Intervention de Dr Marie-Paule Kieny

Réunion du mercredi 5 janvier 2022 à 16h00
Commission des affaires sociales

Dr Marie-Paule Kieny, présidente du conseil scientifique sur les vaccins covid‑19 :

Je n'ai pas été sollicitée à titre personnel pour cette table ronde mais parce que vous avez fait une demande à l'OMS et l'OMS m'a demandé de représenter l'essai Solidarity à cette audition.

L'OMS a mis en place un comité directeur pour le suivi de l'essai Solidarity. Je fais partie de ce comité avec une douzaine d'autres experts internationaux. J'y suis présente en tant que personne individuelle ; je ne représente personne mais j'ai une connaissance assez détaillée de cet essai.

L'essai Solidarity fait partie de l'ensemble des efforts de recherche menés par l'OMS pour tester de nouvelles approches thérapeutiques chez les patients hospitalisés depuis mars 2020. Solidarity ne concerne que les patients hospitalisés.

Début janvier 2020, lorsque l'épidémie de covid‑19 a été déclarée, l'OMS a activé son plan directeur pour la recherche et le développement – qui réunit des chercheurs du monde entier – afin d'identifier les lacunes en matière de connaissances et les besoins de recherche pour trouver des solutions à la menace que représentait le covid‑19 pour l'humanité. Cela a donc commencé assez vite, au mois de janvier, alors que l'on connaissait juste l'ampleur du problème qu'avaient eu les Chinois.

En février 2020, un forum de recherche de l'OMS sur le covid‑19 a été convoqué et a recommandé l'évaluation des traitements potentiels dans le cadre de grands essais randomisés. Un groupe d'experts de l'OMS a identifié quatre médicaments antiviraux qu'il proposait de repositionner parce qu'un certain nombre d'arguments faisaient penser qu'ils pouvaient avoir un certain effet sur la mortalité. Ces quatre molécules sont le remdesivir, le lopinavir, l'hydroxychloroquine et l'interféron bêta‑1a.

En mars 2020, plus d'un millier d'essais cliniques visant à évaluer les médicaments, en particulier ceux‑là, pour traiter les patients atteints de covid-19 ont été lancés. Le gros problème est que la grande majorité de ces essais étaient non seulement redondants mais aussi de petite taille, ne permettant d'obtenir des résultats statistiquement significatifs. Ils ne concernaient en effet que quelques centaines de patients chacun.

Même si ces traitements semblaient avoir du potentiel, nous ne savions pas s'ils seraient efficaces pour traiter les patients covid et les aider à se rétablir mieux que le standard de soins de chaque hôpital.

En mars 2020 toujours, un groupe international d'experts en essais cliniques a conçu un protocole de base pour l'évaluation des médicaments à l'étude pour traiter la covid‑19 dans le but d'obtenir des preuves solides pour répondre à des questions d'importance pour la santé publique.

D'où provient la force de l'essai Solidarity ? Une douzaine de points montrent l'intérêt de cet essai thérapeutique dont, notamment, la simplicité des procédures. Dans chaque pays, un coordonnateur national invite les hôpitaux sélectionnés, les aide à obtenir les approbations éthiques et réglementaires ainsi que les médicaments de l'étude qui sont tous fournis par l'OMS. Ensuite, le recrutement des patients peut commencer.

Deuxièmement, l'admissibilité et le consentement sont simples également. Il s'agissait d'adultes, donc de personnes de plus de 18 ans, hospitalisés avec un covid confirmé en laboratoire, pour lesquels aucun transfert n'était prévu dans les soixante‑douze heures. Une fois les informations expliquées aux patients, les médecins pouvaient procéder directement à l'obtention du consentement pour chaque volontaire.

Troisièmement, les données de base étaient recueillies immédiatement par voie électronique, avant la randomisation du patient.

Quatrièmement, l'entrée du patient se faisait au moment de la randomisation : une fois la collecte électronique des données terminée, le patient entrait automatiquement dans l'essai et une allocation aléatoire de son traitement d'essai était générée. Les patients étaient donc répartis de manière aléatoire entre le traitement standard seul et le traitement standard local complété par un des médicaments à l'étude.

Cinquièmement, sur le plan de la sécurité, toute réaction indésirable grave, inattendue suspectée mettant en jeu le pronostic vital était signalée dans les vingt‑quatre heures.

