Alors que la crise liée à la covid-19 a mis en lumière la pauvreté croissante des travailleurs en première ligne, nous sommes appelés à nous prononcer sur les crédits alloués à la politique du travail et de l'emploi, qui sont au cœur des préoccupations des Français. À la lecture du « bleu » budgétaire, nous constatons qu'il est possible de dépenser sans compter et, en même temps, de pratiquer l'injustice sociale tout en affaiblissant les services publics.
De fait, l'augmentation des crédits de la mission Travail et emploi ne permet pas de répondre aux enjeux auxquels sont confrontés nos concitoyens. Si les autorisations d'engagement augmentent de 3 %, vous persévérez néanmoins, de manière coupable, dans la mise en œuvre de votre réforme de l'assurance chômage – adoptée, pour la première fois depuis quarante ans, contre l'avis des partenaires sociaux – tout en nous assurant de votre attachement au dialogue social. Véritable supplice chinois, l'entrée en vigueur progressive de cette réforme continue d'exclure chaque jour davantage de travailleurs précaires, au premier rang desquels les jeunes, de leur droit à une allocation-chômage.
En outre, le décret qui instaure cette réforme prévoit un surcroît de prélèvement d'un point sur le budget de l'Unédic – cette ponction atteindra, en 2022, un cumul de 1,225 milliard d'euros – au bénéfice de Pôle emploi et au détriment des assurés. Ainsi le Gouvernement fait-il payer aux chômeurs eux-mêmes – moins ou pas indemnisés, pour plus d'un million d'entre eux – leur propre accompagnement dans la recherche d'un nouvel emploi alors que, comme tout service public, Pôle emploi devrait être financé par l'impôt.
Or, pendant ce temps, le Gouvernement persévère à se désengager du financement des missions de service public de Pôle emploi. Ainsi, s'agissant des missions de prospection du marché du travail, d'accueil et d'accompagnement des personnes à la recherche d'un emploi, d'une formation ou d'un conseil professionnel, le quinquennat aura en réalité duré quatre ans. En effet, avec un manque à recevoir cumulé de 1,259 milliard d'euros en cinq ans, c'est une année entière de financement des charges de service public qui fait défaut à Pôle emploi au terme de la législature. Le Gouvernement aura donc fait payer trait pour trait aux personnes privées d'emploi son désengagement du financement des missions de service public, en leur faisant les poches, via la ponction opérée sur le budget de l'Unédic.
Tel est le solde de tout compte du quinquennat pour les personnes privées d'emploi. Nous ne vous donnons évidemment pas quitus d'un tel bilan, pas plus que nous ne passons sous silence vos véritables renoncements. Ainsi, derrière la nouvelle promesse faite à la jeunesse d'un revenu d'engagement dont on ne connaît rien et dont nous voyons, chaque semaine, le périmètre se réduire comme peau de chagrin, nous n'oublions pas que vous continuez d'appeler universelle une garantie jeunes qui n'est au mieux accessible qu'à 200 000 jeunes, alors que plus de 600 000 d'entre eux, âgés de 16 à 25 ans, n'ont pas d'emploi et ne suivent ni études ni formation. Alors que la population des jeunes adultes est celle qui a le plus souffert des conséquences économiques et sociales de la crise née de la covid-19, alors que nous les voyons à nouveau grossir les rangs de ceux qui recourent aux banques alimentaires, vous avez refusé toute proposition d'instauration d'un minimum jeunesse, notamment notre proposition d'ouvrir le RSA à 18 ans, ne serait-ce que pour la durée de la crise – deux ans.
C'est pourquoi nous vous proposerons de rendre véritablement universelle la garantie jeunes – seul engagement que vous nous opposez, mais que vous ne tenez pas –, afin que les 600 000 jeunes âgés de 16 à 25 ans dont je parlais à l'instant puissent véritablement en bénéficier. Puisque vous nous avez reproché de ne pas prévoir, dans notre proposition, un accompagnement des bénéficiaires du RSA, je me désole que le service public de l'accompagnement, si souvent annoncé, n'ait pas trouvé le début d'un commencement. Nous reprendrons à notre compte l'avis de janvier dernier dans lequel le Conseil d'orientation des politiques de jeunesse recommande un doublement des moyens dédiés à l'accompagnement dans le cadre de la garantie jeunes, notamment à destination des missions locales. Voilà de quoi donner un tant soit peu de contenu à votre politique en faveur de la jeunesse.
Il va sans dire que les députés socialistes et apparentés ne voteront pas les crédits de la mission Travail et emploi.