Intervention de Pr Jean-François Timsit

Réunion du mercredi 5 janvier 2022 à 16h00
Commission des affaires sociales

Pr Jean-François Timsit, chef du service de réanimation médicale et infectieuse, hôpital Bichat :

Ma première réflexion globale, qui concerne par exemple le molnupiravir et l'anakinra, est l'inconsistance qui existe parfois entre les décisions de certaines agences et les essais cliniques, alors que nous fondons tous nos décisions sur les mêmes essais cliniques.

Par exemple, le remdesivir est largement utilisé aux États-Unis et approuvé par la FDA alors qu'il est approuvé chez nous mais pas utilisé. Nous sommes quand même face à une réaction parfois compliquée à comprendre en ce qui concerne l'utilisation des médicaments.

S'agissant de l'anakinra, un essai contrôlé randomisé a été réalisé chez les patients les plus sévères, en particulier à Tours, et a été arrêté pour toxicité. Si l'on ajoute l'essai négatif réalisé à l'AP‑HP, nous avons quand même des doutes sur ce médicament.

Nous avons fait beaucoup de choses au début, très vite, sur un variant historique qui n'était pas celui qui circule aujourd'hui et avec un standard de soins qui était différent de celui utilisé à l'heure actuelle. Tout ce que nous avons déjà prouvé est probablement à refaire, y compris l'étude sur le remdesivir, dont je ne suis pas totalement convaincu qu'il soit à abandonner.

Nous ignorons énormément et l'Assemblée pourrait peut-être réfléchir à la réutilisation et à l'obligation d'avoir accès à l'utilisation des données individuelles des patients saisis dans les essais, de façon à réinterpréter les données et à voir si certaines strates de patients pourraient bénéficier d'un nouvel essai contrôlé, plus précis que ce qui a été fait voici deux ans, où nous avons taillé un peu à la serpe, très rapidement, les contours de cette maladie. Nous n'avons pas tout compris et nous en sommes loin.

Agir ainsi pourrait être important pour comprendre pourquoi l'anakinra fonctionne chez certains et pas chez d'autres, pourquoi le molnupiravir a été négatif dans la seconde partie de l'étude et pas dans la première. Avoir accès à l'ensemble des données et faciliter l'accès à ces données par des textes législatifs correspondant à l'analyse secondaire des essais pourrait être un point très important.

Mon autre réflexion sur la recherche clinique est que l'organisation du National Health Service de nos collègues britanniques a été bien plus efficace pour randomiser de très nombreux malades, sur les mêmes essais, avec une coordination extrêmement facilitatrice des essais. Ces essais ont beaucoup de défauts mais ils ont eu le mérite d'exister très vite. Il faut peut-être réfléchir, comme dans le cadre de REACTing, à une harmonisation des essais en temps de pandémie afin de pouvoir tester très rapidement plusieurs molécules les unes après les autres comme l'ont fait les États‑Unis, ou les tester en même temps comme l'ont fait les essais REMAP-CAP (randomized embedded multifactorial adaptative plateform for community-acquired pneumonia) ou Recovery.

Il faudrait des textes législatifs plus simples à utiliser ; ces réflexions seraient à approfondir car je suis sûr que vous les avez déjà menées, de façon à aller plus vite et à perdre moins de temps par rapport à nos collègues. Nous avons beaucoup travaillé, de façon très efficace, et nous avons plein d'idées mais ils sont parvenus à des volumes de malades inclus défiant toute concurrence par rapport à ce que nous avons réussi à faire dans le même temps.

Pour conclure sur les variants, il faut bien garder en tête que les malades que je vois en réanimation atteints du variant omicron n'ont rien à voir avec les malades atteints de delta. Ce sont des malades beaucoup plus légers, chez lesquels ce sont plutôt les surinfections qui sont graves. Ils n'ont pas le même comportement clinique et je ne suis pas du tout sûr que nous parlions de la même maladie en termes d'efficacité des traitements utilisés dans l'avenir d'un variant à l'autre et d'une situation à l'autre. Il faudra probablement y réfléchir.

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