Intervention de Stéphane Viry

Réunion du mardi 14 septembre 2021 à 17h00
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaStéphane Viry, rapporteur :

Nous parlons à deux voix mais il n'existe qu'une tonalité. Quelles qu'aient pu être mes interrogations et réserves avant d'entrer dans ce sujet, je dois confesser que nos travaux, investigations et auditions m'ont fait avoir aujourd'hui la position partagée avec Caroline Janvier sur le sujet. Notre approche a été celle de commissaires de la commission des affaires sociales, c'est-à-dire un regard sanitaire par rapport à des politiques publiques à conduire pour répondre à une demande de soin. Nous n'avons pas suppléé la commission des lois. Nous n'avons pas cherché à entrer dans un sujet par une porte qui n'était pas la nôtre.

L'actualité de ces dernières semaines montre effectivement des problèmes majeurs dans certains quartiers de Paris par rapport au crack. L'actualité du jour montre a priori l'intention de la municipalité parisienne d'ouvrir une salle dans le 20e arrondissement. Ce n'est pas notre rôle d'aborder cette question ni d'ingérer dans une volonté politique de la ville de Paris. Depuis quelques heures, nous recevons, avec Caroline Janvier, beaucoup d'interpellations de la part de Parisiens opposés à cette ouverture de salle. Ce n'est pas notre rôle à l'Assemblée nationale. Nous effectuons un travail d'évaluation des politiques publiques, préalablement à l'examen du PLFSS.

Par ailleurs, la dépendance en matière de stupéfiants est une pathologie ainsi que, souvent, un drame humain. Il va de soi que la nécessité de lutter contre tous les trafics, les réseaux et la consommation s'impose. Dès lors que des hommes et des femmes sont en position de dépendance et de souffrance, qu'ils se mettent en danger et peuvent perturber la communauté humaine, il appartient à la communauté nationale d'apporter une réponse. Les SCMR constituent un élément mais ne peuvent être pertinentes que dans le cadre d'une politique de santé publique claire et non équivoque. Le besoin d'accompagnement, de ressources médicales ou encore de lits s'impose dans le cadre de ce sujet.

Nous nous sommes posé deux questions. La première question porte sur l'efficacité du dispositif expérimenté à Strasbourg et à Paris depuis maintenant plus de quatre ans par rapport à un certain nombre d'objectifs. La seconde question concerne l'acceptabilité de ce dispositif par les riverains et par l'opinion publique. La réponse à ces questions dépend très largement de l'implantation de cette SCMR. Une salle mal ouverte et mal implantée générera des conséquences collatérales très pénalisantes pour l'idée même de la salle. Nous sommes favorables à la duplication du modèle strasbourgeois, contrairement au modèle parisien tel qu'il fonctionne. Rappelons que la salle de Paris apporte des réponses très concrètes à des usagers. Néanmoins, les conséquences collatérales ne peuvent pas être négligées.

Nous avons effectivement déploré l'absence de réponse à nos interpellations du cabinet du ministre de l'Intérieur et de la préfecture de police de Paris. Dans le cadre de nos travaux, nous aurions aimé entendre la position de la sécurité publique concernant ce sujet. Nous considérons néanmoins que lutter fermement et sans ambiguïté contre la drogue et l'ouverture de SCMR n'est pas incompatible. Considérer que ces deux faits sont totalement incompatibles serait un point de vue primaire et doctrinaire.

Pa ailleurs, d'autres salles n'ont pas pu être ouvertes car nous étions dans une phase d'expérimentation. Le contexte encore quelque peu instable a peut-être refroidi la volonté de certains d'entrer dans une voie pas encore consolidée, voire sécurisée. Par ailleurs, le délai de l'expérimentation étant de cinq ans, il aurait été hasardeux d'ouvrir une salle en 2019 ou en 2020 pour quelques mois.

Concernant la pérennisation de l'expérimentation, cette solution doit manifestement être encouragée. Elle ne doit pas devenir un marqueur politique ou un totem idéologique. Nous devons admettre de douter par rapport à ces salles ou, le cas échéant, de remettre en question ces principes avec la volonté de renforcer à la fois la qualité et la quantité de la réponse pouvant être apportée. Il n'existe pas de modèle unique pour que ce dispositif soit une réussite en termes sanitaire, d'acceptabilité sociale et d'efficacité. Mon avis personnel est que ces salles ne peuvent pas se décréter par la seule volonté d'un élu. La mise en place de ce dispositif implique un temps de concertation et de préparation. Le consentement territorial doit être recherché. Le sujet est trop grave pour en faire des éléments politiques.

Concernant la question de Catherine Fabre évoquant la généralisation, le cahier des charges peut encore être revu avant sa stabilisation définitive. Il existe des conditions locales émergentes. Elles sont autorisées par la loi. Lorsqu'avec Caroline Janvier, nous proposons de continuer l'expérimentation, c'est pour autoriser, le cas échéant, l'ouverture d'une salle à Lille, Bordeaux ou Marseille dès lors que cette salle répond à un besoin et que tout est suffisamment étayé.

Une question portait sur une comparaison européenne. Nous avons en effet auditionné l'office européen des toxicomanies. Nous avons pu comparer avec les pratiques aux Pays-Bas, en Suisse et ailleurs. Manifestement, ces salles constituent une réussite partout en termes de santé publique et de lutte contre les consommations à risques. Le directeur de l'OEDT a souligné que ce n'est pas parce que ce dispositif fonctionne qu'il doit être implanté partout.

Concernant la politique pénale, nous avons auditionné le procureur de Paris, dont la position révèle une certaine sagesse sur cette question. Le procureur a indiqué que son prédécesseur s'était beaucoup investi lors de l'ouverture de la salle de Paris, qu'un comité de pilotage se réunit désormais assez ponctuellement mais que néanmoins, il n'existe pas de difficultés en tant que telles. Rappelons que la position du procureur en termes de politique pénale est davantage empreinte de sanctions par rapport à des infractions pénales liées à la consommation ou aux trafics de stupéfiants et d'injonctions de soin. L'académie médicale nous dit que pour qu'un processus de sevrage fonctionne, ce dernier doit découler d'un consentement et non d'une injonction. Intellectuellement, un télescopage entre différentes conceptions peut avoir lieu sur ce point.

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