L'article 4, qui supprime la prise en compte des revenus du conjoint dans le calcul de l'AAH, relance le débat de fond que nous avions eu au mois de juin s'agissant de l'individualisation d'un minimum social. Dans une société reposant sur la solidarité nationale et aspirant à être plus inclusive, l'individualisation touche aux domaines, non seulement politiques et philosophiques, mais aussi techniques ; elle bouleverse autant notre modèle de société que l'organisation des opérateurs ; elle transforme notre rapport à l'individu, à son autonomie financière, à ses droits et devoirs ainsi qu'aux aides qu'il perçoit.
Bien sûr, notre majorité ne considère pas l'allocation comme un minimum social comme les autres. C'est la raison pour laquelle elle a été attentive aux alertes émises sur le terrain par les associations. Lors de la deuxième lecture de la proposition de loi portant diverses mesures de justice sociale, nous avons apporté une solution concrète en modifiant le système de prise en compte des revenus du conjoint. Comme nous nous y étions engagés, le PLF 2022 traduit, dans son article 43, cette réforme qui permet d'accroître le nombre de bénéficiaires inactifs de l'AAH. Ce sont ainsi près de 120 000 ménages qui verront leur AAH augmenter. Concrètement, les bénéficiaires inactifs dont le conjoint est payé au SMIC, c'est-à-dire 1 230 euros, pourront bénéficier d'une AAH à taux plein, alors que dans le système actuel, ils ne peuvent la conserver.
De son côté, la déconjugalisation ferait 44 000 perdants : 21 % des allocataires perdraient le bénéfice de l'AAH avec la prise d'une activité professionnelle. Je donne à nouveau l'exemple de Clément, bénéficiaire de l'AAH, en situation de handicap, qui gagne 1 800 euros par mois, et dont la conjointe, Stéphanie, à temps partiel, gagne 800 euros. Avec notre réforme, Clément maintient ses revenus ; avec la déconjugalisation, il perd 370 euros. Voilà des faits. Je sais bien que dans l'article 7, vous maintenez le bénéfice de l'allocation pendant dix ans.
Il est bon de défendre une idée, mais il faut qu'elle puisse s'appliquer sur le plan technique. En tant que législateurs, nous avons une responsabilité en la matière. Nous avons un désaccord philosophique et conceptuel sur l'article 4. C'est la raison pour laquelle nous souhaitons sa suppression.