Intervention de Nicolas Turquois

Réunion du mercredi 12 janvier 2022 à 9h30
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaNicolas Turquois :

La présente proposition de loi vise d'une part à augmenter le SMIC et d'autre part à ouvrir une conférence nationale sur les salaires et des négociations de branche. Si nous pouvons comprendre les intentions, nous ne nous accordons pas sur les moyens.

Pour ce qui est des constats, vous pointez très justement, monsieur le rapporteur, deux éléments qui sont à déplorer : l'absence de différenciation significative entre le seuil de pauvreté et le montant du SMIC, et un partage des richesses assurément perfectible. Je ne doute pas que votre intention soit d'améliorer sensiblement le niveau de vie d'un grand nombre de nos concitoyens, mais la méthode proposée n'est pas la bonne.

Sur le plan économique, indépendamment de la crise actuelle, on estime que l'élasticité de la demande de travail est particulièrement forte pour le travail peu qualifié. Il est dès lors admis qu'une hausse substantielle du salaire minimum détruit des emplois. Ainsi, la mesure que vous proposez aurait pour effet immédiat de briser la dynamique actuelle de sauvegarde et de création d'emplois.

Si le SMIC est un socle salarial indispensable, en particulier pour renforcer le pouvoir de négociation des travailleurs, c'est à la négociation collective qu'il revient de dynamiser les salaires. Il est indispensable que les partenaires sociaux se saisissent pleinement à l'avenir, dans le cadre de la négociation collective, de la question des bas salaires. C'est dans cette perspective que le Gouvernement a invité de nombreuses branches, notamment l'hôtellerie‑restauration et les industries agroalimentaires, à ouvrir des négociations sur les salaires et les conditions de travail.

D'un point de vue plus pragmatique, votre proposition de loi pose de nombreux problèmes. L'augmentation du SMIC de 15 % conduirait inévitablement à un accroissement du nombre de salariés percevant le minimum de salaire, ce qui réduirait de facto l'attractivité professionnelle de certains postes. Par ailleurs, comment entendez‑vous accompagner les employeurs face à l'augmentation significative du coût du travail ? Comment comptez‑vous endiguer le dumping salarial pratiqué par certains pays, phénomène qui sera nécessairement accru dans ce cas de figure ? Comment anticipez‑vous l'inflation qui pourrait être induite par la hausse du niveau de vie d'une partie de la population ? À toutes ces interrogations, vous n'apportez aucune réponse.

Nous estimons qu'il est plus important de pourvoir les emplois vacants, de lutter contre le chômage et de combattre les inégalités salariales, notamment entre les femmes et les hommes. Cela ne peut être que le fruit d'une politique à la fois conjoncturelle et structurelle. Conjoncturelle d'abord, car il faut établir un ensemble de mécanismes rapidement opérationnels pour faire face aux besoins immédiats ; c'est l'un des objectifs de la réforme de l'assurance chômage. Structurelle ensuite, pour déployer une stratégie de long terme, celle de la flexisécurité, que le Président de la République a lancée dès 2017.

Enfin, pour répondre aux préoccupations exprimées à propos du pouvoir d'achat, j'ai à cœur de rappeler que, selon l'Institut national de la statistique et des études économiques, le SMIC est bien plus dynamique que l'évolution des prix, que le pouvoir d'achat des ménages résiste et que leur épargne augmente.

Vous l'aurez compris, le groupe Mouvement démocrate (MoDem) et Démocrates apparentés ne votera pas cette proposition de loi.

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