Mme Limon appelle finalement à une évaluation globale de l'ensemble de l'accueil du jeune enfant et il ne sera pas facile de répondre à toutes ses questions. Elles sont évidemment très importantes et font l'objet d'un certain nombre de publications ou de rapports réguliers du HCFEA.
La réforme de la PreParE date déjà de 2014-2015. Il ne s'agit donc pas directement de l'évaluation des LFSS récentes. En creux, la question posée consiste à savoir s'il convient de modifier la PreParE ou de la faire évoluer.
La PreParE avait pour objectif affiché de faire augmenter le partage du congé parental entre les deux parents et, donc, le taux de recours des pères. Or celui-ci reste très limité ; il augmente mais très légèrement. 6 % des enfants sont maintenant gardés par des pères.
Par ailleurs, l'objectif consistait aussi à inciter les mères à revenir plus vite sur le marché du travail, des études économiques ayant montré qu'un arrêt de trois ans, parfois plus lorsque la mère enchaîne les congés avec deux enfants successifs, pesait largement sur la trajectoire professionnelle ultérieure de la mère. En raccourcissant ce congé, nous espérions que les mères s'éloigneraient moins du marché du travail.
La réforme n'allait pas jusqu'au bout du modèle. Les modèles étrangers, comme l'indiquent les rapports du HCFEA et de l'IGAS, se caractérisent par des congés plus courts, souvent autour d'un an, mais mieux rémunérés avec l'idée d'une meilleure continuité entre congé maternité ou paternité et congé parental. La réforme de la PreParE raccourcit le congé sans augmenter sa rémunération.
Il est normal que la réforme se traduise par une baisse globale du nombre de bénéficiaires puisque les mères – essentiellement – n'en bénéficient plus à partir des 2 ans de l'enfant. Depuis 2018, les mères qui auraient auparavant pu bénéficier de ce congé jusqu'au troisième anniversaire de l'enfant ne le peuvent plus, ce qui provoque forcément une baisse du taux de recours. Ce phénomène n'a pas été compensé par une augmentation du taux de recours à l'entrée compte tenu d'une meilleure attractivité du dispositif, puisque le montant est resté le même, actuellement autour de 400 euros par mois.
Ce montant ne peut pas être incitatif pour des personnes qui sont insérées, qui disposent d'un contrat à durée indéterminée et perçoivent un salaire légèrement supérieur au SMIC. Il ne peut être incitatif, à taux plein, que pour des personnes en situation précaire, en contrat à durée déterminée ou à temps partiel ou avec un salaire proche du SMIC.
Je relativiserai vos propos lorsque vous indiquez que cette réforme a provoqué une baisse du recours au dispositif. Elle a effectivement provoqué une telle baisse parce que nous avons réduit le nombre de bénéficiaires, le dispositif se terminant aux 2 ans de l'enfant, mais ce phénomène s'inscrit dans une trajectoire plus ancienne de baisse tendancielle qui précédait la mise en œuvre de la PreParE. Alors qu'en 2007, 580 000 personnes bénéficiaient de la PreParE, il n'en restait que 480 000 en 2014. Le nombre de bénéficiaires avait donc déjà diminué de 100 000 avant la réforme. Cette diminution tient au fait que la prestation est de moins en moins attractive au fil du temps puisqu'elle est indexée sur les prix alors que les salaires, indexés sur le SMIC, augmentent plus rapidement. Le taux de remplacement baisse donc. Par ailleurs, cette évolution s'inscrit dans un mouvement, qui n'est, certes, pas très rapide mais qui se révèle continu, d'augmentation du taux d'activité des mères, y compris lorsqu'elles ont des enfants en bas âge.
Il est donc difficile de parler de non-recours. Le non-recours à une prestation se produit lorsque vous ne demandez pas une prestation monétaire à laquelle vous avez droit. Par exemple, le non-recours au RSA ou à la prime d'activité correspond au cas où une personne dont les revenus lui permettraient pourtant de bénéficier de ces aides s'abstient de les demander. Ici, le non-recours correspond simplement à des personnes qui n'ont pas recours à cette prestation, peut-être simplement parce qu'elles font d'autres choix au motif que la prestation n'est pas assez attractive et qu'elles se reportent dès lors sur le marché du travail. Ne pas encourager de longs retraits d'activité est tout de même l'objectif initial de la mesure.
Le Gouvernement a missionné Mme Heydemann et M. Damon, qui remettront leur rapport cet été. Nous verrons si ce rapport aboutit à des propositions concrètes et, le cas échéant, à des mesures. Nous pouvons imaginer une grande réforme ou des mesures incrémentales. Vous en avez cité certaines : par exemple, dans le cas de deux parents travaillant à temps partiel, la PreParE à taux partiel qui se cumule à un temps partiel pourrait effectivement être mieux valorisée que celle à taux plein puisque nous ne pouvons pas lui reprocher de renforcer l'éloignement du monde du travail.
Vous observez très justement que, lorsque nous raccourcissons les congés parentaux rémunérés, il convient de prévoir en conséquence l'offre de garde. Si nous voulons que les parents se portent sur le marché du travail, leurs enfants doivent pouvoir être accueillis en crèche ou chez une assistante maternelle. À l'avenir, les actions sur le congé parental doivent donc s'inscrire dans une politique de développement des modes de garde.
L'objectif de 30 000 places de crèche dans la COG n'est pas atteint à ce stade et fait l'objet d'un plan de rebond. Dans le cadre de la COG, le Gouvernement ne cherche pas à réaliser le moindre euro d'économie sur la moindre ouverture de place de crèche et déploie à nouveau en 2021 toutes les aides exceptionnelles qui étaient prévues dans cette convention pour essayer de déclencher des décisions d'ouverture de crèches. Celles-ci ne relèvent pas uniquement de la branche famille mais souvent des collectivités locales ou des communes. Nous espérons que ce plan en cours de déploiement par la CNAF produira ses effets cette année.
Le HCFEA a bien montré que le reste à charge peut être différent pour une même famille selon qu'elle fait garder son enfant par une crèche ou une assistante maternelle. De même, le coût peut être relativement différent, avec des effets de seuil pour le CMG. Des réformes sont proposées par le HCFEA afin que ce complément soit plus linéaire et plus proche du coût de la crèche. C'est une possibilité pour l'avenir mais il faut se rendre compte qu'il ne sera pas simple de la mettre en œuvre à coût constant.
Si vous effectuez une réforme à coût constant pour supprimer des effets de seuil, vous créez des gagnants et des perdants. Si vous ne voulez pas faire de perdants, il s'avère nécessaire de payer plus cher, ce qui revient à entrer en concurrence avec les autres investissements dans toutes les politiques que nous voyons aujourd'hui.