Intervention de de la HAS

Réunion du mercredi 29 septembre 2021 à 14h30
Commission des affaires sociales

de la HAS, présidente :

J'essaierai de répondre au moins aux questions qui rentrent dans le cadre de nos missions, certaines des questions posées dépassant les missions de la HAS. Notre rôle est d'établir les bases scientifiques de ce qu'il est bon de faire et nous n'avons que peu de rôles opérationnels puisque nous donnons nos avis aux professionnels de santé ou au ministère qui s'en saisit pour mettre les moyens sur la table.

La première question portait sur la vaccination des enfants de 6 à 12 ans. Les industriels déposeront le dossier à l'Agence européenne des médicaments (EMA) dans le mois qui vient, au mois d'octobre. Ce dossier n'a pas été travaillé pour la bonne raison que nous n'avons pas encore les données des industriels. Vous savez que la première étape est l'autorisation de mise sur le marché donnée par l'EMA et, ensuite, notre rôle est de voir comment ce vaccin s'inscrit dans la stratégie vaccinale.

Nous nous sommes prononcés pour les 12-18 ans en début d'été. Malgré le peu de formes sévères que font les adolescents, nous avons pensé qu'il était important de les vacciner, en particulier – ce qui répondra à certaines questions – pour des aspects de risques psychosociaux et de risques psychiques, de la vie altérée de ces enfants avec l'école en distanciel voire des écoles arrêtées. Cela a été l'un des critères pour proposer la vaccination aux plus de 12 ans.

S'agissant de la vaccination concomitante avec la grippe, nous avons dit et répété récemment qu'il est tout à fait possible de faire les deux vaccinations en même temps. Aucun délai n'est à respecter entre les deux vaccins qui peuvent être faits le même jour, un dans chaque bras, si cela facilite le travail des personnes qui se font vacciner ou des vaccinateurs. Nous ne mettons aucun obstacle à lier ces deux vaccinations.

Nous attendions les premières données. Les données anglaises que nous avons eues montrent que cette vaccination concomitante ne diminue pas la réponse immunitaire au vaccin covid et n'engendre pas davantage d'effets secondaires que ce qui est attendu.

Des questions portaient sur la télémédecine. Notre rôle a été d'évaluer quels étaient les types de consultation qui pouvaient avoir lieu en téléconsultation et nous l'avons fait plusieurs reprises. Nous avons d'ailleurs donné en tout début de crise un avis favorable pour majorer les consultations à distance pour le covid, voire pour les consultations au téléphone dans ces circonstances exceptionnelles, en l'absence de vidéo. Ceci a amené une augmentation très importante du nombre de téléconsultations puisque 19 millions de téléconsultations ont été remboursées en 2020. La téléconsultation est donc bien en route.

Nous travaillons également sur la télé‑expertise. Les avancées sont très importantes. Il faut fixer les bonnes conditions d'utilisation et les critères de qualité de ces téléconsultations-expertises.

Les questions sur l'accès aux soins, la désertification médicale et les pénuries de médicaments dépassent totalement nos missions. Le nombre de professionnels de santé à former ne dépend pas des missions de la HAS mais tout ce qui peut, comme la télémédecine, pallier les manques, en particulier dans certaines régions, est bienvenu. Les pénuries de médicaments ne sont pas du ressort de la HAS puisque ce n'est pas du tout un problème scientifique mais industriel. Nous n'y pouvons pas grand-chose. La mise en place des hôpitaux de proximité dépend du ministère et non de la HAS. Je suis donc désolée de vous décevoir mais je ne peux répondre qu'aux points qui rentrent dans le cadre de nos missions.

M. Christophe m'a interrogée sur l'accès rapide aux médicaments après l'avis de la commission de la transparence, comme cela a en effet été annoncé. Pourquoi les critères de l'ATU sont-ils restrictifs ? Pourquoi ce système ne s'adresse-t-il qu'à des maladies rares, graves ou invalidantes ? Il faut savoir que ces médicaments n'ont pas d'autorisation de mise sur le marché. Leur rapport bénéfice/risque n'a pas été évalué avant la demande d'accès précoce et nous disposons en général de très peu de données sur leur efficacité. C'est normal puisqu'ils sont au tout début de leur vie. Il est donc évident que, quand il existe des traitements comparatifs, nous privilégions un traitement existant qui a fait la preuve de son efficacité à un médicament qui n'a pas fait la preuve de son efficacité.

