. Ils racontaient tous qu'ils avaient dû se battre pour suivre cette filière. J'ai discuté avec un jeune, qui d'ailleurs n'était plus tout à fait si jeune, puisqu'il avait créé son entreprise et employait dix salariés. Ce sont là des expériences épanouissantes. Or, tel n'est pas encore le regard que l'on porte sur ces secteurs.
Au titre de la formation professionnelle, je porte l'exigence que nous défendons depuis le début du quinquennat et la loi de 2018 : il nous faut adapter nos mentalités à l'idée qu'au-delà de la formation initiale, il est possible de se former tout au long de la vie. Cela permet, par exemple, lorsque l'on est salarié d'une entreprise ou d'un secteur menacé, de ne pas avoir le sentiment que le ciel vous tombe sur la tête, sachant que l'on sera accompagné et que l'on pourra rebondir et travailler dans un autre secteur. Au surplus, les jeunes doivent savoir qu'il n'est pas indispensable de poursuivre au plus loin leurs études en formation initiale dans la mesure où il est possible de se former tout au long de sa vie, de compléter sa formation par la validation des acquis de l'expérience – c'est un sujet sur lequel nous travaillons pour le rendre plus fluide – ou par la formation professionnelle, y compris en mobilisant son compte personnel de formation.
Nous devons donc continuer à travailler sur l'évolution des mentalités sur la formation, les nouvelles chances tout au long de la vie et la valorisation des métiers manuels qui offrent de très belles vies professionnelles à ceux qui s'orientent dans ces secteurs.
Je retiens la situation évoquée par Mme Tamarelle-Verhaeghe, que nous allons étudier attentivement. Nous accompagnons les demandeurs d'emploi, y compris en atténuant les effets des restrictions sanitaires et les difficultés rencontrées au cours de la crise. Ainsi, par exemple, nous prolongeons les allocations des demandeurs d'emploi depuis le mois de novembre afin que les allocataires n'arrivent pas en fin de droits : 700 000 demandeurs d'emploi ont bénéficié de cette mesure et nous avons mobilisé un montant de 2,5 milliards d'euros pour protéger les demandeurs d'emploi au cours de cette période. Je suis convaincue qu'il faut apporter une réponse à la situation que vous décrivez, qui est anormale. En ce sens, nous étudierons les solutions possibles avec Pôle emploi.
En réponse à la question de M. Michels, à laquelle nous apporterons des éléments d'information complémentaires, je dirai que nous avons tous à l'esprit le risque de fragilisation de nos concitoyens les plus modestes. Nous avons enregistré une progression de 100 000 bénéficiaires du RSA. Nous aurions pu craindre que leur nombre n'explose. Certes, si nous ne pouvons nous satisfaire de cette hausse, pour le moins, nous avons pu contenir leur augmentation grâce à la prolongation des droits quand cela s'est avéré nécessaire. Quant aux demandeurs d'emploi, l'activité partielle a permis de protéger et de sauver des centaines de milliers d'emplois.
Nous avons été particulièrement attentifs à la situation des jeunes. Nous continuons à chercher les jeunes les plus éloignés de l'emploi. Si certains se rendent spontanément à la mission locale, nous devons nous porter à la rencontre des autres, en nous appuyant sur l'ensemble des dispositifs que nous avons instaurés dans le cadre du plan d'investissement au titre des compétences, des appels à projet « 100 % inclusion », du repérage des invisibles. Nous devons aller chercher ces jeunes qui ne se présentent pas spontanément à la mission locale ou à Pôle emploi. Je pense également aux aides à l'accompagnement intensif, notamment le parcours emploi compétences (PEC) mis en place par Pôle emploi et au formidable travail réalisé par les missions locales.
Par ailleurs, la réflexion que nous menons sur la garantie jeunes universelle doit permettre d'offrir une « bannière » unique facilitant le recours aux différents dispositifs. Actuellement, la mission locale propose la garantie jeunes ou le parcours contractualisé d'accompagnement vers l'emploi et l'autonomie (PACEA) ; s'ajoute le réseau Information jeunesse. Le recours à ces aides passe par une myriade de dispositifs, et c'est un sujet que nous souhaitons traiter dans le cadre de la réflexion que nous menons sur la garantie jeunes universelle.
Dans le même temps, j'ai été très attentive à la situation des travailleurs précaires. J'ai évoqué la prolongation des droits des demandeurs d'emploi et la protection des salariés grâce à l'activité partielle. Nous avons également été amenés à mettre en place une aide exceptionnelle en faveur des travailleurs précaires qui, avant la crise, enchaînaient des CDD et des périodes de chômage ou accomplissaient des travaux saisonniers. Ces contrats courts ou ces travaux saisonniers ont parfois disparu en raison de la crise. Aussi avons-nous instauré une aide garantissant un revenu de 900 euros, qui a été fortement mobilisée depuis sa création au mois de novembre. C'est ainsi que près de 600 000 demandeurs d'emploi ont été soutenus grâce à cette aide. Elle était initialement prévue jusqu'à la fin mai, mais nous étudions actuellement l'éventualité de la prolonger pour accompagner la reprise de l'activité. Nous n'avons eu de cesse de compléter les dispositifs pour combler les « trous dans la raquette ». Savoir adapter nos dispositifs pour ne laisser personne de côté en cette période compliquée est un enjeu essentiel.
