Je suis rapporteure pour l'article 12, relatif à la protection maternelle et infantile, et l'article 13 qui tend à rendre la gouvernance nationale de la protection de l'enfance plus efficiente.
En 2018, 2 % des mineurs étaient concernés par 314 000 mesures prises dans toute la France, selon les données recueillies par notre collègue Perrine Goulet dans son rapport sur l'aide sociale à l'enfance, dont certaines propositions ont largement irrigué le projet de loi. Ces mineurs, qui sont-ils ? La moitié, à peu près, a moins de 11 ans ; près d'un cinquième est porteur d'un handicap physique ; surtout, 25 % des personnes de moins de 25 ans sans domicile fixe sont des enfants de l'ASE au sens large.
Les départements dépensent 8 milliards d'euros et l'État, 400 millions, pour la protection de l'enfance, et la dépense n'a cessé de croître depuis les années 1990. Pour protéger les mineurs, souvent victimes de violence ou de délaissement parental, la puissance publique s'engage résolument. Pourtant, chacun a en tête les reportages récents qui ont jeté une lumière crue sur les dysfonctionnements des services de l'ASE ; chacun ici peut attester des différences qu'il a constatées dans la manière dont les enfants sont accueillis selon les territoires.
Faut-il pour autant recentraliser cette politique, comme certains amendements nous y invitent ? Je ne le crois pas. Il y a quarante ans, le législateur a fait le choix de confier la protection de l'enfance aux départements parce qu'il s'agit d'une politique de proximité, intimement liée à la fonction de chef de file social des départements. Depuis, les services départementaux ont largement gagné en compétences, et malgré les dysfonctionnements mentionnés, aucun rapport récent ne propose de confier cette politique à l'État.
Cependant, aux termes de la convention internationale des droits de l'enfant, qui garantit l'intérêt supérieur de l'enfant, c'est l'État qui est responsable de la protection des enfants résidant sur son territoire. Le projet de loi apporte une première réponse, concrète et globale, à ce paradoxe dans son article 13. Comme l'ont constaté nos collègues Perrine Goulet et Alain Ramadier, et comme le remarquent également les rapports récents des corps d'inspection et de la Cour des comptes, la gouvernance de la protection de l'enfance est difficilement lisible, voire incohérente. Alors qu'il s'agit d'une compétence décentralisée, la multiplication des agences compétentes ne permet pas d'y voir plus clair à l'échelle nationale.
En 2016, le législateur avait déjà apporté une forme de réponse par la création du CNPE, chargé de veiller aux questions nationales entrant dans son champ d'expertise. Cinq ans après, le bilan est mitigé. Bien que le CNPE ait produit de nombreux avis et se soit saisi de questions cruciales, bien que le projet de loi soit en partie alimenté par ses propositions, le Conseil peine à se distinguer d'autres instances, comme le HCFEA, qui traite de tous les sujets ayant trait à l'enfance. Il s'agit donc de le réformer pour recentrer ses missions et en faire la vigie nationale de la protection de l'enfance.
Plusieurs instances plus opérationnelles fonctionnent également de manière autonome, alors qu'elles interagissent toutes avec le conseil départemental et qu'elles pourraient être sollicitées par le biais d'un guichet unique : le Service national d'accueil téléphonique de l'enfance en danger, l'Agence française de l'adoption (AFA), le Conseil national pour l'accès aux origines personnelles (CNAOP) ou encore l'Observatoire national de la protection de l'enfance ; leurs actions doivent s'inscrire dans une démarche commune et des compétences partagées.
Ainsi, en matière d'adoption, par exemple, il existe une faille dans le recueil des données et l'harmonisation des pratiques relatives à l'adoption sur le sol français. L'extension des compétences de l'AFA à ces adoptions, en plus de ses missions internationales, répond donc à un vrai besoin. En outre, elle pourra s'associer au CNAOP pour orienter les demandes de personnes adoptées à l'issue d'un accouchement sous le secret.
Le GIP ainsi créé emploiera les personnes travaillant actuellement dans les instances qui vont être regroupées, mais ses missions vont être étendues. Il disposera notamment d'une expertise s'agissant des ressources à mettre à la disposition des acteurs de la protection de l'enfance. Certains collègues ont déposé des amendements concernant la création et la gestion de référentiels par ce nouveau GIP. S'il ne faut pas restreindre les marges de manœuvre de celui-ci par la multiplication des missions, ces amendements soulignent l'importance d'améliorer la fiabilité des données à disposition des professionnels comme des enfants accueillis.