L'un des critères est que nous ne puissions pas attendre car ces médicaments présentent un risque. Même si les avoir vite est un avantage, cela peut présenter un risque puisque nous avons peu de données sur ces médicaments. L'accès précoce est réservé au cas où il faut vraiment aller vite parce que le malade est atteint d'une maladie grave avec un très mauvais pronostic à court terme. Nous pouvons alors lui faire prendre le risque d'une efficacité relative ou d'effets secondaires mais nous ne le ferions pas pour tous les médicaments. Il est normal que l'accès précoce soit restreint à des maladies graves pour lesquelles nous ne pouvons pas attendre. Encore une fois, ce sont des médicaments sur lesquels nous avons extrêmement peu de données, qui n'ont même pas encore accès au marché.

S'agissant du délai de fixation des prix, la France a la sagesse de séparer l'évaluation médicale, scientifique des médicaments et la négociation de leur prix. Nous réalisons la première phase et le Comité économique des produits de santé la seconde. Nous réduisons au maximum les délais de notre côté. Je n'ajoute rien sur ce que font nos collègues, qui ne doit pas être très simple non plus.

En ce qui concerne la liste en sus, le ministre a annoncé un certain nombre de changements qui vont dans le bon sens et permettront à nos établissements de santé d'accéder plus facilement à des médicaments sur lesquels nous nous sommes nous-mêmes émus à plusieurs reprises du fait qu'ils ne puissent pas rentrer dans cette liste en sus, ce qui pouvait être source de perte de chance pour des patients. Nous nous réjouissons donc des modifications décidées au bénéfice des patients.

Mme Six m'interroge sur l'endométriose. Nous avons en effet rendu en 2018 des recommandations sur cette maladie très invalidante pour nombre de jeunes femmes. Encore une fois, la formation des médecins n'est pas du ressort de la HAS. Nous avons produit des outils aussi adaptés que possible, avec des recommandations de bonnes pratiques pour cette prise en charge. Nous travaillons sur saisine et donc, si d'autres travaux étaient utiles, nous les envisagerions. Aujourd'hui, je crois que le document de 2018 reste tout à fait d'actualité. Il faut que cela se déploie sur le terrain.

M. Michels m'a demandé si la HAS est correctement « outillée » pour effectuer ses missions. Elle a été dimensionnée au départ pour un nombre restreint de missions et il faut dire, très honnêtement, que ses missions se sont accrues année après année. Nous avons la chance qu'aucun moyen n'ait jamais été repris à la HAS. Nous avons obtenu quelques postes pour la mise en place de l'accès précoce mais je ne vous cacherai pas que, les missions s'accumulant – toutes de belles et utiles missions –, les salariés de la HAS trouvent qu'ils travaillent beaucoup. N'est-ce pas le propre de tout le secteur public ? Je ne sais pas.

En ce qui concerne les vaccins et la confiance de nos concitoyens en nos institutions, la crise a montré une qualité de débat scientifique discutable, disons, ce qui n'a pas contribué à cette confiance. Je crois aussi que l'information passe maintenant principalement par les réseaux sociaux et qu'il n'est pas si simple de lutter contre cette information ou désinformation sur les réseaux sociaux. Nous avons fait ce que nous avons pu, avec le dimensionnement que nous avions. Notre service presse n'est pas énorme ; en dehors des crises, il suffit à nos missions. Nous avons essayé, à chaque fois que nous rendions un avis important, d'organiser une conférence de presse pour les journalistes afin de leur expliquer les motivations de cet avis, de façon que tous les Français puissent comprendre quelles étaient la substance et la logique de ces avis. Nous avons jugé que c'était le meilleur moyen d'être crédibles et fiables. Je dois dire que ces conférences de presse attiraient souvent 80 à 100 journalistes. Ils étaient avides de comprendre.

Nous avons aussi réalisé un gros travail souterrain de pédagogie auprès des journalistes. Les salariés de la HAS ont animé des séances de travail pour expliquer aux journalistes ce qu'était un test, un test virologique, un test sérologique, pour expliquer les différentes techniques, pourquoi certains étaient fiables et d'autres non... Je crois qu'être aussi pédagogue que possible est la seule façon de faire progresser cette écoute de nos avis. Je crois que la légitimité des avis de la HAS provient aussi de ses méthodes de travail. Même quand il faut faire vite, nous mettons tout le monde autour de la table pour avoir des avis multidisciplinaires, issus de plusieurs horizons, tout en étant transparents et en nous appuyant sur la science. C'est à mon avis ce qui fait la légitimité d'une institution scientifique.

