Dans ma longue introduction, j'ai décrit ce que nous savons et ce que nous ignorons encore s'agissant du variant omicron et de l'évolution à court terme de la vague épidémique. Celle-ci atteint un sommet. La courbe peut soit se prolonger en plateau, soit prendre le toboggan de la descente. Les incertitudes sont nombreuses ; la charge sanitaire monte, alors que la capacité des hôpitaux est déjà mise à rude épreuve. Tout cela nécessite des échanges dans l'enceinte du Conseil de défense et de sécurité nationale (CDSN), comme nous en avons chaque semaine. Ces discussions pourraient conduire, en fin de semaine, à de nouvelles décisions.
Faut-il, par exemple, raccourcir le délai avant la troisième dose, comme le font certains pays ? Des mesures d'accompagnement doivent-elles être envisagées pour les fêtes de fin d'année ? C'est une question légitime, qui a déjà été posée l'année dernière. Je note qu'un grand nombre de Français et de médias s'en font le relais : beaucoup de gens s'interrogent sur ce qu'ils doivent faire ou ne pas faire pour se protéger et protéger les leurs à l'occasion des fêtes de fin d'année. Cela vaut aussi pour les semaines qui suivront, avec la rentrée scolaire puis les vacances d'hiver.
Ces questions, parfaitement légitimes, sont abordées dans le cadre du CDSN. Les discussions y sont nourries par le Conseil scientifique, qui est composé d'experts médicaux et non médicaux – on y trouve notamment des sociologues. Compte tenu de la situation que j'ai décrite, il ne me semble pas du tout illégitime de réunir le CDSN.
Les incertitudes autour de la menace que représente le variant omicron nécessitent que nous prenions, par anticipation, des mesures pour en empêcher la diffusion. Au Royaume‑Uni et au Danemark, la courbe des contaminations monte en flèche. En France, sur plus de 10 000 séquençages, 170 cas ont été diagnostiqués. Autrement dit, à l'heure où je vous parle, nous avons la maîtrise de cette menace. Nous voulons la conserver dans la durée, ce qui nécessitera peut-être des mesures complémentaires. À ce stade, je ne puis vous en dire davantage.
La Guyane et la Martinique devraient sortir de l'état d'urgence sanitaire, comme prévu, mais la situation reste fragile. Les mesures de gestion sont donc réversibles.
Le nombre de séquençages ne dépend pas du tout du coût de l'opération. Dans le champ sanitaire, le « quoi qu'il en coûte » n'a jamais été remis en question. D'ailleurs, nous séquençons beaucoup, au-delà des recommandations européennes, et notre rythme nous place parmi les meilleurs en Europe. Cela nous permet de rester en alerte. En plus, contrairement à beaucoup de nos voisins qui séquencent un peu plus, nous criblons énormément les virus. Pour mémoire, le criblage donne une image globale du virus, ce qui permet de repérer des anomalies faisant penser à des variants ; le séquençage, quant à lui, établit une cartographie génétique fine. L'intérêt du criblage est que le résultat en est connu en même temps que celui du test PCR, au bout de quelques heures, tandis que le séquençage prend quarante-huit heures. Nous utilisons les deux outils pour suivre en permanence l'évolution de la situation.
Les laboratoires ont effectivement évoqué un booster adapté au variant omicron. La France et l'Europe, à travers la Commission, ont passé des précommandes auprès des différents laboratoires, comme elles l'ont fait depuis le premier jour, de manière à disposer d'une quantité suffisante de vaccins modifiés, si tant est que ce soit nécessaire. Dans cette hypothèse, les livraisons pourraient être effectuées au printemps.
