Intervention de élisabeth Borne

Réunion du mardi 26 octobre 2021 à 18h00
Commission des affaires sociales

élisabeth Borne, ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion :

Il y a un an, le budget de mon ministère était déjà d'une ampleur exceptionnelle, à la hauteur de la crise qui s'abattait sur le pays. Les montants considérables que vous avez votés ont été employés utilement.

La conjoncture économique prouve l'efficacité du plan de relance que nous avons mis en place : notre économie connaît depuis la rentrée une reprise vigoureuse qui montre que nos choix ont été les bons.

La France a connu au troisième trimestre 2021 2,5 millions d'embauches en contrat à durée déterminée (CDD) de plus d'un mois et, pour moitié, en contrat à durée indéterminée (CDI) : c'est un record historique, puisqu'un tel niveau n'avait plus été atteint depuis vingt et un ans. L'emploi est désormais supérieur à ce qu'il était en 2019. Le chômage est d'ores et déjà revenu à son niveau d'avant la crise sanitaire et devrait même, selon les projections de l'INSEE, retrouver le niveau d'avant la crise de 2008-2009 dès le troisième trimestre.

Depuis le début du quinquennat, nous avons tout fait pour encourager le travail : c'est le sens de la réforme de l'assurance-chômage dont le dernier volet est entré en vigueur le 1er octobre dernier.

Nous avons eu raison de faire le choix de la protection des emplois et de l'adaptation des compétences. Le « quoi qu'il en coûte » était une politique responsable, la seule qui pouvait nous épargner une hausse massive du chômage telle que nous l'avions connue après la crise de 2008-2009. Je salue d'ailleurs l'engagement des agents du ministère et de ses opérateurs fortement mobilisés depuis un an et demi.

Notre budget pour 2022 entend conforter la reprise et investir dans les compétences nécessaires à l'avenir du pays.

Il poursuit plusieurs objectifs : accompagner le redémarrage de l'économie en répondant aux difficultés propres à chaque secteur, donner une place à chacun sur le marché du travail pour que la relance soit vraiment inclusive et préparer les compétences de demain pour conforter la place de la France dans l'économie mondiale.

Il a un fil rouge : permettre à chacun de s'émanciper par son travail en se formant à chaque étape de sa vie.

Au total, 16,6 milliards d'euros sont consacrés aux politiques de l'emploi et de la formation. Ces crédits sont répartis entre un budget socle de 13,4 milliards d'euros qui pérennise l'augmentation de l'année passée, et un budget relance de 2,7 milliards d'euros pour poursuivre ce nouvel élan. Nous disposons en complément de 500 millions d'euros supplémentaires pour financer l'effort de relance au titre de nos actions socle.

Tout d'abord, le budget 2022 met fin au « quoi qu'il en coûte » au profit de dispositifs sur mesure visant à accompagner des secteurs durablement fragilisés.

L'activité partielle aura été un véritable amortisseur de la crise. Elle a pris intégralement en charge le coût pour l'entreprise, entre les mois de mars et de juin 2021, avec près de neuf millions de salariés protégés au plus fort de la crise. Au total, ce sont près de 35 milliards d'euros qui ont été mobilisés. Nous n'avons cessé d'adapter cet outil à toutes les situations concrètes auxquelles notre pays a dû faire face.

L'activité partielle a ainsi pris en compte les secteurs les plus impactés tels que le tourisme, la culture, le transport aérien, les hôtels cafés-restaurants, les territoires les plus touchés, notamment lorsque des confinements géographiques ont été mis en place, et même certaines fermetures spécifiques telles que les stations de montagne.

Au fur et à mesure, la prise en charge a évolué en se recentrant sur l'activité partielle de longue durée pour accompagner les secteurs qui peinent à redémarrer. Grâce à la reprise, seuls 480 000 salariés avaient encore besoin d'être protégés en août 2021, pour un coût de 250 millions d'euros.

