Intervention de Adrien Taquet

Réunion du mercredi 30 juin 2021 à 9h30
Commission des affaires sociales

Adrien Taquet, secrétaire d'État :

Contrairement à ce que prétendent un certain nombre d'entre vous, ce texte ne manque pas d'ambition. J'assume que tout ne soit pas dans la loi, tout simplement parce que des actions ont déjà été menées ou sont en cours. La pédopsychiatrie est en effet un domaine essentiel. Or, depuis deux ans et demi, je n'ai cessé d'en parler à chacun de mes déplacements. Il en est de même s'agissant des délais d'attente dans les centres médico-psychologiques (CMP). Il est faux de dire que rien n'est fait !

Je vous rappelle que 80 millions d'euros ont été débloqués en faveur de la pédopsychiatrie dans le cadre de la feuille de route de la santé mentale et de la psychiatrie de 2018, que le fonds d'innovation organisationnelle en psychiatrie a été doté de 15 millions pour la psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent et qu'il a été reconduit de 2019 à 2021, que dix postes d'assistants chefs de clinique en pédopsychiatrie ont été créés depuis 2019 et que, dans le cadre du Ségur de la santé, 160 postes de psychologues ont été créés afin de réduire les délais d'attente dans les CMP. La pédopsychiatrie sera également l'un des axes fondamentaux des assises de la santé mentale et de la psychiatrie qui auront lieu en septembre prochain.

Le Gouvernement agit également contre l'accès massif et précoce des enfants à la pornographie et la prostitution infantile – à ce sujet, nous annoncerons d'ailleurs un certain nombre de mesures à la rentrée, à la suite du rapport que me remettra Mme Champrenault, procureure générale près la cour d'appel de Paris.

Le rapport d'avril 2019 sur la mort inattendue des nourrissons est le premier à avoir été déposé sur mon bureau dès après ma nomination. Le référentiel de la HAS, dont cette loi généralisera l'utilisation, y figurait, de même que la collégialité des juges lorsque les situations sont complexes.

J'aurai l'occasion de vous dire lors des débats à quoi servira l'argent de l'État dans le cadre de la contractualisation : créations de postes dans les PMI de vos départements, d'équipes mobiles en pédopsychiatrie, de places dans les villages d'enfants afin d'éviter la séparation des fratries. C'est du tangible, du concret !

La loi ne peut pas tout, en effet. Nous savons fort bien que des dispositifs datant de la loi de 2007 réformant la protection de l'enfance – projets pour l'enfant, observatoires départementaux de la protection de l'enfance – ne sont pas mis en œuvre et que ce n'est pas normal. À mes yeux, c'est un véritable enjeu des pratiques professionnelles.

Des documentaires, des reportages font état des maltraitances qui existent au sein des foyers – nous débattrons de dispositions qui, je l'espère, permettront d'y mettre fin –, mais je tiens également à saluer le professionnalisme des travailleurs sociaux de la protection de l'enfance.

Ce texte comprend des dispositions concernant le seul métier d'assistant familial mais nous réfléchissons aux moyens d'améliorer la qualité de vie au travail de l'ensemble des travailleurs sociaux.

Certains d'entre vous se sont étonnés que les mesures relatives aux normes et aux taux d'encadrement ne figurent pas dans ce texte. J'ai saisi le CNPE afin qu'il rende un avis à ce propos mais le Conseil d'État a considéré que cela ne relève pas de la loi et un certain nombre d'amendements à ce sujet ont été jugés irrecevables. Je m'engage toutefois à ce que nous puissions en discuter ensemble et que le Gouvernement réfléchisse à ce qu'il sera possible de faire en séance publique sur un certain nombre de thèmes, notamment, le financement du GIP.

