Intervention de Didier Martin

Réunion du mardi 16 novembre 2021 à 21h00
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDidier Martin, rapporteur pour avis :

« Si nous sommes ensemble aujourd'hui, ce n'est pas pour ajuster une nouvelle fois les lois de décentralisation aux réalités contemporaines ou pour chercher à expliquer aux Français en quelque sorte que leur vie devrait se plier à nos organisations administratives et institutionnelles (…), c'est bien plutôt pour refonder le rôle de l'État et des collectivités territoriales dans la vie quotidienne des Françaises et des Français et adapter ce rôle aux transitions que notre pays doit affronter. » Ces mots prononcés par le Président de la République lors de la Conférence nationale des territoires en juillet 2017, reflètent fidèlement l'ambition de ce texte et, en particulier, des articles dont l'examen revient à la commission des affaires sociales.

Le projet de loi « 4D », devenu « 3DS » – différenciation, décentralisation, déconcentration et simplification –, est le produit d'une réflexion au long cours, engagée dès le début du quinquennat. Il apporte des réponses aux besoins de proximité et d'efficacité exprimés par les élus et les citoyens. De plus, la crise sanitaire que nous traversons a démontré toute l'utilité de la collaboration entre l'État territorial et les collectivités pour conduire des politiques publiques sanitaires et économiques efficaces. Le présent projet de loi va dans ce sens en permettant de rapprocher les acteurs publics territoriaux des administrations déconcentrées de l'État, de renforcer leurs liens fonctionnels et de faire vivre la démocratie locale en relation avec l'action de l'État.

La commission des affaires sociales s'est vue déléguer par la commission des lois, saisie au fond, l'examen des articles 31 à 38, 57, 57 bis et 78 du projet de loi adopté par le Sénat en première lecture, le 21 juillet 2021. Ces dix-huit articles, issus pour près de la moitié d'initiatives de sénateurs, soucieux d'enrichir un texte déjà dense à son dépôt, touchent à de nombreux sujets liés à la santé et à la cohésion sociale. La commission reprendra sans doute à son compte plusieurs modifications introduites dans le texte au Sénat, mais elle sera nécessairement conduite à s'interroger sur le bien-fondé de certaines évolutions souhaitées par nos collègues sénateurs.

Les articles délégués à la commission des affaires sociales touchent d'abord aux questions de santé. L'article 31, traduisant l'un des engagements pris par le Gouvernement à l'occasion du Ségur de la santé, transforme le conseil de surveillance des agences régionales de santé (ARS) en conseil d'administration, dans le but de faire une plus grande place aux élus locaux dans la conduite des politiques de santé à l'échelon territorial. Cette réforme répond à une réelle attente des élus locaux. Le Sénat a apporté de nombreuses modifications à cet article, bouleversant les équilibres actuels. Je vous proposerai donc de revenir sur plusieurs d'entre elles. Il ne me semble par exemple pas pertinent de confier la présidence du conseil d'administration conjointement au préfet de région et au président du conseil régional ni de charger ce conseil d'administration d'approuver le projet régional de santé.

L'article 32, qui sécurise juridiquement la possibilité pour les collectivités territoriales de soutenir financièrement les programmes d'investissements des établissements de santé publics et privés, revêt une importance capitale. Les auditions d'associations d'élus locaux ont confirmé leur attente très forte en la matière. Le Sénat a souhaité encadrer strictement le dispositif proposé par le Gouvernement car il craignait un possible désengagement de l'État. Cette crainte doit être dissipée : l'État continuera d'exercer sa compétence régalienne dans le domaine de la santé. Cet article n'a d'autre objet que de permettre aux collectivités volontaires de participer au financement des investissements des établissements de santé.

L'article 33 a vocation à renforcer le maillage sanitaire du territoire en permettant aux collectivités gestionnaires de centres de santé de recruter le personnel – professionnels médicaux, auxiliaires médicaux et personnels administratifs – et de l'affecter à l'exercice des missions de ces centres. En consacrant une pratique existante, cet article la clarifie et la sécurise.

