Intervention de Vincent Descoeur

Réunion du mercredi 7 juillet 2021 à 9h30
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaVincent Descoeur, rapporteur :

Comme l'a laissé entendre la présidente de notre mission d'information, et comme vous le savez peut-être déjà pour avoir assisté aux tables rondes organisées en septembre dernier, la maladie de Lyme constitue un sujet complexe parce que toute affirmation touchant à cette maladie prête le flanc à la controverse.

Nous allons donc essayer de délimiter notre sujet en en définissant les termes. La maladie de Lyme ou, plus précisément, la borréliose de Lyme, est une maladie infectieuse provoquée par une bactérie, la Borrelia burgdorferi, transmise à l'homme par des piqûres de tiques du genre Ixodes. Ses manifestations peuvent être très diverses. Dans un premier temps, elle provoque un érythème migrant, c'est-à-dire une lésion circulaire rouge autour du site de la piqûre, qui évolue de manière centrifuge jusqu'à disparaître. Cependant les difficultés apparaissent dès ce stade, car cet érythème migrant n'est pas systématique ou, plus exactement, n'est pas systématiquement repéré.

Cette infection peut parfois évoluer vers des formes disséminées, liées à la migration de la bactérie dans certains organes. À ce stade, les patients peuvent présenter des symptômes très divers : dermatologiques, neurologiques, articulaires, cardiaques ou encore ophtalmologiques. Ces symptômes peuvent apparaître quelques jours, quelques semaines, voire plusieurs années après la piqûre de tique. En outre, ces symptômes sont souvent non spécifiques, c'est-à-dire qu'ils sont communs à d'autres maladies.

Afin de diagnostiquer la maladie, il faudrait donc idéalement identifier la bactérie dans l'organisme. Mais ce n'est pas aisé, car les méthodes de détection directe de type PCR ne fonctionnent pas correctement ou ne sont pas praticables. Il reste donc la sérologie, qui permet de détecter des anticorps de la maladie de Lyme, avec les limites que nous lui connaissons, à savoir les faux positifs et les faux négatifs. En outre, elle ne permet pas de prouver une infection active, mais uniquement un contact de l'organisme avec la bactérie.

Face à cette maladie, nous sommes donc confrontés à une série d'inconnues qui tiennent en partie aux limites des méthodes diagnostiques disponibles, mais pas uniquement. Elles relèvent également d'un défaut de connaissances sur la borréliose de Lyme et, de manière générale, sur les maladies vectorielles à tiques. En effet, les tiques sont porteuses de nombreux agents infectieux, dont plusieurs provoquent des maladies chez l'homme.

Ce manque de connaissances s'avère très préjudiciable pour les patients. La borréliose de Lyme se traduisant par des signes polymorphes plus ou moins caractérisés, de nombreux patients peuvent attribuer leurs symptômes à cette maladie. Lorsque les tests biologiques restent négatifs et qu'aucun diagnostic différentiel solide n'est établi, les patients se retrouvent en situation d'errance. Ils enchaînent alors les consultations médicales chez des spécialistes variés, pendant plusieurs mois, voire plusieurs années. Parfois, ils sont obligés d'arrêter de travailler ou d'interrompre leur scolarité lorsqu'il s'agit d'enfants ou d'adolescents qui sont en effet, parmi les premiers concernés, en particulier par les manifestations neurologiques de la borréliose de Lyme. In fine, il est fréquent que les patients se tournent vers des thérapies alternatives, généralement à grands frais.

Quel est le traitement de la maladie de Lyme, si tant est que cette maladie soit en cause ? Nous nous trouvons ici face à un nouveau sujet de controverses. L'état actuel des connaissances scientifiques laisse à penser que cette maladie se traite simplement, par la prise d'antibiotiques pendant une durée n'excédant généralement pas un mois. Pourtant, certains patients traités pour une borréliose de Lyme ont des symptômes persistants à l'issue de la cure antibiotique. La présence de la bactérie n'ayant pas pu être mise en évidence chez ces patients, la plupart des médecins s'accordent à penser qu'il s'agit de séquelles, alors que d'autres, moins nombreux, considèrent que la Borrelia est toujours présente, « cachée » dans les tissus, et qu'il convient de poursuivre les traitements antibiotiques au long cours de sorte à l'éradiquer.

Dans le cadre de notre mission, nous n'avons évidemment pas eu la prétention de trancher ces questions et tel n'était d'ailleurs pas notre objet. Peu importe, de notre point de vue, que ces patients souffrent d'une borréliose de Lyme active, de séquelles ou d'une autre maladie non diagnostiquée. Notre souci réside dans l'errance médicale de ces patients en l'absence de certitudes scientifiques et de traitement pour les soulager. Nous estimons que l'errance médicale représente une problématique de santé publique qui n'est pas suffisamment prise en compte par les autorités sanitaires. D'ailleurs, aucune évaluation de cette errance n'est organisée, ni par le ministère de la santé, ni par les caisses d'assurance maladie, ni par les agences régionales de santé (ARS). Nous disposons donc d'une vision très approximative de son ampleur, à travers les témoignages recueillis.

Nous alertons au sujet de cette errance médicale et nous pointons du doigt l'incapacité de notre système de soins à la prendre en compte. Nous pensons que l'absence de réponse scientifique ne constitue pas un motif suffisant pour priver les patients de soins, voire mettre en doute leur souffrance ou leur coller systématiquement l'étiquette « psy ».

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