Intervention de Dr Marie-Paule Kieny

Réunion du mercredi 5 janvier 2022 à 16h00
Commission des affaires sociales

Dr Marie-Paule Kieny, présidente du conseil scientifique sur les vaccins covid‑19 :

Les résultats de ce médicament développé par une société implantée à la fois en Chine et aux États‑Unis semblent intéressants. Il faut savoir que ce médicament concerne des patients hospitalisés et ce ne sont pas ceux chez lesquels on pense que les anticorps monoclonaux seront plus utiles. Toutefois, il faut faire attention à la conclusion du communiqué presse, puisque ce n'est pas un papier de recherche : on dit que le traitement « résiste bien » au nouveau variant même si l'un des anticorps a présenté une baisse substantielle d'activité. Cela vaut la peine de regarder ; nous verrons ce que dit la FDA de ce traitement et si ceux qui l'ont développé souhaitent le proposer à l'Union européenne.

En ce qui concerne le remdesivir, l'essai Discovery et le grand essai Solidarity ont obtenu des résultats qui montrent de façon non équivoque que ce produit n'était capable de réduire ni la mortalité, ni le temps d'hospitalisation, ni le besoin de ventilation parmi tous les patients inclus globalement. En revanche, une analyse plus récente effectuée par l'OMS – non encore publiée mais elle devrait l'être bientôt – montre que, en désagrégeant les patients entre ceux ventilés ou non au moment de leur inclusion dans l'essai, il existe une différence. Chez ceux qui avaient déjà besoin d'oxygène, le remdesivir ne fait pas d'effet mais en revanche, chez ceux qui n'avaient pas encore besoin de ventilation, le remdesivir a un effet et diminue la progression vers le décès ou vers le besoin de ventilation. Toutefois, ce sont des chiffres faibles puisque la progression vers le décès est de 11,9 % pour les patients sous remdesivir contre 13,5 % des patients du groupe contrôle. L'effet existe donc mais est assez modeste par rapport à ce que le producteur Gilead a annoncé urbi et orbi en vendant ce médicament à un prix très élevé. Ce n'est pas clairement pas le médicament que nous attendons pour traiter le covid‑19.

L'Afrique est un continent qui présente beaucoup de différences par rapport à l'Europe, dont l'âge beaucoup plus jeune de la population. Le facteur le plus significatif dans la progression de la maladie étant l'âge, plus une population est jeune, moins la mortalité de la covid‑19 se fait sentir. C'est une des raisons qui pourrait expliquer la plus faible mortalité en Afrique qu'en Europe.

Néanmoins, il est clair qu'il faut ouvrir, le plus rapidement possible, l'accès aux médicaments à l'Afrique et pas seulement à l'Afrique d'ailleurs mais à tous les pays à revenus modérés ou faibles. La fondation Medicines Patent Pool (MPP) à Genève est une fondation à but non lucratif dont le but est de négocier des accords de licence avec l'industrie pharmaceutique innovante donc les gros producteurs multinationaux pour sous‑licencier à des génériqueurs. La MPP a signé à la fin de l'année 2021 un accord de licence avec Merck pour le molnupiravir et un accord de licence avec Pfizer pour son médicament anti‑covid, qui semble plus intéressant puisque les chiffres sont actuellement encore, faute de démenti, à 85 % d'efficacité si les patients sont traités dans les cinq jours après le début des symptômes.

Je suis la présidente du conseil d'administration de MPP. Nous avons eu 130 demandes de licences pour le molnupiravir et 160 demandes pour le médicament de Pfizer. Des licences pouvant être données à des génériqueurs seront annoncées bientôt et nous espérons que, par le biais de la compétition avec les génériques, ces produits seront disponibles à un prix abordable pour les patients dans les pays pauvres, en particulier en Afrique.

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