La baisse des dépenses d'activité partielle en 2021, puis dans le budget 2022, montre clairement que la reprise a profité à tous les secteurs. Elle est particulièrement marquée dans l'hébergement, la restauration, les transports et la fabrication de produits industriels. Jusqu'à fin décembre, les secteurs les plus touchés resteront pris en charge intégralement, notamment en cas de fermeture ou de baisse de plus de 80 % de leur chiffre d'affaires.

Le projet de loi de finances pour 2022 prolonge notre ambition pour la jeunesse en capitalisant sur le succès du plan « 1 jeune, 1 solution ». Avec 9 milliards d'euros déployés en 2020 et en 2021, il a indéniablement porté ses fruits : le taux d'emploi des jeunes est revenu à son niveau d'avant-crise, et les embauches connaissent un point haut depuis le mois de mai.

Surtout, plus de trois millions de jeunes ont trouvé leur solution : un emploi, un apprentissage, une formation ou un parcours d'insertion. En 2022, nous souhaitons poursuivre cette mobilisation pour l'emploi des jeunes. Le PLF consacre ainsi plus de 4 milliards d'euros à la poursuite des dispositifs du même plan, que ce soit au titre de l'accompagnement vers l'emploi, des formations qualifiantes ou des aides à l'alternance.

Malgré ces bons résultats, chacun peut constater que l'accès au premier emploi reste pour trop de jeunes un véritable parcours du combattant. Des centaines de milliers de jeunes éloignés de l'emploi ne seront en outre pas capables de retrouver un emploi sans accompagnement intensif.

Aujourd'hui, alors que la situation économique s'améliore, nous devons mener une politique d'accompagnement de qualité et bâtir un accompagnement personnalisé qui mobilise les dispositifs qui ont fait leurs preuves, le tout assorti d'une allocation pour celles et ceux qui en ont besoin. Il s'agira d'un contrat d'engagement exigeant, reposant sur des engagements réciproques, avec l'objectif d'encourager l'insertion professionnelle des jeunes dans les entreprises et l'activité.

Nous devons par ailleurs redoubler d'efforts pour aller vers les jeunes très éloignés de l'emploi qui ont le plus besoin d'être accompagnés : ils connaissent parfois des problèmes de santé ou d'accès au logement.

Les contours de cette réforme, esquissés dans l'allocution du Président de la République du 12 juillet dernier, sont en cours de finalisation. Notre projet est de bâtir une société qui encourage l'émancipation et facilite l'accès à l'autonomie grâce au travail.

Plus largement, ce PLF renforce tous les dispositifs d'insertion destinés aux publics les plus vulnérables. Avec Brigitte Klinkert, nous sommes pleinement engagées pour faire de l'insertion un levier de cohésion sociale et territoriale.

Le projet de loi de finances doit permettre d'atteindre les objectifs ambitieux de la stratégie nationale de lutte contre la pauvreté fixés en 2018 par le Président de la République. Les structures d'insertion par l'activité économique bénéficieront ainsi de 1,3 milliard d'euros, soit une augmentation de 150 millions d'euros par rapport à 2021. Ces nouveaux moyens doivent permettre d'accompagner 240 000 personnes en 2022. Les entreprises adaptées recevront quant à elles 425 millions d'euros d'aides au poste. L'objectif est d'accompagner 50 000 personnes en situation de handicap en 2022.

Par ailleurs, nous finançons l'élargissement de l'expérimentation « Territoires zéro chômeur » (TZC) telle que prévue par la loi du 14 décembre 2020. Un budget de plus de 33 millions d'euros y sera consacré en 2022 après 28 millions d'euros cette année.

Enfin, pour répondre à la question de l'emploi dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV), un nouveau budget de 387 millions d'euros permettra la montée en charge des emplois francs dédiés aux demandeurs d'emploi de ces quartiers.

En parallèle, le budget 2022 poursuit des investissements sans précédent dans la formation et les compétences des actifs, qu'ils soient salariés ou demandeurs d'emploi. Ils visent à aider nos entreprises à se préparer à la transformation des métiers sous l'effet des transitions numérique et écologique et à répondre aux tensions actuelles de recrutement.