En ce qui concerne les risques de rebond à l'occasion des fêtes, je considère que nous sommes confrontés à plusieurs menaces. D'abord, du fait de la mobilité des populations durant cette période, les contaminations par le variant delta pourraient augmenter : après s'être rassemblés en famille, les gens retourneront au travail. Ensuite, le variant omicron, très contagieux, est en train d'émerger. Les Britanniques considèrent que, dans quelques jours, il sera à l'origine de la majorité des contaminations à Londres. Dès lors qu'il s'installe, il peut très vite gagner du terrain. J'ajoute un troisième risque : la grippe a commencé à se propager. Comme elle n'a presque pas circulé l'an dernier, l'immunité de la population est faible. Plus de 11 millions de Français fragiles ont reçu le vaccin antigrippal, soit 10 % de plus qu'avant la pandémie, mais 10 % de moins que l'année dernière, alors même que nous avons des vaccins en nombre suffisant. J'invite donc les Français, surtout les plus fragiles, à se faire vacciner sans délai contre la grippe. On peut même recevoir ce vaccin en même temps que la troisième dose de vaccin contre le covid – cela a été mon cas ; tout se passe très bien.
Monsieur Viry, vous avez dit qu'il était légitime que nous ayons ces débats, comme je l'avais moi-même indiqué, tout en considérant qu'il ne fallait pas revenir sur ce qui s'était passé. Si, il faut y revenir : je ne comprends pas, pour ma part, que tous les députés Les Républicains aient voté contre la prorogation des mesures à l'issue de ces débats. Pendant plusieurs jours et plusieurs nuits, nous avons averti de la menace épidémique et expliqué qu'il ne fallait pas mettre un terme au passe sanitaire et aux mesures de contrôle le 15 novembre. À l'issue de ces débats, qui me paraissaient décalés au regard de la menace sanitaire, vous avez pris vos responsabilités de parlementaires en votant contre. C'était votre droit, bien entendu, mais vous me permettrez, en tant que ministre, de faire le bilan de ce qui est arrivé depuis, et, en responsabilité, de former le vœu que, si d'autres textes ayant trait à la gestion de la crise sanitaire devaient être adoptés par le Parlement, nous retrouvions l'unité nationale.
Je ferai la même observation à M. Aviragnet, même s'il est parti sans attendre ma réponse. Les débats avaient été à la hauteur, me semble-t-il, et toutes les questions soulevées portaient sur le risque sanitaire. Pourquoi, madame El Aaraje, le député qui s'est exprimé au nom de votre groupe n'a-t-il posé aucun précepte concernant la réduction des risques, en dehors de l'obligation vaccinale ? Pourquoi relancer la polémique sur le nombre de lits dans les hôpitaux, comme s'il était facile de le doubler ? Avez-vous rencontré un seul hospitalier, une seule personne travaillant dans un service d'urgence ou de réanimation prétendant qu'il était possible de former des réanimateurs en un an, ou même en deux ans ? Certainement pas. L'épreuve que la population vit avec courage et solidarité depuis deux ans justifie pleinement que la représentation nationale s'occupe des problèmes de fond, c'est-à-dire des moyens de freiner le virus, mais ce n'est pas le moment d'attaquer le Gouvernement sur ce genre d'aspects de la gestion de crise. En tout cas, c'est mon avis personnel, que je me permets de partager avec vous.
En ce qui concerne les élèves et la rentrée, la modification du protocole scolaire a permis d'éviter 15 000 fermetures de classe. Vingt à trente fois plus d'élèves ont ainsi été maintenus dans le cadre scolaire. La France a toujours sanctuarisé l'éducation. D'autres pays ont fait le choix de laisser les écoles fermées beaucoup plus longtemps – trois fois, quatre fois, parfois même dix fois plus lontemps. Néanmoins, le protocole est voué à être amélioré, dans la mesure où nous innovons systématiquement. Nous travaillons donc d'ores et déjà à l'élaboration d'un nouveau protocole, pour la rentrée ou le courant du mois de janvier, destiné à tenir compte notamment de l'expérience acquise en matière de dépistage itératif.
Oui, monsieur Vigier, il y aura bien un débat au Parlement en février, comme je m'y suis engagé. J'y assisterai.
Vous avez raison, il reste trop de soignants n'ayant pas encore reçu leur dose de rappel. L'obligation vaccinale n'implique pas la troisième dose. En revanche, la menace que représente le variant omicron justifie totalement que les soignants se protègent en recevant une troisième dose. En effet, un soignant qui n'est pas entièrement vacciné est susceptible de tomber malade, car il est exposé ; il peut être placé en quarantaine et donc manquer à l'appel à un moment où on a particulièrement besoin de lui. Je lance donc un appel à se faire vacciner aux soignants n'ayant pas reçu de troisième dose.
