Intervention de Pr Dominique Le Guludec

Réunion du mercredi 5 janvier 2022 à 16h00
Commission des affaires sociales

Pr Dominique Le Guludec, présidente de la Haute autorité de santé :

Je laisserai Yazdan Yazdanpanah répondre à la première question de Mme Parmentier‑Lecocq sur l'équilibre entre la sécurité et la recherche. C'est un point qui préoccupe certes la HAS mais nous nous intéressons plutôt à l'accessibilité du médicament après la recherche, c'est-à-dire à la prise en charge par la collectivité.

Vous savez que c'est une préoccupation évidente pour les accès précoces et l'ancien système d'ATU a été modifié précisément pour que, de façon très rapide, les patients français puissent avoir accès à des innovations pour des maladies graves. La réforme est destinée à faire en sorte que l'ANSM qui s'occupe de la sécurité du produit et nous qui nous occupons de sa place dans la stratégie travaillions très vite ensemble, plus vite qu'auparavant pour améliorer cet accès. La plateforme est commune aux deux institutions, avec des réponses communes et le process est totalement intégré, ce qui a grandement facilité et accéléré les choses pour les industriels et raccourcit les délais d'accessibilité des médicaments.

Je laisse M. Salomon répondre aux questions de M. Perrut sur la souveraineté, qui ne sont pas du ressort de la HAS. Je rappelle simplement les raisons pour lesquelles nous n'avons pas donné un accès précoce au molnupiravir, qui constituait effectivement un véritable espoir. Nous en attendions tous beaucoup après les premières annonces de la première partie de l'étude, qui était positive. Malheureusement, l'examen du dossier final déposé à la HAS a montré des incohérences qu'il a été compliqué de comprendre puisque la première partie de l'étude était positive et la seconde partie négative.

Il est rare que, sur plusieurs centaines de patients, la conclusion d'essais cliniques passe ainsi de blanc à noir ou de noir à blanc. Cela arrive sur de petits effectifs ou lorsque l'efficacité est faible mais, dans ce cas, nous passions de 50 % d'efficacité à un résultat négatif. Nous avons essayé d'en comprendre les raisons et nous n'avons pas trouvé, sauf à penser que les patients inclus étaient différents.

En effet, la première partie correspondait davantage à des patients d'Amérique du Sud et d'Asie qui n'avaient pas les mêmes variants tandis que les derniers patients avaient plutôt été inclus en Europe. Sans certitude, c'est ce qu'il nous a semblé et il est donc possible que le variant soit en cause dans la non‑efficacité.

La seconde raison pour laquelle nous n'avons pas donné l'accès précoce est que, à l'époque, nous étions en pleine pandémie delta et nous disposions d'un médicament nettement plus efficace, le ronapreve qui avait 80 % d'efficacité dans la même indication. Cela aurait été une perte de chance pour les patients d'avoir le molnupiravir à la place du ronapreve.

Toutefois, évidemment, nous sommes totalement ouverts à une révision de cet avis si de nouvelles données arrivent et si le laboratoire dépose de nouvelles données, en particulier vis‑à‑vis d'omicron.

Vous savez que, depuis le début de la pandémie, nous revoyons en permanence nos avis. Il faut être extrêmement modeste. Ce qui est vrai aujourd'hui n'est pas vrai demain parce que les circonstances changent et les données changent. Nous revoyons en permanence nos avis en fonction des données que nous avons et nous avons appris à travailler ainsi, même si ce n'était pas dans nos habitudes. La pandémie a clairement changé la situation.

Pour répondre à la question de M. Christophe, les liens entre les autorités européennes ont beaucoup évolué même s'il n'existe pas d'Europe de la santé. La mise sur le marché des médicaments est déjà un processus européen, via l'EMA. Les produits examinés pour leur mise sur le marché le sont au niveau européen.

Au niveau de l'évaluation, il existait jusqu'à récemment des évaluations communes dans le cadre d'un protocole d'évaluation technique européenne (ETA) qui avait mis en réseau sur la base du volontariat les différentes agences d'évaluation nationales des différents pays. Ce mois‑ci entre en vigueur un nouveau règlement européen qui, pour tous les produits innovants dans un premier temps puis pour tous les produits, permettra une évaluation des produits santé à l'échelon européen. Ce que nous faisons à l'échelon français sera donc réalisé à l'échelon européen.

Ce ne sera pas simple puisque nous avons en France des délais légaux extrêmement contraints pour évaluer les médicaments alors que, à l'échelon européen, des délais sont un peu plus longs. Nous verrons comment passer d'un système à l'autre.

La HAS avait de toute façon déjà volontairement, dans le cadre de l'ETA, beaucoup travaillé sur ces évaluations communes et sur la mise au point de méthodes communes. Nous continuons dans le cadre de la poursuite de cette collaboration à avoir une place assez importante dans tous ces projets. Je suis moi‑même vice‑présidente d'un groupement des chefs d'agences européennes, justement pour poser les principes de ces évaluations communes.

L'anakinra ou kineret est un médicament anti‑inflammatoire déjà utilisé dans d'autres pathologies. Il a donc une AMM qui a été étendue récemment pour le covid. Nous l'examinerons dans le cadre du droit commun, comme un médicament normal, puisqu'il est aujourd'hui déjà accessible dans nos hôpitaux. L'accès n'est donc pas un problème : il s'agira simplement pour le laboratoire de rediscuter son prix avec les instances réglementaires en fonction des critères d'évaluation.

Je ne suis pas la plus qualifiée pour répondre sur les autres variants. Nous voyons bien d'autres variants en Asie ou en Amérique du Sud mais ils ne sont pas devenus prépondérants en Europe à ce jour. Nous espérons évidemment qu'omicron sera le dernier mais personne ne peut malheureusement en être sûr.

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