L'an dernier, j'ai eu l'honneur de rapporter la mission Santé au nom de notre commission, et j'ai alors constaté son caractère assez hétérogène. Cette mission n'agrège en effet qu'une petite partie du financement étatique de la politique de santé publique, et elle a vu son champ rétrécir au fil des années sous l'effet de nombreux transferts à la sécurité sociale. Les derniers en date concernent Santé publique France, que la crise sanitaire a largement mise en lumière, et l'ANSM, en 2019.
Cet éclatement nous empêche d'avoir une vision globale en matière de santé publique, d'offre de soins et de prévention. La mission Santé finance des actions disparates, sans réelle cohérence d'ensemble, comme notre rapporteur pour avis l'a dit à juste titre. Je trouve donc intéressante sa proposition de rattacher les programmes de cette mission à celle intitulée Solidarité, insertion et égalité des chances.
Pour en venir concrètement au budget pour 2022, nous constatons deux tendances qui correspondent à des mouvements contraires dans chacun des programmes de la mission.
S'agissant du programme 204, relatif à la prévention, à la sécurité sanitaire et à l'offre de soins, les crédits seront en légère baisse, une fois neutralisée la dotation d'investissement exceptionnelle de 45 millions d'euros qui a été accordée à l'agence de santé de Wallis-et-Futuna dans le cadre du Ségur de la santé.
Je me réjouis de l'augmentation de la subvention à cette agence, qui sera portée à 49,4 millions d'euros en CP, contre 47,8 millions en 2021. J'avais consacré mon rapport à cette agence très particulière, car financée intégralement par la solidarité nationale, pour des raisons à la fois historiques et liées aux caractéristiques de ce territoire très éloigné de la France hexagonale. Le sous-financement chronique de l'agence n'a pas permis d'améliorer l'accès aux soins des habitants de Wallis et Futuna, qui sont confrontés à des moyens inadaptés et à des bâtiments vétustes. Leur état de santé est plus que préoccupant, les taux de diabète, d'hypertension, de cancers et d'addictions diverses étant très élevés. Il était urgent de renforcer les moyens, alors que la crise sanitaire a accentué l'isolement du territoire, du fait des confinements successifs. Nous appelons à une vigilance redoublée et durable concernant ce territoire, pour que les investissements et les moyens soient pérennes.
Une autre préoccupation s'agissant de ce programme concerne notre politique en matière de santé publique, tout particulièrement dans le domaine de la prévention. Les deux principales agences financées par le programme reçoivent une dotation stable mais souffrent d'un manque d'effectifs pour assurer leurs missions. C'est le cas de l'INCa, qui indique un besoin de 25 équivalents temps plein (ETP) et des difficultés à recruter, mais aussi de l'ANSES. Ces deux agences sont pourtant essentielles en matière prévention et de recherche.
L'an dernier, j'appelais le Gouvernement à faire preuve de plus de volontarisme concernant des problématiques de santé publique reléguées au second rang, comme les maladies vectorielles à tiques. Je réitère cet appel, en particulier pour la maladie de Lyme. Notre rapporteur Pierre Dharréville insiste, lui, sur la lutte contre la pollution de l'air, et je ne peux que le rejoindre. De manière générale, l'État doit se saisir davantage des problématiques liées à la santé environnementale.
L'autre tendance de cette mission budgétaire est la hausse des crédits du programme 183, relatif à la protection maladie, cette hausse étant essentiellement liée à l'AME.
Notre groupe continue de déplorer les mesures prises en 2020 pour limiter l'accès à l'AME et à la protection universelle maladie. Nous n'oublions pas que ces restrictions avaient entraîné une baisse de 15 millions d'euros et que leur entrée en vigueur a eu lieu en pleine crise sanitaire. Le dernier rapport annuel de Médecins du monde sur l'accès aux droits et aux soins a de quoi nous inquiéter quant à la santé et à l'accès aux soins des plus précaires, notamment les personnes migrantes.
Nous continuons d'alerter sur le risque de non-recours à l'AME par des personnes qui y ont droit mais sont découragées par la complexité du dispositif. En période d'épidémie, retarder l'accès aux soins peut être dangereux pour l'ensemble de la société. Garantir un accès effectif est un devoir collectif, éthique et humanitaire.