La mission Santé est au cœur des préoccupations des Français. Nous sommes donc frappés que vous asséniez un coup de rabot budgétaire à chacun des deux programmes qui la composent.
Le programme 204 comporte les crédits relatifs à la prévention, à la sécurité sanitaire et à l'offre de soins, qui sont, vous en conviendrez, des enjeux majeurs. Or vous les réduisez de plus de 41 millions d'euros, soit une diminution de 16 %. En particulier, les crédits de l'action visant à aider les hôpitaux à se moderniser baisseront de 43 millions, autrement dit de 44 %. Pour justifier une telle décision après les vagues épidémiques que nous avons eu à surmonter avec dignité et courage, vous aurez du mal à trouver les mots.
En parallèle, de nombreuses actions voient leurs crédits stagner, ce qui revient, une fois l'inflation prise en compte, à une baisse de 1,5 %.
Tel est le cas de l'action Santé des populations, qui finance pourtant des actions essentielles pour des publics fragiles, comme les migrants. Des actions de prévention relatives à la santé de la mère et de l'enfant sont également concernées. Elles seront tout aussi essentielles en 2022. Dès lors, pourquoi réduire leurs crédits ?
Cela concerne aussi l'action Prévention des maladies chroniques et qualité de vie des malades, qui comporte des crédits pour la prévention des maladies neurodégénératives, la prévention des cancers et des addictions, comme le tabac et l'alcool, ou encore la santé sexuelle. La baisse des crédits en valeur nette que vous proposez reflète votre manque d'ambition pour des enjeux pourtant cruciaux.
Ensuite, alors que nous sortons tout juste d'une crise sanitaire grave, qui a mis en lumière bien des difficultés de notre système, comment comprendre la baisse en valeur nette des crédits de l'action correspondante ? Si nous avons bien compris que les 4,9 milliards d'euros fléchés dans le PLFSS pour gérer la crise de la covid-19 en 2022 serviront à la fourniture de vaccins et au financement de la prise en charge des tests, où sont les crédits pour reconstituer notre stock de masques ? Plus largement, où sont les crédits pour réarmer notre système de veille sanitaire et son opérateur, Santé publique France ?
Enfin, les crédits de l'action 18 Projets régionaux de santé sont nuls, tant en autorisations d'engagement qu'en crédits de paiements. Or les projets régionaux de santé, qui sont élaborés sous le pilotage de l'agence régionale de santé (ARS) territorialement compétente, sont cruciaux pour la construction d'une offre de soins et de santé, par parcours, qui réponde aux besoins des territoires, pour le développement de la prévention dans notre système de santé et pour la vie de la démocratie sanitaire. Nous sommes preneurs d'une explication concernant l'absence de crédits pour cette action.
Les moyens que vous proposez pour le programme 204 Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins ne témoignent d'aucune stratégie d'envergure pour transformer notre système de santé. Vous n'avez pas de stratégie concernant la prévention et la promotion de la santé, pas plus que pour le développement de la démocratie en santé. Bref, en matière de santé, votre politique est gestionnaire, et elle ne répond pas aux enjeux que la crise a révélés.
Le second programme contient les crédits relatifs à la protection maladie, notamment l'AME. Là, la hausse des crédits dépasse à peine l'inflation – + 2 %, contre 1,5 % pour la hausse des prix en 2022. En outre, vous focalisez votre action sur « [la] mise en œuvre et [le] suivi des mesures de renforcement des contrôles décidées fin 2019 ». Comme l'AME permet de prendre en charge des soins urgents pour les plus défavorisés, ce n'est pas sur la lutte contre la fraude à l'AME qu'il faut se concentrer mais sur le non-recours à ce dispositif et sur les nombreux obstacles administratifs à son accès. Selon une étude, un allocataire potentiel sur deux ne demande pas l'AME. Force est de constater que vous n'annoncez aucune mesure à ce sujet.
Alors que notre système de santé doit prendre un vrai virage, autour de la prévention, de la santé environnementale, de la construction de parcours de soins et de la démocratie sanitaire, et que l'AME doit toucher un public beaucoup plus large, vos réponses à ces enjeux majeurs sont proches du néant dans ce PLF. Voilà un certain nombre de raisons qui nous conduiront à ne pas voter les crédits de la mission Santé.