Je souligne à mon tour cette curiosité : vous considérez que 80 % d'une population que vous n'êtes pas capables de dénombrer est favorable à l'indépendance. Il ne suffit pas de vouloir être indépendant : encore faut-il l'être effectivement. Or, tous les tribunaux saisis en Europe et même aux États-Unis disent qu'il s'agit d'une fausse indépendance. Vous en faites d'ailleurs vous-même l'aveu, madame la rapporteure, en expliquant qu'il s'agit de réduire le faisceau d'indices – autant dire d'effacer les traces du larcin.
Par ailleurs, le syndicat des VTC, qui représente un certain nombre de chauffeurs, recommande la présomption de salariat et le renversement de la charge de la preuve dès lors qu'un individu s'inscrit sur une plateforme. On peut vouloir être indépendant – l'indépendance est un vrai statut, même si la protection sociale doit encore être améliorée – mais, en l'occurrence, il ne suffit pas de vouloir être indépendant pour l'être. La réalité, on la voit dans les pratiques sociales : regardez qui nous livre ! On est dans un lien de subordination et de tâcheronnage, dont vous prenez acte en organisant un tiers‑secteur. Vous instaurez un dialogue social entre indépendants, puisque vous les considérez comme tels, c'est-à-dire entre chefs d'entreprise, car tous ces chauffeurs sont des chefs d'entreprise puisqu'ils sont indépendants, mais ce n'est pas du dialogue social historiquement. Et regardez comment s'est segmenté le marché : certes, il y a plusieurs plateformes, mais l'une d'elle, dont il n'est pas besoin de donner le nom, est en situation quasiment monopolistique et peut, de façon unilatérale, baisser ses prix et déconnecter d'autorité un certain nombre de ses chauffeurs, peut-être d'ailleurs pour faire un peu le ménage dans ce que sera le corps électoral de ces futures élections.
Un chemin est donné. Vous avez évoqué le modèle anglais, mais regardez le modèle espagnol : il a fait le choix d'une vraie présomption de salariat, avec le statut de salarié.