J'attends également que le débat parlementaire permette de remédier à certaines lacunes du texte, notamment en ce qui concerne l'AEMO. Nous reviendrons sur la question des délais d'exécution des mesures de justice – je pense à la tribune qu'avaient publiée les juges des enfants de Bobigny en 2018 – et je suis tout à fait disposé à entendre des propositions de votre part. L'AEMO est en effet mal connue et mal utilisée puisqu'elle ne concerne que 18 % des mesures sociales à l'enfance. Il y a deux ans, j'ai demandé à l'inspectrice générale des affaires sociales Geneviève Gueydan un rapport sur la démarche de consensus relative aux interventions de protection de l'enfance ; il contient un certain nombre de propositions. La question, maintenant, est de savoir comment mieux les appliquer.

Un certain nombre d'amendements visant à renforcer l'accompagnement avant et après de la sortie de l'ASE ont été déclarés irrecevables, mais le Gouvernement est plutôt favorable à l'idée de travailler dans ce sens. Là encore, nous en parlerons.

J'attends également beaucoup de nos débats, au Sénat et à l'Assemblée nationale, à propos de la gouvernance territoriale et de l'observatoire départemental de la protection de l'enfance, qui doit en être l'épicentre. J'attends donc l'installation des nouveaux conseils départementaux et du nouveau bureau de l'ADF afin que les parlementaires puissent nous dire comment renforcer cette organisation territoriale.

La MAI a été très étroitement associée à nos travaux et l'AFA poursuivra sa mission de haute autorité juridique pour qu'il n'y ait pas le moindre risque de remise en cause des agréments à l'étranger. Elle continuera à mener des actions internationales, d'autant plus qu'avec la crise sanitaire, de nombreux organismes autorisés pour l'adoption connaissent de grandes difficultés.

Avec la nouvelle gouvernance, l'idée est que l'AFA puisse mettre ses compétences à disposition des départements en matière d'adoption nationale, une expérimentation concluante étant en cours dans vingt-cinq d'entre eux. Des moyens seront consacrés à la formation et permettront l'accomplissement de ces deux missions. Je me suis également engagé auprès des organisations syndicales pour que le cadre d'emploi le plus favorable soit appliqué à l'ensemble des organisations qui rejoindront ce nouveau GIP. Cela dit, nous proposons moins une réforme « de moyens » qu'une réforme « de sens », comme en témoigne également le rapprochement du CNAOP avec l'AFA.

La proposition de loi de Mme Limon avait été, en effet, l'occasion d'évoquer la protection de l'enfance. Nous nous rejoignons également sur la nécessité de l'accompagnement et nous pourrons y travailler ensemble.

Depuis trois ans, le choix a été fait de ne pas recentraliser, même si je n'ai pas voulu que l'on entre dans des débats institutionnels et de compétences. J'ai le sentiment que, sur ces questions, il faut faire preuve d'humilité. Je ne crois pas que les directions départementales des affaires sanitaires et sociales ou la commission technique d'orientation et de reclassement professionnel soient toujours d'heureuse mémoire. En tout cas, je ne peux laisser dire que l'intérêt supérieur de l'enfant n'est pas pris en compte dans ce texte alors qu'il est, au contraire, central.

L'enjeu essentiel est d'éviter les ruptures et il n'est pas admissible que le système en génère lui-même. C'est pourquoi nous permettons aux assistantes familiales de poursuivre leur activité au-delà de la retraite – je vous renvoie au très beau documentaire sur Yanie, Itinéraire d'un enfant placé.

Ce sont 8 milliards d'euros qui sont consacrés à la protection de l'enfance mais ne faisons pas de la question des moyens un préalable : nous pouvons tous mieux faire. Des moyens supplémentaires, de plus, ont été accordés à la justice qui ont permis de créer soixante‑dix postes de juges des enfants et cent postes de greffiers pour les tribunaux pour enfants.

Je ne suis pas contre l'élaboration d'un code de l'enfance mais je ne suis pas celui qui, au banc, à l'occasion du débat sur la cellule de veille jeunes majeurs, a affirmé que deux textes devaient voir le jour !

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