S'agissant de la prise en charge de nos aînés, nous sommes tous convaincus de l'importance de la prise en charge ambulatoire. J'ai cité des recommandations que nous avions émises, par exemple un guide à destination des professionnels des services d'aide à domicile sur l'accompagnement des personnes atteintes de maladies neurodégénératives. Je crois que ce champ de travail est extrêmement important et qu'il nous appartient d'accompagner sur les recommandations et la qualité.

En ce qui concerne les établissements recueillant nos aînés – EHPAD – et comme pour ceux recueillant des personnes en situation de handicap, nous travaillons énormément actuellement à la mise en place d'un dispositif d'évaluation externe totalement refondé, sur un référentiel coconstruit avec les usagers et les professionnels de ce secteur. Nous espérons que des supports législatifs nous permettront de déployer cette évaluation qui sera à mon avis un facteur d'amélioration de la qualité dans ces établissements.

Mme Valentin m'interrogeait sur la pertinence de la vaccination et le suivi de nos recommandations par le Gouvernement. Je dois dire que, sur l'ensemble des très nombreux avis qu'a sollicités le ministère auprès de la HAS, la très grande majorité a été suivie, souvent tout de suite, parfois un peu en décalé. Il a été assez rare que nous ne soyons pas suivis.

Le problème de la valeur de l'expertise scientifique, en particulier en temps de crise mais pas seulement en temps de crise, est un véritable sujet. Ce sera d'ailleurs le thème de notre colloque du mois de novembre. Nous faisons en effet tous les ans – sauf l'année dernière – un colloque, que nous consacrons cette année à l'expertise scientifique et à tous les problèmes associés. C'est un sujet qui nous tient à cœur et ouvre actuellement de nombreuses questions, sur lequel il faut qu'une réflexion collective s'enclenche pour contrer la défiance qui peut s'installer.

Quels sont les outils de sortie de cette crise ? Nous n'attendons pas de traitement miracle qui réglerait tous les soucis. Je crois que les outils sont multiples. Je pense que nous ne sommes pas encore près d'abandonner les mesures barrières ; cela fait partie de l'arsenal, comme les vaccins évidemment. Aujourd'hui, vous voyez que les États-Unis enregistrent encore de très nombreux morts et 90 % de ces morts n'étaient pas vaccinés. Je pense qu'il est extrêmement important de convaincre de cette vaccination.

De nouveaux traitements arrivent. L'ANSM avait déjà donné un certain nombre d'ATU et nous voyons arriver en accès précoce des combinaisons d'anticorps. Nous aurons bientôt des antiviraux. Il existe donc des traitements, non seulement pour essayer en curatif d'éviter les formes sévères mais même en préventif, que ce soit après une exposition pour des patients immunodéprimés qui n'arrivent pas à produire leurs propres anticorps même après des rappels de vaccin ou même en préexposition avec des traitements chroniques pour les protéger du virus.

Le dispositif d'accès précoce est tout à fait adapté à cette situation et nous avons, la dernière fois, répondu en un mois à peu près donc très rapidement. Les patients ont très vite eu accès à ces anticorps. Pour l'instant, la question du prix ne se pose pas puisque personne ne nous a limités. Nous avons déjà autorisé des nouveaux traitements début août et seule l'efficacité a été prise en compte, pas le prix. Les accès précoces sont des paris que nous sommes prêts à prendre pour les personnes qu'il faut absolument protéger.

Les rappels concernent aujourd'hui toutes les personnes qui sont à risque de forme sévère. Nous avons en effet constaté deux phénomènes concomitants, l'arrivée du variant Delta, sur lequel les vaccins sont un peu moins efficaces, et une diminution des anticorps neutralisants, surtout à partir de six mois ; il est difficile de faire la part de chacun. Du fait de ces deux phénomènes, nous pouvions à nouveau voir surgir des formes sévères chez les patients à risque. Ces personnes – de plus de 65 ans ou à risque quel que soit leur âge – ont donc accès à une troisième dose de vaccin.

