Le traitement est un sujet important. Pour se battre contre ce virus, je pense qu'il faut avoir un ensemble d'outils. Les vaccins, sur lesquels nous avons beaucoup progressé, sont bien sûr un outil mais il ne faut pas oublier le traitement.
Nous avons beaucoup progressé sur le traitement, notamment chez les patients hospitalisés, ce qui a permis très rapidement, dès l'été 2020, de dire que nous diminuions de moitié la mortalité et le passage en réanimation pour les patients arrivant à l'hôpital grâce à un traitement anti‑inflammatoire. Il est donc important de dire que nous avons progressé même s'il reste beaucoup à faire.
Le traitement chez les patients sévères et les patients hospitalisés comprend notamment le traitement de l'inflammation. La maladie comporte une phase virale et une phase d'inflammation. C'est sur la phase d'inflammation que nous avons d'abord le plus progressé, avec les corticoïdes, les traitements anti‑inflammatoires spécifiques et l'héparinothérapie. Je n'en parlerai pas beaucoup car Jean-François Timsit sera le meilleur intervenant sur ce sujet.
Ensuite, nous avons eu des traitements antiviraux chez les patients hospitalisés. Je dois dire que, pour l'instant, nous n'avons pas beaucoup progressé. Nous avons évalué beaucoup de traitements et nous les avons écartés. Le seul traitement qui a peut-être montré une efficacité est celui par anticorps monoclonaux, uniquement chez des patients dont la sérologie est négative, et c'est devenu compliqué avec l'arrivée des variants. Nous n'avons donc pas beaucoup progressé en termes de traitement antiviral chez le patient hospitalisé.
En revanche, nous avons progressé chez les patients dans les phases précoces de la maladie car il faut prescrire un antiviral rapidement, dans les cinq jours après le début des symptômes. Les progrès proviennent des anticorps monoclonaux et de traitements antiviraux qui arriveront très bientôt.
Des recommandations ont été émises, notamment en France, pour l'accès précoce à ces anticorps monoclonaux mais cela devient difficile avec les variants. Par exemple, le traitement par anticorps monoclonaux regeneron de Roche n'est plus efficace car le variant omicron est résistant à ce traitement. Nous attendons pour ces patients un autre traitement, le sotrovimab de GSK, qui arrivera fin janvier.
Enfin – et c'est extrêmement important – nous avons des traitements en prophylaxie. Malheureusement, une partie de la population, notamment les patients immunodéprimés, a le covid de façon sévère. Une partie d'entre eux ne répond pas au vaccin et ils ont des taux vraiment très élevés de formes graves. Beaucoup de recherches ont été menées pour savoir comment protéger ces patients qui ne répondent pas au vaccin, ce qui a conduit à utiliser des anticorps monoclonaux en prophylaxie, notamment l'evushel précédemment évoqué.
Depuis quinze jours, nous disposons de ce traitement en France. Nous avions des doutes, il faut le dire, et nous avons toujours quelques doutes sur son efficacité sur omicron, mais il semble que cela fonctionne. Nous l'utilisons depuis quinze jours en France – c'est l'un des premiers pays où il est utilisé – chez des patients immunodéprimés.
Où l'ANRS | MIE intervient‑elle dans ce panorama d'ensemble que je ne détaille pas ? Nous avons d'une part un rôle d'expertise et nous travaillons de manière très rapprochée avec les ministères chargés de la santé et de la recherche mais aussi avec la HAS et l'ANSM. Bien sûr, ce n'est pas nous qui décidons mais nous donnons notre expertise via nos experts chercheurs.
D'autre part, nous essayons de coordonner les essais cliniques, ce qui n'a pas beaucoup été fait durant la première année de pandémie, où l'agence n'existait pas, afin que tout le monde ne fasse pas la même chose, afin de réguler et coordonner les financements tout en mettant en place des projets fédérateurs, importants sur le plan scientifique.
Des projets ont été lancés à cette fin à l'échelon national, tels que des essais cliniques ou des études de cohorte. Je citerai par exemple la cohorte Cocoprev de patients traités par anticorps monoclonaux. En effet, lorsqu'un traitement est en accès précoce, nous disposons de très peu de données et il est donc important de l'inclure dans le cadre d'une cohorte pour essayer de l'évaluer. Comme je vous le disais, l'evushel n'est peut-être pas complètement efficace ; il faut regarder ce qu'il se passe et une cohorte est mise en place pour ce faire, pour suivre les patients. Ce travail est mené avec la HAS et l'ANSM, en articulation avec les deux ministères.
Il est aussi utile de mettre en place des essais cliniques, par exemple parce que nous ne savons pas encore si les traitements antiviraux fonctionnent chez les patients hospitalisés d'où l'importance d'impulser ces projets, et ce au niveau européen. Même si cela n'a pas été facile, nous avons donc mis en place deux essais au niveau européen, avec l'Inserm et une dizaine de partenaires européens : le premier s'appelle Discovery et évalue l'anticorps monoclonal evushel chez les patients hospitalisés ; le second évalue chez les patients les plus sévères le baracitinib, qui est un anti‑inflammatoire.
Par ailleurs, les premiers résultats des essais sur le molnupiravir n'étaient pas bons mais nous pensons que les essais n'ont pas été bien faits et qu'il ne faut pas encore le jeter mais continuer les essais. Nous réfléchissons au niveau européen, en articulation avec l'Agence européenne des médicaments (EMA), à mettre en place un essai clinique pour continuer à évaluer ce médicament.
Nous avons donc beaucoup progressé et avons eu un impact sur la santé de la population mais nous avons encore beaucoup de chemin à parcourir. Nous intervenons pour financer les projets qui viennent du terrain, pour coordonner les projets de façon à ce que tout le monde n'aille pas dans la même direction et que les gens puissent travailler ensemble, pour essayer d'avoir une démarche européenne, parce que nous pensons que la réponse à une pandémie doit être européenne et internationale.
J'ai parlé de l'Europe car nous avons beaucoup progressé sur ce plan. Nous avons même écrit un article pour dire que plein de choses ne fonctionnent pas et doivent être améliorées mais cette pandémie est l'occasion d'améliorer ces collaborations européennes. Nous avons progressé et nous devons continuer.
Enfin, il faut continuer à travailler à l'échelon international, notamment avec l'OMS. Il est important que ces essais cliniques soient réalisés en articulation avec l'OMS pour avancer sur l'innovation et le traitement, comme cela a été le cas avec l'essai Solidarity.