Vos interventions font bien sentir que vous avez probablement été assaillis de ces questions dans vos permanences. Cela ne nous étonne pas car nous avons également eu beaucoup de remontées et de questions à traiter dans nos organisations sur le territoire et dans nos fédérations professionnelles. Il faut dire que nous avons traversé récemment, en dehors de l'intégration du RSI au régime général, un événement assez exceptionnel.
Sur le fond, malgré la diversité des statuts et des situations des indépendants, il faut que l'indépendant puisse non seulement dégager une rémunération mais aussi la protection sociale qui va avec. Il faut donc garder à l'esprit que cette activité doit dégager le moyen de se protéger socialement et, au-delà du cash, il faut aussi prévoir ce qui permet de se soigner, d'assurer une retraite. Les dispositifs aujourd'hui à l'œuvre chez les indépendants ne permettent pas forcément de l'appréhender directement pour l'indépendant qui exerce son travail.
Comme nous sommes confrontés à cette difficulté, j'approuve tout à fait la nécessité d'un contact humain pour expliquer ces points et prendre en compte la diversité des situations. Un gros travail sur ce contact humain est réalisé entre le CPSTI et les URSSAF sur le territoire pour que des guichets uniques puissent répondre. Il est très important d'intégrer ce point, de bien voir que la rémunération ne consiste pas seulement en cash pour vivre au quotidien mais aussi en la protection sociale associée.
Vous nous demandez très directement – et vous avez raison – ce qu'il faut faire en premier. Je souhaite vous donner deux pistes essentielles sur lesquelles nous pourrons vous préciser nos plans ultérieurement. La première est l'harmonisation des bases fiscale et sociale qui n'est pas réalisée mais est absolument indispensable. Il faudra en discuter avec Bercy mais il me semble que c'est fondamental pour terminer le processus de simplification.
Ma seconde proposition est la simplification de statuts, en tenant compte de la diversité existante, de l'autoentrepreneur à la moyenne entreprise sous statut d'indépendant. La position de la CPME est que le statut d'autoentrepreneur devrait être soit un statut de revenus complémentaires pour des situations particulières, soit un statut de démarrage d'une activité qui bascule au terme d'un certain temps sur un statut éventuellement différent. Nous avons travaillé à des solutions et nous pourrons vous indiquer nos préconisations en la matière.
Vous nous avez aussi interpellés sur le plan pour les indépendants en discussion actuellement. Il est utile de souligner un certain nombre d'avancées, par exemple sur le conjoint collaborateur avec la possibilité au bout de cinq ans de basculer dans un statut plus protecteur.
La question des pénalités liées à une sous-estimation constitue un point très important même s'il paraît assez technique. Environ 10 000 indépendants modulent leurs cotisations, c'est-à-dire très peu sur les trois millions d'indépendants, la principale raison en étant la peur de se tromper. En effet, ils peuvent actuellement être pénalisés en cas d'erreur et la future loi, sous réserve que vous la votiez, prévoit de supprimer les pénalités pour des erreurs d'appréciation, en dehors d'erreurs manifestes bien sûr.
S'agissant de la préservation des droits des indépendants impactés par la crise sanitaire, la présidente Duprez a fait remarquer que, au niveau de 1 à 1,6 fois le SMIC, les cotisations sociales ont quasiment disparu, y compris pour les autoentrepreneurs sur lesquels est effectué un prélèvement immédiat de 22 %, alors que, au même niveau de rémunération, les indépendants cotisent. Cette question est intéressante : comment intégrer tout ceci à terme dans le modèle de financement de notre protection sociale ?
Enfin, le plan comporte des mesures d'accompagnement pour les gérants majoritaires de SARL dans le cas de surendettement, comme je l'ai évoqué précédemment.
Nous pensons toutefois que le plan ne va pas assez loin sur le plan du statut unique et protecteur pour l'entrepreneur individuel, notamment sur les bases fiscale et sociale. Nous sommes également assez dubitatifs sur deux autres questions abordées par le plan sur les indépendants.
La première est la question des risques accidents du travail et maladies professionnelles pour laquelle nous ne voyons pas pourquoi il faudrait demander aux indépendants de surcotiser alors que, sur les salaires les moins élevés, ce type de surcotisation n'existe pas et que, dans le système antérieur du RSI, la maladie professionnelle et l'accident étaient inclus dans la cotisation. La surcotisation, même par l'intermédiaire de la possibilité d'une ristourne sur la cotisation volontaire, nous paraît franchement hors de propos. De plus, vous connaissez les excédents régulièrement dégagés par la branche accidents du travail et maladies professionnelles (AT–MP) grâce aux cotisations des entreprises et à la bonne gestion de la branch AT/MP.
Le second point concerne l'assurance chômage pour les indépendants, qui nous a de tout temps interpellés. En effet, nous sommes a priori dans un processus d'assurance et, si nous sommes en fait dans un processus de solidarité, il faut dire son nom et ne pas le mettre dans l'Unédic et l'assurance chômage. Pour nous, un dispositif d'assurance est constitué d'une cotisation qui vous prémunit d'une perte de situation, d'une perte de niveau de vie en cas de réalisation du risque. Nos indépendants ne sont pas demandeurs d'une assurance chômage sur les indépendants. Il nous paraît effectivement essentiel qu'il existe des processus de traitement des dossiers en termes de solidarité, notamment l'accès au RSA car il est parfois compliqué de compléter un dossier de RSA compte tenu de décalages de déclarations. Toutefois, dès lors qu'il n'existe pas de cotisation, l'assurance chômage pour les indépendants nous pose problème car il ne s'agit pas d'un dispositif d'assurance mais d'un dispositif de solidarité. Il devient difficile de s'y retrouver si nous confondons assurance et solidarité. Nous préférons très clairement que l'assurance soit adossée à cotisation et soit gérée par les partenaires sociaux, voire dans des modèles plus élargis comme pour d'autres situations.