Intervention de Boris Vallaud

Réunion du mercredi 27 octobre 2021 à 15h00
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBoris Vallaud :

La mission Solidarité, insertion et égalité des chances est particulièrement importante, au regard notamment des effets de la crise économique causée par la covid-19, qui a aggravé la pauvreté. Partout en France, les files d'attente devant les banques alimentaires s'allongent. Le nombre d'allocataires du RSA croît trop vite, l'indice de Gini – qui retrace les inégalités – se dégrade. En outre, votre réforme de l'assurance chômage va réduire les allocations de plus de 15 millions de personnes.

En réponse à cela, aucune stratégie n'est retranscrite dans cette mission. Logiquement, les crédits que vous proposez pour aider les plus fragiles d'entre nous ne sont donc pas à la hauteur. Ils augurent même de graves reculs sociaux pour 2022. J'en prendrai quatre exemples.

Le premier concerne les crédits alloués à l'aide alimentaire. En dépit des files d'attente devant les banques alimentaires qui se grossissent à nouveau de notre jeunesse, vous avez l'audace de proposer une baisse de 12 %, soit 8 millions d'euros, des crédits dédiés à l'aide alimentaire. Après un tel coup de rabot budgétaire, que vont distribuer les épiceries solidaires et les associations de secours à toutes les personnes qui en ont manifestement besoin, alors même que vous refusez nos propositions sur l'extension du RSA aux 18‑25 ans ? Comment les jeunes les plus défavorisés de notre pays vont‑ils se nourrir ?

Mon deuxième exemple concerne la hausse de 1,2 %, soit une baisse de 0,3 % en valeur nette si l'on tient compte de l'inflation, des crédits de l'action 17 Protection et accompagnement des enfants, des jeunes et des familles vulnérables. Cette action finance pourtant la prise en charge des mineurs non accompagnés, les mesures liées aux 1 000 premiers jours de vie, issues du rapport de Boris Cyrulnik, ou encore la stratégie nationale de prévention et de protection de l'enfance 2020‑2022. Ce sont autant de politiques publiques dont vous allez donc réduire les crédits. De plus, le projet de loi relatif à la protection des enfants contient quelques avancées qui vont accroître les exigences des départements en la matière. Dès lors, comment expliquer cet écart entre vos ambitions et la réalité budgétaire dont nous sommes les témoins ?

Mon troisième exemple porte sur les crédits alloués à l'AAH. Certes, ils augmentent de 4 %, mais cela couvre seulement la hausse du nombre des bénéficiaires. Qui plus est, avec un montant moyen de 759 euros, l'allocation restera largement en dessous du seuil de pauvreté. Outre cette stabilisation des crédits qui ne dit pas son nom, vous n'accédez toujours pas à la principale demande des allocataires de l'AAH et des associations qui les représentent, qui a recueilli un large consensus dans les groupes d'opposition, à savoir la dignité. En effet, malgré l'unanimité parmi les oppositions, vous n'ouvrez pas la voie à la déconjugalisation de l'AAH. Vous la remplacez par une réformette du mode de calcul. Vous refusez donc la dignité à des milliers de personnes ; c'est indigne.

Mon quatrième exemple porte sur les crédits pour l'égalité entre les femmes et les hommes, prétendument la grande cause du quinquennat. En réalité, les AE baissent de 2 %, quand bien même les CP augmentent. Cela augure d'une baisse des CP dans les années à venir. Nous saluons les mesures que vous avez prises en la matière, comme l'ouverture vingt-quatre heures sur vingt-quatre du 3919, même si elles sont largement insuffisantes.

Quelle est votre réelle ambition, dès lors que vous baissez les crédits de ce programme de près de 3 % par rapport à 2021 ? Comment allez-vous lutter contre les violences faites aux femmes avec cette diminution des crédits, alors que tous les trois jours une femme décède, victime de son partenaire ou de son ex‑partenaire ? Comment allez-vous lutter contre les inégalités salariales ? Si nous attendons, l'égalité ne sera acquise qu'en 2126. Toutes les femmes, les associations de défense de leurs droits et toute la société française vous le demandent.

Enfin, nous avons une interrogation majeure à propos de l'action 11, qui comporte les crédits relatifs au RSA jeune. Nous n'avons pas trouvé les crédits finançant le revenu d'engagement, ce qui est logique puisque vous avez annoncé vouloir introduire celui‑ci par voie d'amendement. Pouvez-vous cependant nous informer des conditions d'accès à ce nouveau dispositif ? Va-t-il remplacer la garantie jeunes ? Ces questions appellent des réponses précises de la part du Gouvernement ; beaucoup d'organisations non gouvernementales et de syndicats les exigent.

Alors que la crise a creusé les inégalités sociales, que l'inclusion des personnes handicapées ne progresse pas, que votre ambition affichée en matière de protection de l'enfance ne trouve pas de traduction budgétaire, que les inégalités entre les femmes et les hommes sont toujours aussi criantes, vous n'apportez en définitive aucune réponse globale et n'appliquez qu'une logique budgétaire et comptable à des enjeux bien plus complexes. Vous ne serez donc pas surpris que nous votions contre l'adoption des crédits de la mission.

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