Enfin, le dispositif proposé par le Gouvernement répond aux craintes exprimées par de nombreuses familles ayant déposé une demande d'adoption internationale, inquiètes de la disparition de l'AFA au profit du nouveau GIP. En tant que personnalité morale, l'AFA bénéficiera d'une prolongation de deux ans de sa « durée de vie », ce qui permettra au nouveau GIP d'être accrédité auprès des États signataires de la convention de La Haye et d'être reconnu comme l'autorité française en charge des dossiers d'adoption internationale.
J'ai toutefois noté des lacunes dans la gouvernance envisagée, auxquelles je proposerai, comme mes collègues, de remédier à travers des amendements. J'estime, en particulier, que les premiers concernés – les enfants – devraient être intégrés au CNPE au sein d'un collège spécifique.
Soucieuse d'éveiller les consciences sur le risque d'extinction progressive des activités de PMI dans les départements, j'avais donné à mon rapport sur le sujet un titre choc : « Pour sauver la PMI, agissons maintenant ! ». Vous comprendrez donc aisément mon attachement particulier à l'article 12.
Cet article est l'une des pierres sur lesquelles nous nous appuyons pour reconstruire les services de PMI, en plus de la contractualisation avec les départements. Nous proposons d'inscrire l'action des PMI dans des objectifs nationaux de santé publique. Là encore, et sans nier la compétence départementale en la matière, il s'agit d'ancrer résolument la PMI dans une démarche de prévention sanitaire, en cohérence avec la littérature scientifique unanime sur les bienfaits de la prévention précoce. Ce faisant, nous nous inscrivons pleinement dans la stratégie des 1 000 premiers jours, qui définit un continuum de politiques publiques à destination des nourrissons.
Les actions de PMI étant pleinement sanitaires, l'article prend le soin de préciser et d'adjoindre de nouvelles missions aux services départementaux, notamment en matière de dépistage des troubles du neurodéveloppement. Surtout, le texte lève un obstacle juridique à une pratique homogène du remboursement sur tout le territoire des bilans de santé en école maternelle. Des inégalités persistent entre départements – moins de la moitié des enfants de Seine‑Saint‑Denis ont accès à ces bilans malgré les efforts du département pour les développer – et il est inacceptable que les caisses primaires d'assurance maladie ne prennent pas en charge ces actions absolument indispensables pour le dépistage précoce de carences qui, sans bilan, peuvent prendre une ampleur parfois irréparable par la suite.
J'ai souhaité que ces dispositions soient inscrites au sein d'un titre spécifique. En outre, elles sont appelées à s'enrichir au cours de nos débats. C'est pourquoi j'ai déposé des amendements afin que les PMI soient au cœur de la politique de prévention précoce et de soutien à la parentalité, dans l'ensemble des départements, qu'il s'agisse de la transformation des centres de planification et d'éducation familiale en centres de santé sexuelle et reproductive, potentiellement dirigés par des sages-femmes, de l'expérimentation de nouvelles formes de gouvernance, de relations avec la santé scolaire ou de la reconnaissance du caractère pluridisciplinaire des équipes de PMI. Ne pas agir rapidement, et dès les premières étapes de la vie, c'est un gâchis budgétaire pour l'assurance maladie, mais surtout un gâchis sanitaire pour tous nos concitoyens.
Les personnels de PMI développent des compétences actuellement trop peu reconnues. Je pense en particulier aux infirmières puéricultrices diplômées d'État, dont je proposerai qu'elles puissent prescrire des dispositifs de soutien à l'allaitement. Alors que la mise en œuvre des bilans de santé en école maternelle, des visites à domicile ou du suivi postnatal est remboursée dès lors qu'elle est effectuée par un médecin ou une sage-femme, la charge revient aux départements dès lors que ce sont les puéricultrices qui pratiquent ces actes. Elles représentent pourtant parfois quatre cinquièmes des activités d'un service de PMI.
Monsieur le secrétaire d'État, avez-vous prévu des négociations avec l'assurance maladie en vue de prendre en compte les actes des puéricultrices dans la nomenclature générale des actes professionnels ? Envisagez-vous et, si oui, à quelle échéance, de permettre le remboursement par la solidarité nationale des actes des puéricultrices, qui permettent d'éviter tant de futures dépenses de santé par leurs actions préventives ?
J'espère que la pierre que nous posons avec ce texte en faveur d'une renaissance de la PMI constituera les prémices d'un chemin vers le développement d'une culture de prévention, au cœur de laquelle ces services départementaux ont toute leur place.