Tout d'abord, le plan d'investissement dans les compétences (PIC) bénéficiera d'un nouvel engagement de 3 milliards d'euros, ce qui porte le montant global engagé sur l'ensemble du quinquennat à 13,6 milliards d'euros. Cela permettra d'atteindre la cible de deux millions d'entrées en formation financées par le PIC sur l'ensemble du quinquennat. Notre objectif est de rehausser le niveau de qualification des jeunes et des demandeurs d'emploi pour favoriser leur insertion sur le marché du travail.

Le Premier ministre a par ailleurs annoncé le 27 septembre dernier un nouveau plan de 1,4 milliard d'euros visant à réduire les tensions de recrutement dans certains secteurs. Le texte initial n'intègre pas ces annonces. Nous souhaitons agir au plus vite : c'est la raison pour laquelle des crédits seront prévus dès le projet de loi de finances rectificative (PLFR) pour 2021. Ils seront complétés par un amendement au PLF 2022 que le Gouvernement présentera en séance.

Ce plan se décompose en deux volets : 600 millions d'euros pour renforcer la montée en compétences et les reconversions des salariés en finançant 350 000 entrées en formation en 2021-2022, et 800 millions d'euros pour amplifier l'effort de formation des demandeurs d'emploi en ouvrant environ 100 000 places supplémentaires sur la même période.

Avec ce nouveau plan, nous voulons donner aux actifs la maîtrise de leur parcours. D'une part nous facilitons les transitions professionnelles des salariés pour leur permettre de se réorienter vers des métiers porteurs, et d'autre part nous maximisons le recours aux formations en situation de travail pour les demandeurs d'emploi.

Nous incitons aussi fortement les entreprises à embaucher en contrat de professionnalisation les demandeurs d'emploi de longue durée, car si nous avons retrouvé le taux de chômage d'avant-crise, le chômage de longue durée persiste quant à lui à un niveau élevé.

Ce faisant, nous rendons nos entreprises plus compétitives en les dotant des compétences nécessaires aux métiers aujourd'hui en tension et aux emplois qui feront l'économie de demain. Je compte donc beaucoup sur les futurs avenants aux Pactes régionaux d'investissement dans les compétences (PRIC). Nous devons orienter ces crédits vers les formations répondant aux besoins des entreprises ainsi que je l'ai indiqué au dernier congrès de Régions de France.

Enfin, avec ce budget nous nous donnons collectivement les moyens de nos ambitions. Tout d'abord, pour la première fois depuis dix ans, il est prévu une hausse du plafond d'emplois du ministère. Ces nouveaux effectifs viendront notamment renforcer les services déconcentrés dans la mise en œuvre d'un plan de contrôle du recours à l'activité partielle. Ils déploieront également le nouveau réseau des délégués à l'accompagnement des reconversions professionnelles qui auront un rôle de conseil et de soutien au tissu économique local. Ils aideront notamment les chefs d'entreprise à mobiliser les dispositifs destinés à maintenir les salariés dans l'emploi et à conserver les compétences.

Ensuite, l'État assure le bon financement de Pôle emploi pour que l'opérateur ne subisse pas les conséquences des pertes de recettes engendrées par la crise : la subvention socle est complétée par une subvention exceptionnelle de 175 millions d'euros sur la mission Plan de relance. S'y ajoute un nouveau financement européen de 463 millions qui permettra notamment de recruter 1 300 conseillers dédiés à l'accompagnement intensif des jeunes. Enfin, les missions locales verront à nouveau leur budget conforté, à hauteur de 596 millions d'euros au total en 2022. Elles avaient déjà bénéficié d'une enveloppe historique en 2021.

Vous l'aurez compris, nous sommes déterminés à tout faire pour encourager la reprise économique de notre pays, à accompagner la dynamique des embauches et à faire sorte qu'elle bénéficie à tous les Français. C'est en renforçant nos efforts auprès des plus fragiles et en travaillant main dans la main avec les collectivités territoriales, les partenaires sociaux, les branches professionnelles et les entreprises que nous y arriverons.

Ce nouveau budget de relance et d'investissement doit permettre à chacun d'augmenter ses chances de s'insérer et de se maintenir durablement dans l'emploi et à notre pays d'être plus compétitif sur la scène internationale.

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