Depuis un peu plus d'un an que je suis au Gouvernement, j'ai toujours veillé à travailler en lien étroit avec les parlementaires. Cette audition me donne l'occasion d'évoquer mon action au service de l'insertion et de vous présenter les résultats obtenus dans ce domaine.
En choisissant de nommer une ministre déléguée chargée de l'insertion auprès de la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion, le Président de la République et le Premier ministre ont voulu montrer que la lutte contre la précarité et l'installation dans la pauvreté passait avant tout par l'activité et l'accès à l'emploi.
Les politiques d'insertion constituent un large ensemble de politiques publiques à forte utilité sociale qui, de façon très concrète, donnent aux personnes les plus fragiles les moyens de trouver le chemin de l'emploi et la possibilité de jouer un rôle dans la société. Mon portefeuille traduit notre volonté collective de rendre réelle l'égalité des chances, partout sur le territoire, quels que soient le profil, l'histoire et les compétences de chacun.
Les politiques d'insertion étant en grande partie décentralisées, le Président de la République et le Premier ministre ont choisi de nommer une élue locale à la tête de ce ministère. En tant que présidente du conseil départemental du Haut-Rhin, j'ai en effet piloté moi-même les politiques d'insertion de mon département, et j'en ai conservé le souci de bâtir des politiques réellement applicables sur le terrain. Ainsi, pendant la crise sanitaire qui, au printemps 2020, a touché l'Alsace en premier lieu et de plein fouet, j'ai appréhendé de façon très concrète les difficultés rencontrées par les directeurs d'établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) de mon département. Une fois ministre, j'ai eu l'idée de monter une opération consistant à faire intervenir les personnels des associations intermédiaires (AI) pour soulager les EHPAD dans l'accomplissement de leurs fonctions supports comme le portage de repas ou l'accueil des familles. Tout le monde y a gagné.
Durant les quinze derniers mois, notre priorité a été de permettre à tous ceux qui en ont besoin de trouver leur place dans un parcours d'insertion. Mon arrivée au ministère a été marquée par une première expérience parlementaire, à savoir l'examen de la proposition de loi de Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas relative au renforcement de l'inclusion dans l'emploi par l'activité économique et à l'expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée ». Le vote de ce texte a permis de nombreuses avancées concrètes pour le secteur de l'insertion par l'activité économique (IAE), que vous pouvez d'ailleurs constater dans vos circonscriptions. Je pense par exemple à la suppression de l'agrément Pôle emploi, très attendue, qui constitue une véritable simplification. Je pourrais également citer l'instauration du contrat à durée indéterminée (CDI) inclusion pour les seniors, qui soustrait ces derniers à la précarité d'un contrat à durée déterminée (CDD) – nous savons malheureusement qu'à partir d'un certain âge, il devient difficile de signer un CDI –, ou encore l'expérimentation du contrat passerelle.
Le secteur de l'IAE a montré qu'il pouvait remettre le pied à l'étrier aux personnes qui en avaient besoin : nous avons donc choisi très tôt de le soutenir fortement, par une politique d'investissements massifs pour développer l'emploi. C'est tout le sens du plan de relance pour l'inclusion que nous avons bâti dès le mois d'août 2020, dans la lignée de l'ambition fixée par le Président de la République en 2018 et confortée par le pacte d'ambition pour l'IAE de 2019. Doté de près de 500 millions d'euros en 2020 et 2021, ce plan en faveur de l'IAE et des entreprises adaptées (EA) comportait deux volets très complémentaires : d'une part, des aides d'urgence, à hauteur de 134 millions d'euros, qui visaient à compenser les surcoûts liés à la crise et ont permis à plus de 95 % des structures de l'IAE de poursuivre leur activité ; d'autre part, des aides à la transformation et au développement des structures du secteur. À la fin de l'année 2020, nous avions financé 3 500 projets inclusifs, qui ont permis de créer 45 000 emplois nouveaux. Face à des résultats aussi encourageants, nous avons décidé en avril dernier d'investir 162,5 millions d'euros supplémentaires en faveur des entreprises inclusives. Parce que l'accès à la mobilité est aussi un critère déterminant pour accéder à l'emploi ou à une formation, nous avons consacré une ligne spécifique au développement de solutions de mobilité solidaire. Avec le plan de relance pour l'inclusion, c'est bien l'emploi que nous soutenons. Nous avons ainsi réuni les conditions pour passer de 180 000 emplois inclusifs en 2020 à 290 000 à la fin de l'année 2022.