Je veux adresser un message aux personnes utilisant de faux passes sanitaires ou faisant croire qu'elles sont vaccinées. Lorsque vous arrivez à l'hôpital en étant malade, il faut le dire tout de suite, car la prise en charge n'est pas la même. Vous avez déjà pris un risque majeur en ne vous faisant pas vacciner ; vous en prenez un autre encore plus important pour vous-même en ne disant pas aux médecins, aux infirmières et à votre entourage que vous n'êtes pas protégé par le vaccin.
Cela dit, je considère que l'urgence est sanitaire, et je souhaite que nous travaillions à un système de repentis, de façon qu'une personne bénéficiant d'un faux document puisse se mettre en règle et que les poursuites soient abandonnées. J'en ai parlé à M. le garde des sceaux. Je n'ai pas d'annonce à faire à ce stade, mais il me semble logique d'aller dans cette direction, car l'urgence est que les gens se vaccinent et soient protégés. Il ne faut pas que le détenteur d'un faux passe sanitaire soit empêché de se faire vacciner et se retrouve en grande fragilité. Il convient de faire preuve d'humanité.
En ce qui concerne le traitement de Pfizer, la France a été parmi les premiers pays à se positionner en faveur d'un traitement par anticorps monoclonaux. Même si la prudence reste de mise, les derniers résultats semblent attester qu'il est très efficace pour ce qui est de réduire le risque de formes graves chez les publics fragiles. J'ai validé une précommande il y a quelques jours. Les premiers arrivages sont attendus pour la seconde partie du mois de janvier, d'abord en quantités contingentées, puis en plus grand nombre, ce qui pourrait être extrêmement utile si nous devions faire face à une vague due au variant omicron.
S'agissant du statut sérologique, vous me demandiez en fait, monsieur Vigier, pourquoi on ne dose pas les anticorps des gens avant de les vacciner. Les scientifiques ne sont pas d'accord sur ce point. La majorité d'entre eux considère que le nombre d'anticorps présents au moment de la prise de sang ne traduit pas la capacité à en produire si l'on est exposé au virus. Je ne saurais vous dire combien d'anticorps sont utilisés en réponse au virus, mais c'est beaucoup plus que ceux dont on dispose de façon résiduelle dans le sang quand on a été vacciné. La vaccination vise à permettre à l'organisme de fabriquer des anticorps en quantité le moment venu. La sérologie n'est pas un facteur permettant de déterminer le niveau de protection.
Le débat sur la vaccination obligatoire est tout à fait légitime. Certains pays autour de nous mettent d'ailleurs en place ce système. À Bruxelles, la semaine dernière, j'ai demandé à ceux de mes homologues qui étaient en train de le faire ce qu'ils en attendaient. Ils m'ont répondu qu'ils souhaitaient atteindre le niveau de couverture vaccinale de la France, soit 90 % environ – seuil que nous avons d'ailleurs dépassé.
En outre, pour faire respecter l'obligation, on procède dans ces pays à des contrôles itératifs dans la rue, assortis d'astreintes financières. Madame El Aaraje, nous partageons vous et moi certaines valeurs ; nous avons même été du même bord politique. Or, parmi les personnes qui ne sont pas vaccinées, une proportion non négligeable dispose de revenus faibles, est éloignée du système de santé et de l'information traditionnelle et vit dans la précarité. Je ne suis pas à l'aise avec le principe consistant à coller des amendes à des personnes touchant les minima sociaux – même si l'on trouve des non-vaccinés dans d'autres catégories de population, bien entendu, et que, parmi les bénéficiaires des minima sociaux, l'immense majorité est vaccinée.
Il est très facile de proclamer l'obligation vaccinale, mais quand on veut passer à l'application pratique, c'est beaucoup plus compliqué. J'ai demandé aux médecins des services de réanimation si le fait de donner une amende à ces personnes les aurait poussées à se faire vacciner ; leur réponse est non.