Intervention de le directeur général de la CNAF

Réunion du mercredi 26 mai 2021 à 15h00
Commission des affaires sociales

le directeur général de la CNAF :

Le passage de 40 à 120 millions d'euros n'est pas réellement un objectif mais une estimation du prix de revient du service. Je vous confirme, monsieur le rapporteur, que nous disposons de la totalité des personnels chargés de mettre en place cette réforme, dans les CAF et à la MSA, selon le calendrier prévu et malgré les difficultés de l'année 2020, qui n'ont facilité ni les entretiens de recrutement ni, surtout, la formation. Au total, 450 personnes ont été recrutées, pour l'essentiel dans la branche famille. Nous avons reçu un grand nombre de candidatures, de très bon niveau, et nous en étions particulièrement heureux.

Notre objectif clé porte sur 230 000 intermédiations à la fin de l'année 2022. Nous avons reçu depuis octobre 28 000 demandes. Leur caractéristique particulière, assez logique au début, tient au fait que la grande majorité de ces personnes – 26 000 parmi les 28 000 – se trouvent déjà en situation d'impayés. Ce sont donc des demandes « à chaud », ce qui s'avère normal puisque nous nous situons au démarrage du dispositif. C'est aussi – cela me paraît assez positif – le révélateur d'un accès au droit par des personnes qui auraient déjà pu s'adresser à nous mais qui n'avaient pas compris ou pas trouvé le chemin pour ce faire.

En vitesse de croisière, le cœur de cible correspondra plutôt à des personnes qui décideront de demander l'intermédiation à froid, avant d'être confrontées à un impayé et à toutes les tensions et conflits que l'impayé accompagne souvent ou explique. L'un des moyens permettant de voir émerger ce phénomène consistera à ce que l'intermédiation soit davantage demandée et décidée en même temps que le prononcé d'une décision de divorce par les tribunaux.

Pour l'instant, 90 % des juridictions ont ouvert un compte sur le portail que nous avons mis en janvier à la disposition de tous les usagers, particuliers et institutionnels. Cependant, seules 220 demandes d'intermédiation ont été entrées dans le système par des juridictions, notamment leurs greffes. Je suis cependant conscient de la charge qui pèse sur les juridictions. Les affaires familiales constituent la principale charge de travail pour l'ensemble des juridictions et chacun connaît aussi la charge qui pèse sur les greffes. Nous pouvons espérer que les mesures de renfort décidées par le garde des sceaux au début du mois seront susceptibles d'accélérer le processus.

Il me semble qu'à tous égards, le prononcé de la décision de divorce constitue le moment opportun pour demander l'intermédiation, peut-être aussi grâce au soutien apporté par l'autorité du juge. Même si elle n'a pas à être demandée par les deux conjoints mais seulement un seul d'entre eux, le phénomène de frein, de crainte ou pire, que vous avez repéré, est réel. Il n'est guère facile de lutter contre ce frein. Cette démarche s'avère peut-être plus facile lors du volet judiciaire de la procédure, pour ceux qui sont allés devant le juge puisque ce n'est pas une obligation.

Il ne s'agit pas uniquement d'une mécanique mais cette réforme donne du travail à toutes les CAF même si cette mécanique est gérée par vingt‑quatre CAF spécialisées, sous l'autorité d'Aurélie Schaaf, directrice de l'Aripa. Toutes les CAF doivent savoir parler de ces questions à tous les allocataires qui en ont besoin. Toutes les CAF mettent en œuvre ce que nous appelons le « parcours séparation ». Il s'agit d'une offre de travail social et d'assistance, à un degré variable selon les besoins de la personne, pour faire le lien entre cette mécanique et la véritable prise en compte d'autres besoins d'une personne qui se retrouve dans de nombreux cas en situation monoparentale.

Vous avez mentionné l'exemple québécois. La réforme québécoise date de 1995 et a pris son temps pour décoller. Aujourd'hui, elle a valeur d'exemple avec une grande différence dans les choix faits. Au Québec, l'intermédiation est obligatoire ; en France, elle est de droit et il suffit qu'un des deux ex-conjoints la demande, mais elle n'est pas obligatoire. Le Gouvernement avait tranché dans ce sens en 2019. Je pense que c'est raisonnable et nous verrons comment cela évolue. Nous voyons naître un fait de société ; il faut le voir grandir un peu pour l'analyser.

Une autre caractéristique du dispositif québécois est le barème. Ce travail est en cours. Dans le cadre français, nous avons encore un barème appliqué par les juridictions et un autre pour les affaires non juridictionnelles puisque les CAF ont la possibilité, sur demande des ex-conjoints qui n'étaient pas mariés, de fixer un montant de pension alimentaire. Ces deux barèmes ne sont pas identiques. Un rapprochement est souhaitable même s'il n'est pas facile de définir le barycentre.

Il n'est facile ni d'arbitrer le montant d'une pension ni d'être pleinement incité à payer sa pension. Des personnes, c'est vrai, préfèrent ne pas la payer sachant que la CAF paiera l'ASF. Il s'agit de 116 euros, moins que le montant moyen de la pension qui est de 170 euros, mais le montant de 20 % des pensions se situe autour de 100 euros, donc inférieur au montant de l'ASF. Nous pouvons donc comprendre les raisons d'un comportement consistant à ne pas payer une pension de 100 euros sachant que l'ASF sera payée. Nous ne pouvons laisser cela en l'état.

Quelle est la bonne manière de faire ? Selon l'expérience que nous avons acquise depuis un certain temps, renforcée par les dispositions de la loi car nos capacités d'action en recouvrement ont été renforcées, il faut, comme en matière fiscale, ne pas laisser passer les impayés. Cela signifie agir plus vite, plus fortement. Une amende de 104 euros à chaque incident de paiement ou chaque comportement d'éviction du débiteur est prévue. Il est tout de même moins intéressant de devoir payer 104 euros d'amende que de laisse filer la pension en comptant que la collectivité paiera 116 euros. C'est une question d'équilibre des pressions et des résistances.

De la même manière, nous pourrons – c'est une des nouveautés du texte que vous avez voté – recouvrer des pensions alimentaires sur d'autres prestations sociales. Nous pouvons le faire d'une prestation à l'autre mais recouvrer une pension alimentaire impayée sur une prestation que la CAF verse par ailleurs n'était jusqu'à présent pas possible. Le but n'est évidemment pas que nous nous servions de toute cette panoplie mais de montrer un équilibre à ceux qui doivent, les débiteurs, et à ceux qui ont droit, les créanciers, dont 95 % de créancières.

Cela doit amener à penser plus tôt à l'intermédiation et nous devons aider à y penser en communiquant. Du 17 au 31 mars, nous avons entrepris une campagne de communication sur les réseaux sociaux et les médias électroniques, auprès de toute la presse quotidienne régionale électronique ainsi que sur un grand moteur de recherche et une grande application dont beaucoup de personnes, paraît-il, se servent. Nous en parlons aussi régulièrement dans Vies de famille, notre journal de branche. Nous lancerons une autre campagne en septembre.

Nous voulons inciter les personnes qui choisissent l'intermédiation à préférer de plus le prélèvement automatique. C'est pour moi le sommet du modèle, comme une sorte d'abonnement qui permet de se forcer un peu et de se libérer du souci. Très peu de gens choisissent le prélèvement automatique et cela fait sans doute également partie des craintes.

Il faut aussi parler davantage aux professionnels du droit. Les avocats sont concernés. Cependant, moins de cent ont ouvert un compte sur le portail qui leur est également destiné. Nous travaillons avec nos collègues de la chancellerie et avec le Conseil national des barreaux.

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