Madame Pittolat, les organisations syndicales et patronales ont soulevé la question des transformations durables liées à la crise, dont le télétravail fait partie. Évidemment, les personnes ne seront pas toute la semaine en télétravail. Je crois, en effet, que nous connaissons une forme d'overdose de cette formule après les mois que nous venons de vivre. Il n'en reste pas moins que cela fait partie de changements structurels qui auront des conséquences en chaîne, sur l'immobilier de bureaux et sur certaines activités. Comme je l'ai indiqué, nous accompagnons les salariés de Derichebourg car, en réduisant l'utilisation des bureaux, le télétravail a eu des conséquences sur les activités de services aux entreprises, mais cela pose aussi, par exemple, la question des modes de déplacement. En tant qu'ancienne ministre de l'écologie, je me réjouis de la réduction des émissions de gaz à effet de serre qui fait suite à la baisse des déplacements professionnels.
Il existe également des enjeux de souveraineté numérique, de cybersécurité qu'il convient de prendre en compte ainsi que des enjeux de santé au travail de divers ordres. Nous avons vu à quel point certains salariés étaient fragilisés. Près de 50 % des salariés à plein temps en télétravail nous disent souffrir d'isolement et être en difficulté psychologique. Au moment de la remobilisation des salariés, de leur retour au bureau, nous sensibiliserons les entreprises pour qu'elles envisagent un retour progressif au travail.
Au-delà, cela soulève beaucoup de questions, y compris au titre du code du travail, car les modes d'intervention et les contrôles de l'inspection du travail n'ont pas été conçus pour un monde où le lieu de vie privée se confond avec le lieu de travail. Il nous appartient, par conséquent, d'engager une réflexion à ce sujet. Les partenaires sociaux y sont très favorables. Les thèmes de concertation dont nous sommes convenus avec eux portent sur la sortie de crise, les réouvertures et les aides à mettre en place, une étape qui est déjà bien avancée. Parallèlement, nous nous attachons aux secteurs les plus fragilisés qui nécessiteront des aides plus ciblées. De façon générale, nous prendrons en compte les transformations liées à la crise et à la façon de les accompagner. Les nouvelles pratiques supposent de revoir le droit du travail et de la santé au travail.
Pour ce qui est de la vaccination, notre priorité consiste à accompagner la montée en puissance des services de santé au travail qui se sont rodés depuis le mois de mars et qui passeront à une nouvelle étape avec l'élargissement des cibles de vaccination qui soulèvent des défis logistiques d'importance. Je pense au vaccin Pfizer qui se conserve à très basse température et qui nécessite que les services de santé au travail s'équipent. C'est la raison pour laquelle nous avons instauré des services de santé au travail pilotes pour tester cette capacité à assurer la chaîne de conservation des vaccins.
Nous souhaitons mobiliser très largement les services de santé au travail. Avec Laurent Pietraszewski, nous nous sommes rendus dans celui de l'entreprise Safran. Il est frappant de voir à quel point les services de santé au travail peuvent accélérer la vaccination en raison de la relation de confiance qui existe entre les salariés et les médecins du travail qu'ils ont l'habitude de rencontrer. Au surplus, on constate une émulation entre collègues de travail, qui peuvent partager, même s'ils sont en télétravail, au cours des différents Zoom de la journée, leur expérience de la vaccination. Je compte grandement sur cette mobilisation des services de santé au travail.
L'accent est largement porté l'accent sur les entreprises qui emploient des travailleurs de la deuxième ligne, telles que Suez et Veolia, que l'on souhaite voir se saisir de cette possibilité d'accélérer la vaccination parallèlement à la possibilité que nous avons offerte à certains métiers de vacciner leurs salariés. Bien sûr, arrêter une liste de métiers bénéficiant d'un accès facilité à la vaccination est toujours discutable. Cela dit, nous nous sommes fondés sur les travailleurs de la deuxième ligne et nous travaillons depuis des mois avec les partenaires sociaux pour arrêter ces listes. Ainsi que cela a été indiqué par plusieurs d'entre vous, il importe que les salariés qui, tout au long de la crise, ont été présents physiquement au travail, alors que d'autres étaient en télétravail, bénéficient d'un accès facilité à la vaccination. Mais le plus rapidement possible, nous allons passer à la vaccination de la population générale. La meilleure chose est que tous les Français, les salariés en particulier, y accèdent au plus tôt.
S'agissant de la transition collective, peut-être referons-nous un point plus précis sur les différentes démarches menées au sein des territoires. Le secteur du soin s'est emparé du dispositif, car les difficultés et les besoins de recrutement sont tels, que s'offre à lui une opportunité d'accélérer les recrutements. Réciproquement, les secteurs qui ont besoin de trouver des débouchés à leurs salariés pourront s'en saisir. Même si la filière de l'automobile ne s'en est pas encore entièrement saisie jusqu'à présent, je pense qu'elle sera fortement concernée. Avec Bruno Lemaire, nous avons d'ailleurs eu l'occasion d'échanger largement avec cette filière ces dernières semaines, un travail qui me semble intéressant. Il est certain que la transition écologique soulève des défis considérables dans le secteur.
Cela dit, les informations qui remontent de nos plateformes territoriales de transition professionnelle font ressortir une variété de secteurs. Après avoir affiné nos analyses, nous aurons l'occasion de partager avec vous la mise en œuvre du dispositif de transition collective, auquel je crois beaucoup. Dans l'esprit de ce que nous avons évoqué à propos de l'apprentissage, de la formation tout au long de la vie, je pense que c'est un dispositif qui demeurera après la crise car il est nécessaire de jeter des passerelles entre les métiers, tout au long de la vie, pour des salariés dont les emplois seraient susceptibles d'être menacés.