Le suivi était également extrêmement simple puisque, lorsque les patients décédaient ou sortaient de l'hôpital, le suivi s'arrêtait et le résultat était rapporté, que le traitement de l'essai ait été administré ou non. Les critères de suivi étaient donc extrêmement simples, de façon que cet essai puisse être mis en place dans tous les pays du monde, même dans les pays ayant des systèmes de santé fragiles.

Les analyses primaire et secondaire sont simples. L'analyse primaire est la mortalité à l'hôpital. L'analyse secondaire est essentiellement la mortalité hospitalière, subdivisée en fonction de l'assistance respiratoire initiale nécessitée par le patient au moment de son inclusion.

La taille de l'essai est un avantage puisque, plus les chiffres sont grands, plus les résultats sont précis. De plus, si un nombre important de personnes sont hospitalisées dans les centres participants, il est possible de saisir plusieurs milliers de patients hospitalisés qui ne reçoivent pas d'oxygène, ou de l'oxygène à faible débit, ou à fort débit ou une ventilation. Ceci permet de conclure à l'intérêt de ces médicaments sur des sous‑groupes de patients.

La conception est adaptative. Un comité mondial de surveillance des données et de la sécurité examine les données accumulées en matière de sécurité et de résultats. L'OMS peut alors décider l'ajout d'autres bras de traitement pendant l'essai, sans que ce soit un nouvel essai : c'est le même essai avec un nouveau bras. L'OMS peut aussi décider d'interrompre certains bras de traitement, notamment s'il apparaît qu'un des traitements a des effets non bénéfiques ou n'a pas d'effet sur la mortalité.

Il est possible de réaliser des études complémentaires. Certains pays ou certains groupes d'hôpitaux ont pu collaborer à Solidarity en ajoutant des observations supplémentaires comme la virologie, les gaz, la chimie du sang, l'imagerie pulmonaire ou la documentation d'autres aspects de l'état de la maladie chez les patients.

Pour la sécurité des données, les informations des patients sont cryptées et conservées en toute sécurité.

Enfin, cette collaboration internationale est coordonnée par l'OMS et les premiers résultats diffusés par l'OMS sont publiés au nom de tous les collaborateurs.

Cet essai a débuté le 22 mars 2020. C'est un vaste essai randomisé ouvert, international, des quatre médicaments que j'ai cités chez des patients hospitalisés. Les premiers résultats ont été publiés l'année dernière dans New England Journal of Medicine.

L'essai étant adaptatif, certains médicaments peu prometteurs ont été abandonnés. C'est le cas pour les quatre médicaments testés en premier. L'hydroxychloroquine a été abandonnée le 20 juin 2020, le lopinavir-ritonavir le 4 juillet 2020 et le remdesivir le 27 janvier 2021 sur la base de trois critères qui sont la mortalité globale, le délai pour débuter la ventilation pour les patients qui n'étaient pas ventilés et la durée de l'hospitalisation.

Cet essai continue. Le 6 août 2021, un premier patient a été randomisé dans l'essai Solidarity pour cette nouvelle période qui évalue maintenant trois nouveaux bras de traitement, l'artésunate, l'infliximab et l'imatinib, en plus du standard local de soins.

Quels sont des pays qui participent à l'essai Solidarity ? L'étude est menée par des pays et hôpitaux du monde entier en collaboration avec l'OMS, qui joue le rôle de co‑sponsor de la recherche avec cinquante‑deux pays également co‑sponsors, issus des six régions de l'OMS. Ils collaborent avec des cliniciens, des chercheurs et des hôpitaux du monde entier.

La France, à travers l'essai Discovery, a été l'un des tout premiers participants à l'essai Solidarity, dès le mois de mars. Pendant longtemps, la plupart des patients dans Solidarity provenaient de l'essai Discovery, dit « essai fille » puisque le protocole était celui de l'OMS mais Discovery et la France ont évalué de nombreux paramètres supplémentaires, en plus des paramètres très simples suivis par Solidarity. La France, la Belgique et le Luxembourg ont participé ; Discovery et la France ont été un apport majeur à cet essai Solidarity puisqu'ils ont permis d'obtenir des résultats sur des paramètres de patients non suivis par l'essai principal.

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