Intervention de Pierre Dharréville

Réunion du mardi 21 septembre 2021 à 21h20
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPierre Dharréville :

Lors des auditions, un représentant des plateformes a indiqué que celles-ci n'étaient pas profitables et étaient à la recherche d'un modèle économique. Triste aveu d'un système qui marche sur la tête ! Les plateformes construisent leur modèle économique sur le dumping social : en recourant à des travailleurs faussement indépendants, elles précarisent des dizaines de milliers de travailleurs qui ne peuvent accéder au salariat, à un salaire minimum ou à une protection sociale décente, et à qui vous essayez de vendre l'illusion du libre choix. Cela tire toute l'économie vers le bas.

L'ubérisation, qui prend l'apparence de la modernité, constitue en réalité un grand bond en arrière : c'est le retour du travail à la tâche. Le texte que vous nous présentez aujourd'hui signe l'acceptation de l'ubérisation et de ses dérives sociales. Outre le fait que le Gouvernement organise une fois de plus le dessaisissement du Parlement en recourant à des ordonnances, ce projet de loi laisse de côté le sujet majeur du statut de ces travailleurs, dont vous vous dédouanez en renvoyant à la négociation alors que le rapport de force est profondément asymétrique. Après la tentative, en 2019, de laisser le soin aux plateformes d'établir unilatéralement des chartes sociales au rabais et à la carte, il s'agit ici de créer un cadre de dialogue social ad hoc. La question de la définition des droits sociaux est donc renvoyée à une négociation éclatée, sans que la loi ou les syndicats à l'échelon national n'aient leur mot à dire sur un socle minimal de garanties concernant le revenu minimal ou les conditions de travail et de protection sociale. Vous sécurisez donc les plateformes, et non les travailleurs et les travailleuses. À l'heure où Deliveroo est renvoyée en correctionnelle pour travail dissimulé, à l'heure où les décisions de justice se multiplient, en France et dans le monde, pour reconnaître le statut de salarié à ces travailleurs, à l'heure où l'Espagne vient de voter une législation en ce sens, ce texte est un contresens – pire, il creuse la possibilité d'un tiers‑statut à mi-chemin entre salariat et indépendance, qui remettrait en cause les fondements de notre modèle de protection sociale. Nous nous opposerons donc à ce projet de fiction sociale.

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