Intervention de Pr Jérôme Salomon

Réunion du mercredi 5 janvier 2022 à 16h00
Commission des affaires sociales

Pr Jérôme Salomon, directeur général de la santé :

Un collègue a abordé le point très important de la prévention. Nous avons parlé des traitements prophylactiques ou curatifs mais vous avez aussi abordé au début, madame la présidente, le sujet fondamental de la qualité de l'air. Il faut vraiment que nous travaillions sur ce point en France. Il a été un peu négligé.

L'impact sanitaire d'une mauvaise qualité de l'air, intérieur en particulier, est connu. Tous les sujets de capteurs, les modalités de filtration ou de traitement de l'air, en particulier dans des locaux spécifiques accueillant des patients fragiles, sont des sujets de recherche importants pour l'avenir. La question se pose en particulier à l'hôpital, au bloc opératoire et dans les unités de patients profondément immunodéprimés.

Mme la députée Parmentier‑Lecocq a parlé de l'accès précoce à la recherche. Le sujet est d'abord porté par le ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation mais nous avons beaucoup travaillé avec eux à une accélération de l'ensemble des procédures en ce qui concerne la recherche impliquant les personnes humaines pour aller le plus vite possible vers des évaluations scientifiques et les autorisations de débuter les essais.

Nous faisons évidemment des essais cellulaires, in vitro ou chez l'animal, mais, dans le cas de l'essai humain, des étapes préalables sont nécessaires et il est important d'aller vite. Nous avons beaucoup progressé sur le guichet unique et l'accélération de l'évaluation des molécules, dans une logique française mais aussi dans une logique européenne. En effet, l'Europe s'organise actuellement pour soutenir la recherche et le développement.

M. Bernard Perrut a abordé les sujets clés de technologie et de souveraineté. Il existe des enjeux de souveraineté nationale et sans doute de souveraineté européenne. La mise en place de l'autorité européenne de préparation et de réaction aux urgences sanitaires est suivie de très près par les autorités sanitaires qui sont en charge de la présidence française de l'Union européenne. Ce nouveau service de la Commission européenne aidera à la recherche et au développement par l'anticipation de la préparation et de la réponse aux urgences sanitaires et peut évidemment être très utile pour nous.

Je rassure M. Perrut sur le contrat molnupiravir : comme je l'avais dit dans mon propos introductif, ce contrat a été résilié puisqu'il était conditionné à l'octroi de l'autorisation d'accès précoce. Comme cette autorisation n'a pas été délivrée par la HAS, le contrat a été résilié de droit sans qu'aucun engagement financier soit porté par la France. C'est important : nous n'avons pas perdu d'argent sur une molécule qui n'a finalement pas été reconnue comme utilisable en urgence par la HAS.

M. Paul Christophe a parlé du succès européen des commandes vaccinales et je l'en remercie car c'est effectivement un vrai succès de l'Union européenne. Je pense que, dans les prochaines années, nous nous appuierons davantage sur l'Europe comme levier dans les négociations, dans les achats, dans les commandes et le soutien aux entreprises, notamment européennes.

Mme Jeanine Dubié a posé des questions sur le dépôt des dossiers, indispensable pour une nouvelle molécule, côté américain auprès de la FDA et côté européen auprès de l'EMA. Il faudra vérifier que cette entreprise, si elle a un médicament prometteur, a bien déposé son dossier à l'EMA. N'hésitez pas m'envoyer le nom de ce médicament si vous l'avez. Une fois que le dossier est déposé et que l'autorisation européenne est accordée, l'ANSM et la HAS interviennent très rapidement pour la mise sur le marché en France.

Vous avez aussi posé des questions sur l'écosystème viral et l'Afrique. Vous avez noté que ce virus change tout le temps ; nous savons qu'il évolue naturellement de façon très rapide chez l'humain et peut-être aussi chez l'animal. Nous le surveillons de très près par le criblage des tests PCR qui recherche des mutations et par le séquençage sur lequel nous avons fait des efforts énormes en France puisque nous séquençons entre 13 000 et 15 000 virus par semaine.

Cela permet de connaître exactement son génome, de savoir comment il évolue. Toutes ces données sont rendues publiques, avec un bilan hebdomadaire mis en ligne sur le site de Santé publique France. Vous y trouvez la photographie de tout ce qui circule en France, sachant qu'omicron est en train de s'imposer. Il était à 50 %, il est passé à 70 % et sera peut-être ce soir à 82 ou 83 %. Nous avons aussi du variant delta et nous pouvons avoir des importations de quelques autres variants.

Comme l'a dit Mme Le Guludec, nous ne savons pas comment évoluera ce virus d'autant plus que nous sommes dans une circonstance qui inquiète l'OMS avec à la fois énormément de virus circulants et énormément de personnes infectées, tout en ayant une très forte pression de sélection vaccinale. C'est aussi une condition de survie du virus que d'essayer de contourner cette opposition très forte par la vaccination.

L'Afrique est un continent auquel l'OMS est très attentive puisque la population y est différente génétiquement et différente en termes d'immunité, les virus qui y circulent n'étant pas les mêmes. C'est une population plus jeune, qui n'a pas les mêmes pathologies, pas les mêmes traitements, qui est peut‑être davantage confrontée à d'autres virus. L'Afrique n'a pas non plus la même météorologie et nous avons découvert l'importance des conditions de température, d'hygrométrie et de densité urbaine sur la circulation des virus. Tout cela joue beaucoup.

La population en Afrique australe est assez fortement touchée par le VIH et, là encore, sans doute avec une certaine tolérance de certains patients vis‑à‑vis de la persistance du virus. Nous avons malheureusement moins de données, moins de tests, moins de statistiques mais nous avons tout de même la confirmation que de nombreux pays africains ont été touchés par l'épidémie, notamment l'Afrique du Sud.

Nous sommes à l'écoute parce que la planète est un tout petit village. Face au risque viral, il faut évidemment avoir une réflexion mondiale puisque nous sommes exposés à tous les risques, tous ensemble. Une réaction égoïste est une réaction stupide : nous dépendons tous les uns des autres. Les enjeux de santé internationale et de solidarité mondiale pour aider l'ensemble des pays concernés sont vraiment des enjeux clés, portés notamment par l'OMS, mais la France a aussi ce discours avec des dons de vaccins et une attention particulière aux pays qui souhaitent notre coopération.

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