Intervention de Catherine Fabre

Réunion du mercredi 19 janvier 2022 à 9h30
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCatherine Fabre, rapporteure pour le titre Ier :

Le titre Ier de la loi du 5 septembre 2018 introduit nombre de réformes majeures pour la formation professionnelle et l'apprentissage.

S'agissant de la première et du compte personnel de formation (CPF), l'ambition de la réforme était claire : faire de ce compte un outil accessible et lisible, un droit personnel à la main de ses titulaires dans une logique d'appropriation directe. Avec 984 000 formations suivies en 2020, contre 580 000 en 2017 avant la réforme, nous pouvons affirmer que le pari est réussi.

La modification d'ampleur apportée par la loi fut sans conteste le passage d'un CPF décompté en heures à un CPF en euros, plus simple et qui a permis de sortir d'une vision figée de la formation traditionnellement conçue comme un bloc standardisé d'heures d'enseignement destiné aux apprenants réunis dans une salle de classe. Le développement du CPF a impulsé de nouvelles formes pédagogiques, comme les formations en situation de travail, et surtout, sous l'effet de la crise sanitaire et des différents confinements, les formations à distance.

La volonté du législateur de favoriser des formations plus innovantes se traduit aujourd'hui sur le terrain.

Le succès du CPF se manifeste également par de nombreux téléchargements de l'application et par de nombreuses connexions au portail numérique www.moncompteformation.gouv.fr. Au 31 décembre 2021, l'application avait été téléchargée 3,8 millions de fois, et ce portail avait reçu 16 millions de visites. Force est donc de constater que cette plateforme fait désormais partie du quotidien de nombreux actifs. Il est d'ailleurs prévu qu'elle s'enrichisse au fil du temps de conseils et d'évaluations des formations par les usagers.

Le CPF ainsi rénové avait vocation à attirer certaines franges de la population active qui restaient éloignées de la formation professionnelle comme les femmes, qui représentent désormais 50 % des utilisateurs alors qu'elles étaient sous‑représentées lors de sa création, en partie à cause du travail à temps partiel qui ne leur permettait pas de bénéficier des mêmes droits, ce à quoi la réforme a remédié, ou les salariés les moins qualifiés. Ainsi, l'utilisation du CPF a augmenté de 74 % chez les ouvriers contre 24 % chez les cadres.

Concernant la nature des formations sollicitées dans le cadre du CPF, nous observons toujours une appétence particulière pour le permis de conduire, qui dans de nombreux cas est indispensable pour trouver un emploi, et pour les langues étrangères, bien que celles-ci ne correspondent plus qu'à 17 % des entrées en formation contre 26 % avant la réforme.

Dans le même temps, le CPF est devenu un véritable outil d'accompagnement pour les bénéficiaires aspirant à une reconversion professionnelle puisque les formations entrepreneuriales à destination des créateurs et des repreneurs d'entreprise ont été multipliées par onze entre 2019 et 2020.

La professionnalisation du CPF que le législateur appelait de ses vœux en 2018 représente toujours un enjeu hautement stratégique. Nous en avions la conviction, qui a été confortée par ces travaux d'évaluation : le co‑investissement par les entreprises ou par les branches professionnelles est un moyen prometteur de conseiller et d'inciter les salariés à faire des investissements pertinents pour eux et pour leur secteur d'activité.

La possibilité d'abondements complémentaires, ouverte par la réforme de 2018, ne s'est malheureusement déployée qu'à partir de l'été 2020. Pour autant, certains opérateurs de compétences (OPCO) entendus par la mission s'inscrivent déjà dans cette démarche. Le dialogue social au sein des entreprises et des branches devrait trouver là une véritable opportunité de faire, enfin, de la formation un investissement stratégique.

La mission s'est également attachée à évaluer la portée d'autres dispositifs comme le conseil en évolution professionnelle (CEP), qui offre une prestation de conseil professionnel et d'orientation gratuite à tous les salariés. En 2020, seuls 100 000 actifs occupés en ont bénéficié, car le CEP souffre d'un déficit de notoriété. Au vu de son importance dans l'esprit de la réforme et de l'excellent taux de satisfaction de ceux qui y ont eu recours – 91% –, nous préconisons de fortement renforcer l'information sur le CEP auprès de l'ensemble des salariés et des demandeurs d'emploi.

S'agissant des moyens mis en œuvre pour la transition professionnelle, certains acteurs auditionnés ont regretté que les montants alloués soient inférieurs à ceux destinés préalablement au financement de l'ancien congé individuel de formation (CIF). Cette baisse de budget doit toutefois être relativisée à nos yeux car le projet de transition professionnelle doit être pensé dans le budget global mobilisé par l'intéressé via son investissement individuel à travers le CPF. Elle doit d'autant plus être relativisée que des moyens importants ont été mobilisés pendant la crise pour favoriser les reconversions professionnelles, au travers notamment de la création de nouveaux dispositifs tels que Transitions collectives (Transco).

Je terminerai par un dispositif qui me tient à cœur, la promotion par alternance (Pro‑A). Introduit en 2018, il a la particularité d'être fondé sur l'alternance entre des périodes de formation et l'acquisition de savoir‑faire en entreprise. Cet outil, qui a malheureusement rencontré plusieurs difficultés dans sa mise en œuvre, est au service d'une montée en qualification des salariés en poste. Pour assurer son développement, nous appelons aujourd'hui de nos vœux un élargissement de ses critères d'accès.

En conclusion, la réforme de la formation professionnelle a été très largement perçue comme une réussite par les acteurs entendus par la mission et je crois pouvoir dire, en mon nom et en celui de mon corapporteur, que nous souscrivons à ce constat.

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