L'article 34 précise la compétence détenue par les départements pour promouvoir l'accès aux soins de proximité et gérer l'ouverture de centres de santé et, d'autre part, pour participer à la politique publique de sécurité sanitaire, par l'intermédiaire des laboratoires d'analyses départementaux.

Les articles 57 et 57 bis ont pour objet de favoriser la coopération sanitaire transfrontalière, la crise sanitaire ayant clairement démontré la nécessité de progresser dans ce domaine. Enfin, le Sénat a ajouté cinq articles au volet santé du projet de loi qui, pour l'essentiel, me semblent aller dans le bon sens.

Le deuxième volet de la partie du texte que nous examinons concerne la cohésion sociale et la solidarité. L'article 35 du projet de loi prévoit un dispositif d'expérimentation, pour les départements volontaires, de la recentralisation du revenu de solidarité active (RSA) et du revenu de solidarité outre-mer (RSO). Une telle mesure, qui a déjà été décidée en Guyane, à Mayotte et à La Réunion, répond à une demande formulée par le conseil départemental de Seine-Saint-Denis. Le Premier ministre a répondu favorablement, en octobre 2020, en déclarant que « l'on ne peut pas continuer à faire peser sur le contribuable local une dépense de solidarité nationale ». Une telle expérimentation devrait permettre de soulager significativement les départements les plus en difficulté. Il est indispensable que ce dispositif, également prévu à l'article 12 du projet de loi de finances pour 2022, entre en vigueur au plus vite. C'est pourquoi je proposerai un amendement visant à mettre en cohérence les deux articles et à parfaire la mesure d'expérimentation.

L'article 36 confie au département la compétence de coordination du développement de l'habitat inclusif et d'adaptation du logement au vieillissement de la population. Nous proposons de rétablir la compétence du département sur ce dernier point, tout en reprenant de nombreux ajouts du Sénat relatifs à l'habitat inclusif.

L'article 37 ouvre aux communautés urbaines et aux métropoles la possibilité de créer un centre intercommunal d'action sociale (CIAS) – celle-ci n'est actuellement ouverte qu'aux communautés de communes et aux communautés d'agglomération. Ce dispositif ne bouleverse pas la répartition des compétences au sein du bloc communal et offre des garanties suffisantes aux communes membres de ces établissements.

Enfin, l'article 38 du projet de loi, qui visait à transférer aux départements la compétence de la tutelle des pupilles de l'État, ne nous a pas semblé faire l'unanimité au cours des auditions que nous avons menées. Nous ne proposerons donc pas de rétablir cet article supprimé en commission des affaires sociales par le Sénat.

S'agissant du volet relatif à la cohésion sociale, le Sénat a adopté plusieurs articles additionnels. Parmi ceux-ci, l'article 36 bis A vise à pérenniser l'expérimentation lancée en 2017 et consistant à autoriser les résidences universitaires à louer leurs logements vacants pour de courtes durées à des publics prioritaires. Cela nous paraît particulièrement bienvenu. En revanche, nous reviendrons sur l'article 35 bis portant sur le renforcement des contrôles de la situation des bénéficiaires du RSA par le conseil départemental car il est superfétatoire, contrevient à la volonté de simplifier le parcours des allocataires et contribue à les stigmatiser.

Enfin, l'article 78 permet à chacune des régions d'outre-mer de créer un établissement public industriel et commercial (EPIC) en matière de formation professionnelle afin d'harmoniser le déploiement des organismes publics de formation.

Les articles du projet de loi « 3DS » soumis à notre examen comportent de nombreuses avancées concrètes pour la vie quotidienne de nos concitoyens. Ils préservent aussi un équilibre subtil entre le principe de la reconnaissance de la diversité des territoires et celui du respect du principe d'égalité, si chers à notre pays.

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