Intervention de Nicole Trisse

Réunion du mercredi 7 juillet 2021 à 9h30
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaNicole Trisse, rapporteure :

Ces patients souffrent et il faut les prendre en charge. Cela implique d'abord d'écouter leur souffrance et, ensuite, de tenter tous les traitements que la médecine est susceptible de proposer. À défaut de diagnostic et de traitement approprié, il conviendra a minima de soulager leurs symptômes dans une relation d'accompagnement.

Le constat de l'errance des « patients Lyme » a été posé par nos autorités sanitaires depuis plusieurs années et des bonnes résolutions avaient déjà été prises. En 2016, un plan national de lutte contre les maladies vectorielles à tiques a été adopté sous l'impulsion de la ministre Marisol Touraine. L'axe stratégique 3 de ce plan prévoit la mise en place d'un parcours de soins pour les patients affectés de troubles attribués à la maladie de Lyme ou à une autre maladie vectorielle à tiques. Il prévoit l'élaboration d'un protocole national de diagnostic et de soins afin de prendre en charge ces patients. Toutefois, la mise en œuvre de ce plan n'a pas été à la hauteur des attentes en raison non seulement des polémiques scientifiques, dont la violence défie l'entendement et qui ont tendance à bloquer toute initiative constructive sur cette question, mais également d'un manque d'engagement de la part de certains acteurs concernés, probablement en partie lié au climat de controverses, et d'un défaut de moyens, indispensables à la réalisation de ce plan. Nous n'affirmons pas qu'aucune action n'a été engagée depuis 2016, mais simplement qu'elles ont généré très peu d'effets bénéfiques pour les patients.

Un groupe de travail a été mis en place en 2018, sous l'égide de la Haute Autorité de santé (HAS), afin d'élaborer des recommandations pour la prise en charge des « patients Lyme », mais ses participants ont refusé de s'associer aux recommandations finales.

En 2019, le ministère a annoncé la mise en place d'un parcours de soins en trois niveaux pour la prise en charge de ces patients. Premier niveau : les médecins généralistes, idéalement les médecins traitants qui, connaissant bien leurs patients, seraient aptes à identifier une suspicion de maladie vectorielle à tiques. Deuxième niveau : des centres de compétence régionaux chargés de la prise en charge des cas complexes, via une équipe pluridisciplinaire. Troisième niveau : cinq centres de référence interrégionaux, à savoir Rennes, Villeneuve-Saint-Georges associé à Créteil, Strasbourg associé à Nancy, Clermont‑Ferrand associé à Saint-Étienne et Marseille.

Les centres de référence ont été sélectionnés sur dossier au mois de juillet 2019 et pourvus d'une dotation annuelle de 300 000 euros. Leurs missions principales consistent à assurer la prise en charge de recours des patients très complexes, à conduire de la recherche clinique, à organiser et maintenir la coordination du réseau.

En réalité, le démarrage de leurs activités a été très lent et très inégal selon les centres. Nous en avons visité deux et nous avons constaté des fonctionnements très différents, ce qui nous laisse un peu sceptiques quant à cette notion de « centre de référence ».

S'agissant des centres de compétence, le plus grand flou règne quant à leurs activités et, dans une certaine mesure, quant à leur identité. Le ministère a rencontré des difficultés à nous en fournir une liste.

La réalité des activités de ces centres est complexe à apprécier en raison de l'absence de données objectives. Il semble bien que la plupart d'entre eux soient simplement des services d'infectiologie qui se proposent de recevoir ces patients, mais sans réelle organisation en ce sens. Certains pourtant sont très actifs dans ce domaine, avec une file active et importante de patients ainsi que des moyens humains et matériels dédiés ; ils sont cependant très minoritaires. En outre, force est de constater que ces centres ne bénéficient d'aucun financement, ce qui est problématique pour une activité manifestement complexe à rentabiliser via la tarification à l'activité (T2A), car la prise en charge des « patients Lyme » suppose un temps médical important.

S'agissant du premier niveau, les médecins généralistes sont censés être sensibilisés et formés afin de prendre en charge et d'orienter ces patients. Dans les faits, il n'est pas possible de déployer ce niveau de prise en charge parce que les médecins généralistes ne sont pas en mesure de suivre ces patients complexes, au-delà de l'érythème migrant. Nous constatons non seulement des problèmes de formation, mais également et surtout une impasse matérielle : il est impossible aux médecins généralistes d'appréhender ces patients dans toute leur complexité dans le cadre d'une consultation standard de quinze minutes alors qu'ils sont souvent déjà surchargés par ailleurs, la démographie médicale étant ce qu'elle est.

Bref, le parcours de soins relevait d'une bonne idée sur le papier, mais la mise en œuvre pêche gravement. En outre, l'absence totale de communication et d'information quant à ce parcours – bien souvent, ni les médecins ni les patients ne connaissent son existence – n'a pas favorisé l'amélioration de la prise en charge des « patients Lyme » depuis 2019.

Cela ne signifie pas que nous devions renoncer au plan Lyme de 2016 qui, selon nous, préconisait des orientations pertinentes. Il convient dorénavant de les mettre en œuvre et de leur attribuer des moyens.

S'agissant de nos préconisations, nous estimons qu'il importe prioritairement et impérativement de mettre fin à ce climat de polémique délétère qui décourage les bonnes volontés et dont les patients sont les premières victimes. Les personnalités « clivantes » doivent être écartées du parcours de soins afin de laisser place à d'autres acteurs plus constructifs.

Nous présentons par ailleurs une série de recommandations de sorte à donner du corps à ce parcours de soins, dont certaines présentent un enjeu important.

Nous préconisons la création d'une consultation longue, avec une cotation de « consultation complexe », voire « très complexe », afin de prendre en charge les patients se présentant avec des symptômes polymorphes non attribués. Il s'avère impératif d'installer la possibilité d'une écoute attentive dès les premières étapes du parcours de soins afin d'éviter l'errance médicale. La consultation longue nous semble représenter une méthode satisfaisante.

Nous sollicitons l'attribution de moyens aux centres de compétence qui ont une file active importante de patients afin de financer les coûts supports et transversaux non valorisés dans le cadre de la T2A.

Nous appelons à une accélération du déploiement des centres de référence et à une harmonisation de leurs pratiques, en se fondant sur un recueil des bonnes pratiques élaboré en lien avec les associations de patients. Dans ce cadre, les pratiques déployées au centre de référence de Villeneuve-Saint-Georges nous ont paru intéressantes à plusieurs égards. Nous estimons que ces bonnes pistes pourraient valablement être reprises à l'échelle du réseau, non seulement dans les centres de référence, mais également dans les centres de compétence.

Nous appelons le ministère à renforcer l'évaluation de ces centres. Les différences de pratiques observées et le caractère lacunaire de plusieurs rapports d'activité ne nous semblent pas acceptables à plus long terme.

Certes, ce réseau a subi la pandémie de plein fouet et ces centres reposent sur des services d'infectiologie qui sont en première ligne dans la crise sanitaire. Cependant, il importe d'accentuer la pression sur ce réseau, car il est urgent qu'il produise enfin les effets attendus pour les patients.

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