Intervention de Olivier Véran

Réunion du mercredi 27 octobre 2021 à 15h00
Commission des affaires sociales

Olivier Véran, ministre :

Je voudrais tordre le cou à une idée que je vois monter dans le débat médiatique : un lit de médecine sur cinq serait fermé à l'hôpital. Étonné par ce chiffre, qui ne vient pas de mon ministère, j'ai saisi mes administrations centrales afin de savoir à quoi cela correspond.

S'il y a, comme chaque année à la période automnale, un certain taux d'absentéisme, des départs en vacances, parfois quelques démissions et des difficultés réelles pour maintenir ouvertes toutes les capacités hospitalières, j'aurais tendance à contester le chiffre de 20 %. Parce que j'aime profondément la science et qu'avant de m'exprimer, je fais des vérifications pour ne pas raconter n'importe quoi, j'ai demandé à avoir une étude aussi exhaustive que possible sur les fermetures de lits.

Pour l'instant, le seul chiffre dont je dispose porte sur un échantillon très parcellaire, de seize centres hospitaliers universitaires. Avec tous les biais qui peuvent exister, la dernière donnée qui m'est remontée est que 5 % des lits de médecine sont temporairement fermés – assez loin, donc, de 20 % du parc hospitalier. J'aurai l'occasion de communiquer sur ces chiffres, d'une manière très apaisée. Surtout, je continuerai de proposer toutes les solutions possibles pour permettre aux hôpitaux de fonctionner, même si, après quatre vagues de la pandémie de covid, et alors que l'automne a débuté et que beaucoup de soignants ont dû renoncer cet été à leurs congés et peuvent éventuellement commencer à les prendre, chacun peut comprendre que les tensions en ressources humaines puissent être vives à l'hôpital.

J'invite chacun à rester dans son rôle et à communiquer avec des données les plus précises possible. Je ne veux pas qu'on ajoute de l'anxiété dans le débat alors que l'hôpital tient bon depuis un an et demi – je crois qu'on peut collectivement en être fier.

S'agissant du rapprochement entre le FIVA et l'ONIAM, un rapport de l'IGAS a évoqué son intérêt, ce qui a pu créer un émoi auquel j'ai très vite répondu. J'avais même dit avant la publication du rapport que je n'avais aucun projet de fusion en la matière. Je ne nie pas l'intérêt que cela pourrait avoir mais les conditions ne sont clairement pas réunies. Il n'y aura aucun projet, ni avant-projet, tant que je serai le ministre en charge.

Nous pourrions avoir un débat très long sur la prévention en santé publique. Oui, la pollution de l'air est le premier risque environnemental. On estime que 40 000 morts prématurées par an lui sont imputables dans notre pays, et l'OMS considère aussi que la pollution de l'air est responsable de nombreux décès prématurés. Le coût de l'impact sanitaire est donc élevé. Il existe aussi une évaluation du coût social de la pollution de l'air intérieur : il serait de 19 milliards d'euros par an.

J'avais confié, quand j'ai été nommé, que je voulais prendre cette question à bras‑le‑corps. La crise du covid nous a fait prendre un retard, mais je vous rejoins totalement concernant l'objectif d'une santé publique plus globalisée. Quand une catastrophe se produit dans une usine, qu'on vous parle le lundi de la qualité de l'eau et le mercredi de l'impact sur l'air, cela n'a pas de sens : les Français veulent qu'on leur explique, de façon générale, l'impact sanitaire.

Nous devons être plus performants en matière de formation, d'information, de prévention et d'action dans les territoires. C'est un sujet que nous avons pris à bras‑le‑corps. Je ne vais pas énumérer tous les plans en vigueur et les observatoires qui existent, mais il faut évidemment continuer à le faire. Bien que la France soit très loin d'être à la traîne par rapport aux autres pays en matière de santé environnementale, on ne peut pas considérer que nos processus soient encore tout à fait aboutis.

Le plafond d'emplois des agences est en hausse, et cela faisait longtemps que cela n'avait pas été le cas. Il y a cinq emplois de plus à l'Agence de la biomédecine, cinq autres à l'ANSM et deux à l'ONIAM. Par ailleurs, les renforts de Santé publique France sont en train d'être consolidés, avec au moins 64 ETP supplémentaires.

S'agissant de la lutte contre la désertification médicale, l'efficacité des dépenses fiscales est réelle. Les mesures incitatives fonctionnent. Les ARS reçoivent beaucoup de demandes de jeunes médecins qui souhaitent s'installer : ils regardent quelles sont les conditions proposées, afin d'être correctement rémunérés.

Le dépistage du cancer de la prostate est une question majeure, et l'amendement que Mme Charlotte Parmentier-Lecocq prévoit de déposer en séance publique est intéressant. Ce cancer est le plus fréquent chez les hommes, et la troisième cause de mortalité par cancer. Le dépistage individuel est une pratique fréquente, mais la mise en place d'un dépistage systématique n'est recommandée ni en métropole ni aux Antilles par la Haute Autorité de santé, même pour les personnes à risque élevé. Il en est de même au niveau européen et au niveau de l'OMS. À l'inverse du cancer du sein, les sachants estiment qu'il n'y a pas lieu de proposer un dépistage systématique. Cela ne veut pas dire qu'il faut arrêter de chercher : je suis sûr qu'il faut explorer certaines pistes. Je rappelle en tout cas que notre stratégie décennale traite de la question du cancer de la prostate, notamment de son dépistage.

J'en viens à la question de l'AME.

D'abord, nous avons différé l'application de la réforme de l'AME en raison de la crise sanitaire, pour ne pas bousculer les choses.

L'AME et les soins urgents constituent des dispositifs généreux : et alors ? Ils sont à l'honneur de notre pays et, surtout, réalistes. Une personne malade qui se présente à l'hôpital sera soignée même si elle n'a pas les moyens de payer ses soins, et la facture incombera à l'hôpital. L'AME permet de solvabiliser une demande de soins qui, de toute façon, trouvera une réponse de la part des médecins, d'où que vienne la personne en demande et qu'elle ait des papiers ou non. La non-assistance à personne en danger ne fait pas partie de l'ADN des blouses blanches de notre pays, et ce n'est sûrement pas par l'AME qu'il faut aborder le débat sur l'immigration.

Le Président de la République a néanmoins souhaité que des dispositifs de contrôle soient mis en œuvre afin d'identifier tout mésusage. Parmi ceux qui ont été votés, la centralisation de la gestion dans quatre caisses pivots a permis de faire passer de 10 % à 13 % la proportion de dossiers doubles contrôlés par l'agent comptable – 1,3 % comportait une anomalie...

La CNAM a désormais accès à la base VISABIO pour contrôler d'éventuels visas dissimulés : ce n'est le cas que dans 0,35 % des demandes. Quel raz-de-marée !

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