Intervention de Monique Limon

Réunion du mercredi 26 mai 2021 à 15h00
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMonique Limon, rapporteure :

La MECSS m'a confié un sujet d'évaluation à la fois vaste et éminemment particulier : vaste comme l'est le champ du congé parental qui s'adresse à l'ensemble des salariés, du privé comme du public, mais éminemment particulier puisque la prestation partagée d'éducation de l'enfant (PreParE) a été créée à l'été 2014 par un véhicule législatif consacré à l'égalité entre les femmes et les hommes bien que cette réforme eût naturellement eu sa place en LFSS comme celles qui l'ont précédée.

Il n'en demeure pas moins que la PreParE, entièrement circonscrite au code de la sécurité sociale, mérite toute notre attention en raison de son échec à plusieurs égards. Les auditions que j'ai menées tout comme les rapports et études convergents de l'IGAS, du Haut Conseil de la famille, de l'enfance et de l'âge (HCFEA) et de l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) attestent de cet échec au regard, en premier lieu, de l'objectif principal de la réforme de 2014, à savoir le partage de la prestation entre les deux membres du couple.

Le bénéfice entier de la PreParE suppose en effet que le père et la mère cessent au moins partiellement leur activité sans quoi la durée est limitée à six mois pour un premier enfant et à deux ans à partir du deuxième. Il était prévu que ce dispositif amène 100 000 pères supplémentaires à demander la PreParE mais il n'en a rien été. Au contraire, entre 2017 et 2018, selon les données des annexes du PLFSS 2021, le nombre de pères bénéficiaires a même diminué de 7,5 %. Leur part dans les bénéficiaires augmente à un rythme très lent et ils représentent aujourd'hui 6 % de l'ensemble.

Pire, le partage de la PreParE est résiduel. Parmi les bénéficiaires ayant eu au moins deux enfants à charge percevant la prestation en décembre 2017 et ayant au moins un enfant né en 2016, seuls 2,5 % la partageaient avec leur conjoint à l'issue des vingt-quatre mois de perception.

Les restrictions dans l'accès à cette prestation se sont donc traduites par une chute massive des bénéficiaires. Pour la seule période de juin 2017 à juin 2018, une diminution de 21,3 % a abouti à un seuil bas de 290 000 bénéficiaires, tous régimes confondus.

Certes, le taux d'emploi des mères de jeunes enfants s'est amélioré mais, comme l'a récemment démontré Hélène Périvier pour l'OFCE, ce constat doit être nuancé au vu d'une augmentation parallèle de 40 % du taux de chômage de ces mères, donnée confirmée par l'Union nationale des associations familiales (UNAF), que j'ai auditionnée.

Cette augmentation drastique du non-recours doit enfin se lire à la lumière des évolutions récentes de la natalité dont la chute de 13 % en janvier 2021 par rapport à janvier 2020 est l'épiphénomène qui sanctionne une tendance décroissante depuis plusieurs années.

Outre celles que j'ai avancées, d'autres raisons expliquent-elles selon vous la chute du taux de recours à la PreParE ? En particulier, les retours que j'ai reçus témoignent que la complexité des conditions d'éligibilité a conduit à ce que les bénéficiaires connaissent de moins en moins bien ce dispositif. Est-il prévu des campagnes d'information spécifiques ou de formation des agents des CAF pour limiter le non-recours ?

Dans ces conditions, je souhaite saluer les travaux lancés récemment par le Gouvernement puisqu'Élisabeth Borne et Adrien Taquet ont demandé à Mme Christel Heydemann et M. Julien Damon, que j'ai par ailleurs auditionnés, de proposer des solutions en faveur d'une meilleure conciliation entre la vie personnelle et la vie professionnelle.

Je souhaite insister à ce sujet sur le cas des bénéficiaires de la PreParE à temps partiel. Les personnes entendues dans le cadre de la table ronde que j'ai animée avec les parties prenantes du département de l'Isère m'ont fait part du plafonnement, qui empêche actuellement les deux membres du couple de bénéficier simultanément de la PreParE s'ils restent tous deux à temps partiel. Existe-t-il actuellement des réflexions à votre niveau pour supprimer cette condition ?

S'agissant de l'insertion professionnelle, nous avons voté dans le cadre de la proposition de loi de ma collègue Marie-Pierre Rixain des dispositions destinées à favoriser le retour à l'emploi des bénéficiaires de la PreParE. À cette occasion, nous avons pu constater des défauts sur le terrain dans l'application de la convention entre les CAF et Pôle emploi pour orienter ces bénéficiaires en fin de droits vers des formations qualifiantes. Comment expliquez-vous cet échec ? Existe-t-il d'autres initiatives locales des CAF tournées vers les personnes inactives ou au chômage, pour permettre leur insertion professionnelle ?

En matière de mode de garde et d'insertion professionnelle, le dispositif que vous avez évoqué des crèches AVIP a été largement plébiscité ces derniers temps, permettant un retour à l'emploi de l'ordre de 90 %. Ce modèle peine pourtant à se développer, malgré l'inscription de ces crèches dans la COG 2018-2022. Nous n'en comptons que 104 dans vingt‑quatre départements. Comment développer ce mode de garde qui pourrait constituer une solution alternative efficace au congé parental subi ?

En effet, à l'inverse du non-recours, de nombreuses femmes se retrouvent parfois contraintes de garder leur enfant pour des durées de plusieurs années faute de mode de garde alternatif. Or, le bénéfice de la PreParE étant de deux ans quand il n'est pas partagé, il existe une problématique importante pour les enfants de 2 ans à 3 ans, voire de 1 an à 3 ans pour les aînés. Quelles sont les actions menées à l'échelon local pour identifier ces cas et permettre une transition douce de la PreParE vers les modes de garde formels ?

Mes auditions m'ont enfin conduite à aborder plus largement les questions de la politique de la petite enfance. Je me permets de relayer auprès de vous certaines inquiétudes. En particulier, qu'en est-il de l'objectif de la création nette de 30 000 places de crèche prévue dans la COG 2018-2022 de la CNAF ? Le « plan de rebond » permettra-t-il de combler le retard accumulé ?

Comment prendre en compte les familles qui travaillent à des horaires atypiques ? J'ai en tête le dispositif des modes d'accueil mutualisé en horaires atypiques (Mamhique) développé par la Mutualité française. Celui-ci pourrait-il avoir vocation à se développer, sur le modèle des crèches déjà existantes dans certains aéroports ou hôpitaux ? Les travailleurs en situation précaire sont en effet souvent ceux qui effectuent des horaires véritablement atypiques et ils pourraient bénéficier de ces dispositifs.

Comment, enfin, harmoniser le reste à charge entre les différents modes de garde formelle, à savoir concrètement les établissements d'accueil du jeune enfant et les assistantes maternelles ? Ce sujet rejoint plus largement celui de la répartition territoriale des modes de garde qui me tient particulièrement à cœur.

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