Notre méthode est claire : nous mettons avant tout l'accent sur ce qui fonctionne déjà, en le modernisant, en le simplifiant et en le développant au service des filières porteuses d'avenir et des métiers en tension de recrutement. Cela est d'autant plus important que les entreprises inclusives apportent une véritable valeur ajoutée, tant sociale qu'économique, que je vous invite d'ailleurs à faire découvrir dans vos circonscriptions.
La loi du 14 décembre 2020 a aussi étendu l'expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée » à soixante territoires pour une durée de cinq ans. Je réitère ici mes remerciements aux deux chambres du Parlement, à l'Assemblée des départements de France, à Louis Gallois et à Laurent Grandguillaume pour le travail de qualité que nous avons mené ensemble. Le Gouvernement a tenu ses engagements : l'arrêté fixant le cahier des charges de l'expérimentation a été publié le 7 juin dernier, ce qui a permis aux territoires de préparer leur dossier de candidature en toute connaissance des critères. Le décret en Conseil d'État, lui aussi très attendu, a été publié le 1er juillet dernier, et le décret complémentaire devrait être publié d'ici à la fin de ce mois. Nous nous réjouissons donc de l'engagement prochain de cette expérimentation.
Au-delà d'une augmentation du nombre de places, nous avons souhaité améliorer la qualité des parcours en transformant les logiques d'accompagnement sur le terrain. Dès mon entrée au Gouvernement, j'ai constaté à quel point les personnes les plus éloignées de l'emploi étaient confrontées à un parcours du combattant. Malgré la très forte mobilisation des acteurs et le grand nombre de dispositifs d'accompagnement existants, j'ai déploré un manque de lisibilité de ces derniers pour nos concitoyens, voire pour les professionnels eux-mêmes. Ainsi, selon une enquête que j'ai commandée en 2021, 60 % des professionnels passent plus de 30 minutes par jour à chercher des informations sur les personnes. Pire encore, 25 % des usagers perdent deux mois, dans leur parcours, à cause d'un défaut de partage d'informations entre professionnels. Cela mène, dans 15 % des cas, à un décrochage pur et simple des personnes accompagnées.
Face à ces constats et pour répondre aux recommandations issues de la concertation nationale, nous mettons en place le service public de l'insertion et de l'emploi (SPIE) dans les territoires volontaires. Quatorze territoires ont mené une expérimentation en 2020, et nous en avons sélectionné trente et un supplémentaires au printemps 2021. Je me réjouis qu'une nouvelle étape ait été franchie en juillet dernier, quand nous avons annoncé, avec Olivier Véran et Élisabeth Borne, la publication du second appel à manifestation d'intérêt, qui sera clos le 11 octobre prochain et doit permettre le déploiement du SPIE dans trente-cinq nouveaux territoires d'ici à la fin de cette année. Ainsi, courant 2022, le SPIE existera dans quatre-vingts territoires.
Le succès du premier appel à candidatures a montré à quel point cette démarche innovante d'accompagnement, fondée sur un partenariat resserré entre l'État, les départements et l'ensemble des acteurs de l'insertion et de l'emploi, était attendue. Si le SPIE est plébiscité, c'est justement parce qu'il n'est pas une structure ou un dispositif de plus : il s'agit plutôt d'une méthode, d'une solution pour décloisonner les politiques publiques. Fondé sur le principe du « dites-le nous une fois », il a vocation à s'adapter aux territoires en partant du terrain, et non à s'appliquer de manière uniforme, faisant fi des situations locales. Si le SPIE est très attendu, c'est aussi parce qu'il apporte la garantie d'un parcours « sans couture », d'un accompagnement personnalisé, rapide et global vers l'emploi grâce à la coordination de l'ensemble des acteurs de l'insertion sociale et professionnelle sur le terrain. Il faut pouvoir proposer aux personnes accompagnées, rapidement et au bon moment, une solution en matière d'emploi, de formation, de logement, de mobilité ou de garde d'enfants.
J'aimerais insister sur ce qui fait la force des politiques d'insertion pour nos concitoyens : elles permettent à chacun de trouver une solution concrète et de jouer son propre rôle dans la société. Quel que soit le parcours de la personne accompagnée, il existe, dans l'offre d'insertion, une solution qui lui permettra de retrouver une activité et les liens sociaux qui l'accompagnent.