Nous répondrons prochainement à la question de savoir quand les soignants devront être revaccinés. Pour la population générale, c'est l'EMA qui analyse le rapport bénéfice/risque et vérifie qu'il n'existe pas d'alerte de risque sur les vaccins avant que nous les positionnions dans la stratégie après son avis. Pour le moment, il nous semble que la population générale, en excluant les personnes à risque de forme sévère, est encore bien protégée par ses deux premières doses de vaccin. Il faudra des rappels mais nous attendons le moment adéquat pour le faire, avec des données sur l'efficacité et sur la tolérance. Les deux sont très importants.

Ces données arriveront. Certains pays nous ont devancés, comme les États-Unis ou Israël, et nous arrivons donc à avoir des données en vie réelle sur ces vaccins, ce qui nous a permis d'aller beaucoup plus vite et de donner des avis en anticipation.

Tout ce qui concerne la prévention constitue des sujets majeurs, dont la prévention primaire évidemment. Nos travaux sur l'éducation physique adaptée ont été cités. Nous poursuivons nos travaux sur ce sujet avec, d'abord, des travaux généraux sur l'éducation physique mais également des études pathologie par pathologie pour savoir ce qui est le mieux adapté pour chaque type de patient.

Ces sujets, qui ne se réduisent pas à l'activité physique, nous préoccupent beaucoup mais nous nous intéressons aussi à la prévention secondaire. Nous avons entamé un travail de recommandations sur la prise en charge du risque cardiovasculaire dans son ensemble et non, comme jusqu'à présent, de façon morcelée en séparant l'hypertension, le cholestérol... Les patients ont en général plusieurs facteurs de risque ; leur prise en charge globale est un sujet qui nous préoccupe beaucoup.

S'agissant du sommeil, je ne crois pas que nous ayons réalisé des travaux spécifiques sur le sommeil durant En revanche, pour ce qui est de la consommation d'anxiolytiques, nous avons de nombreux travaux, dont des fiches de bon usage des anxiolytiques. C'est un vrai souci de santé publique en France. Nous travaillons également beaucoup, de façon plus générale, sur la déprescription, qui n'est pas si facile, ni pour les médecins ni pour les patients.

Parmi les questions sur le rappel vaccinal, il m'a été demandé si nous travaillons avec nos collègues européens. Oui, nous sommes en contact régulier avec les autres agences européennes, sur ce sujet comme sur beaucoup d'autres.

En ce qui concerne les traitements, je crois qu'il faut dire honnêtement que nous avons des traitements en accès précoce qui sont encore en évaluation mais qui, aujourd'hui, n'ont pas l'efficacité de la prévention qu'apportent les vaccins. Il faut vraiment convaincre tous nos concitoyens que c'est actuellement la meilleure protection, même s'il commence à apparaître des anticorps et des combinaisons d'anticorps dont nous espérons qu'ils diminuent les formes sévères. Le meilleur moyen est encore de ne pas se retrouver à l'hôpital.

Quant à notre approche de l'outre-mer, il n'y a pour nous pas d'outre-mer mais des services de soins français. Ce sont tous les mêmes et ils méritent tous la même qualité de soin.

M. Martin nous parle des pénuries de médicaments. Nous ne pouvons en effet que regretter ces pénuries mais la HAS n'a aucune mission dans ce domaine, sauf parfois pour établir un peu en urgence des recommandations de substitution. En revanche, les pénuries elles‑mêmes ne sont pas des sujets que nous traitons.

Sur le covid long, nous avons très vite, dès l'hiver dernier, sorti de premiers travaux sous forme de ce que nous appelons des « réponses rapides ». Ce sont des recommandations préliminaires – puisqu'il n'existe pas encore de travaux scientifiques très consolidés – sur la description des différents symptômes possibles et leur prise en charge optimale par le corps médical. Nous avons tenté de diffuser ces recommandations au maximum, en particulier auprès des généralistes qui voient ces patients. Des consultations dédiées apparaissent maintenant dans un certain nombre d'établissements. Nous sortirons, d'ici quinze jours ou trois semaines, un nouveau travail qui prolonge le premier en mettant à jour toutes les données scientifiques avec des études sur les mécanismes du covid long qui peuvent être variables – persistance du virus, phénomènes inflammatoires, réponse immunitaire inadaptée – et les traitements ne seront pas forcément les mêmes selon les causes. Contrairement à la maladie de Lyme, la recherche dans ce domaine avance dans le bon sens, en essayant de prendre en charge et de comprendre pour trouver les bonnes solutions.

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