Je pense par exemple aux personnes détenues, pour lesquelles je me suis engagée, aux côtés du garde des sceaux, à développer les structures d'insertion en milieu pénitentiaire et à créer les premières EA qui accueilleront les détenus en situation de handicap. Nous voulons multiplier par deux le nombre de structures d'insertion par l'activité économique (SIAE) en prison, qui étaient au nombre de neuf il y a un an, en créant dix EA d'ici à la fin de l'année. Il s'agit d'anticiper au mieux la sortie des détenus et de permettre leur retour, hors les murs, à une vie sociale et professionnelle réussie. Ce faisant, nous lutterons aussi contre la récidive. De tels projets sont par nature complexes, mais je me réjouis de pouvoir vous dire que les objectifs sont déjà atteints, voire dépassés. Vingt-trois projets de SIAE sont engagés – contre neuf attendus –, treize établissements pénitentiaires sont volontaires pour accueillir une EA et sept projets d'EA sont concrètement engagés.
Je tiens également à vous parler de l'épreuve endurée au quotidien par les 2 500 000 personnes illettrées dans notre pays, dont plus de la moitié travaillent – elles représentent 7 % de la main-d'œuvre en France. Permettez-moi d'ailleurs de saluer l'action du groupe d'études « Illettrisme et illectronisme » de votre assemblée, présidé par Béatrice Piron. Dès ma nomination comme ministre déléguée chargée de l'insertion, j'ai donné une feuille de route à l'Agence nationale de lutte contre l'illettrisme (ANLCI), placée sous la tutelle de mon ministère depuis 2020 et dotée d'un budget pérenne. Conformément à cette feuille de route, le conseil d'administration de l'agence a été élargi aux opérateurs de compétences et aux associations de collectivités locales. De plus, l'ANLCI est désormais dotée de dix-huit correspondants régionaux à temps complet, en grande partie financés par le ministère du travail, de l'emploi et de l'insertion, chargés d'accompagner les entreprises et les associations dans la détection de l'illettrisme, partout en France, y compris dans les outre-mer. Des outils nouveaux ont été mis à la disposition des entreprises, des personnes illettrées elles-mêmes et de ceux qui les accompagnent : par exemple, l'outil numérique Evagill, gratuit et disponible en ligne, permet à toute entreprise de repérer les situations d'illettrisme en son sein et de commencer une remédiation. J'ai également fixé l'objectif qu'aucune personne en insertion ne sorte d'un parcours en situation d'illettrisme ; aussi, chaque opérateur de compétences a signé une convention spécifique sur ce sujet afin de mobiliser des financements. Parce que les freins vers l'emploi sont multiples, les réponses que nous apportons doivent refléter la variété des situations et des attentes de nos concitoyens.
Le sport est aussi un formidable vecteur d'insertion professionnelle. Avec Mme la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion et M. le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports, nous avons élaboré un plan d'actions visant à favoriser l'insertion professionnelle par le sport. Ce dernier joue non seulement un rôle d'employeur, puisque la filière représente plus de 250 000 emplois dans notre pays, mais aussi un rôle de formateur, car la pratique sportive enseigne les valeurs de courage, d'esprit d'équipe, de volonté et de respect de l'autre – autant de valeurs précieuses et très recherchées par les employeurs. Il joue enfin un rôle de conseil auprès des jeunes, puisque l'éducateur sportif se retrouve souvent en position de conseiller avisé.
Le Gouvernement soutient déjà plusieurs dispositifs dans le cadre du plan d'investissement dans les compétences (PIC) et du plan de relance. Nous comptons encore les amplifier en nous appuyant notamment sur ces grands événements à venir que sont la coupe du monde de rugby, en 2023, et les Jeux olympiques et paralympiques, en 2024.
Je n'ai bien évidemment pas cité l'ensemble des solutions proposées mais j'ai tenu à montrer combien l'insertion peut changer concrètement la vie.
Face à une crise d'une ampleur inédite, je suis persuadée que les politiques d'insertion sont aussi efficaces que pertinentes et qu'elles le resteront durablement. Toutes les solutions que je vous ai présentées doivent jouer pleinement leur rôle dans la relance de notre économie, laquelle doit être la plus inclusive possible.
Je tiens à saluer le travail sur les clauses sociales mené par les deux chambres dans le cadre du projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets. En effet, l'État et les collectivités, à travers la commande publique, doivent prendre toute leur part dans ce domaine en développant des stratégies d'achat inclusives, dans un délai raisonnable de cinq ans après la promulgation de la loi, comme en dispose l'article 35 du texte.
Nous veillons à ce que le réflexe « inclusion » s'inscrive dans la durée. Tel est le cas dans de nombreuses entreprises que je visite ; si nous parvenons à le rendre plus habituel encore, nous aurons remporté une grande victoire.