Je remercie le bureau et la présidente de la commission pour la mise en place de ce travail d'évaluation d'une loi riche et emblématique. Si son titre II était un peu moins fourni en nombre d'articles que les titre Ier et III, il était lourd d'implications et d'enjeux. Touchant à la fois à la gouvernance, au financement et aux règles d'ouverture de l'assurance chômage, et comprenant des dispositions concernant les demandeurs d'emploi, il déployait une vision résolument moderne de ce que doit être, à l'avenir, notre protection contre la perte d'emploi.
Moderne, l'idée que le statu quo en termes de gouvernance ne pouvait perdurer. Certaines auditions l'ont rappelé, tout n'était pas rose avant la réforme, bien au contraire. S'il peut être critiqué, le nouveau cadre de concertation a selon moi d'immenses mérites : plus de clarté dans les objectifs fixés au document de cadrage, un équilibre mieux exprimé entre le rôle de l'État et celui des partenaires sociaux et de la place pour la concertation.
Ne nous y trompons pas, l'échec de la négociation en 2019, qui a ensuite donné lieu à la réforme de l'assurance chômage par décret, ne signifie pas que le dispositif est défaillant. L'état du droit antérieur avait lui aussi conduit, parfois, à des blocages.
Si des pistes d'évolution, dont le rapport fait état, existent bel et bien, l'honnêteté commande de dire que peu d'entre elles sont véritablement consensuelles : c'est peut‑être la preuve que l'équilibre trouvé en 2018 n'est pas si facile à revoir. Le MEDEF et la CFDT ont fait des propositions intéressantes mais qui posent aussi des questions de fond.
C'est donc plutôt une maturation de ce nouveau cadre, notamment si la concertation conduite par la ministre du travail Élisabeth Borne auprès des partenaires sociaux aboutit à des positions plus arrêtées, qu'il faut privilégier.
Cette question de la gouvernance n'est évidemment pas sans lien avec la situation financière de l'UNEDIC, qui s'améliore nettement. Les comptes pourraient à nouveau être à l'équilibre dès 2023, malgré une dette qui reste importante : 70 milliards d'euros à cet horizon.
D'un point de vue plus technique, le rapport expose bien les raisons qui ont conduit le Gouvernement et le législateur, dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale, à retenir la contribution sociale généralisée (CSG) comme mode de compensation des baisses de cotisation d'assurance chômage. Si la solution n'est pas dépourvue de complexité en gestion, elle a permis de neutraliser les effets des mesures en faveur du pouvoir d'achat et de l'emploi sur les comptes de l'UNEDIC.
Moderne également, l'ouverture de notre assurance chômage à davantage de salariés démissionnaires et aux travailleurs indépendants. S'il a parfois été de bon ton d'en critiquer les résultats modestes au plan quantitatif, le rapport souligne la difficulté de l'exercice, qui consiste à ouvrir des droits nouveaux et réels sans déstabiliser le cadre et créer trop d'aléas moraux.
De ce point de vue, si les deux dispositifs peuvent naturellement être améliorés, ni leur conception ni leur mise en œuvre n'ont conduit aux errements évoqués à l'époque dans les débats : pas d'explosion des démissions, pas de coût excessif pour l'UNEDIC ni de dénaturation du système d'assurance chômage pour les autres demandeurs d'emploi.
Au contraire, il s'agit de lever certains freins, notamment pour les travailleurs indépendants, comme l'avait déjà relevé notre collègue Dominique Da Silva. À cet égard, le projet de loi en faveur de l'activité professionnelle indépendante, que nous avons examiné en première lecture il y a quelques jours, va dans ce sens en retenant un nouveau mode de constatation de la cessation d'activité.
Le Gouvernement pourrait même aller plus loin par voie réglementaire, notamment concernant le critère de 10 000 euros de chiffre d'affaires. Il me semble que rouvrir la mesure relative aux indépendants au niveau de ce qui était attendu en 2018 constitue une bonne boussole dans ce cadre, sans remettre en cause les principes.
Modernes enfin, les modifications tenant au contrôle des demandeurs d'emploi. Là encore, la réalité concrète de cette réforme est bien loin des craintes exprimées en 2018. Loin d'une répression à tout va, une rationalisation de l'échelle et du fonctionnement des sanctions a été réalisée. Les motifs ont été clarifiés, le contradictoire réaffirmé et les voies de recours explicitées. L'échelle des sanctions est beaucoup plus juste qu'avant la réforme. Je m'en félicite.
Deux constats transversaux pour conclure. Tout d'abord, le travail réalisé sur le titre II illustre bien le fait que l'évaluation d'un dispositif dépend fondamentalement de ce qu'on en attendait, ce qui explique que nous n'ayons pas pu aboutir avec mon corapporteur à des conclusions similaires malgré un travail commun.
Second constat : les auditions ont montré qu'experts et partenaires sociaux avaient des points de vue divergents sur la suite à donner à la réforme.
Face à l'absence de consensus sur les propositions, nous devons en revenir au rôle qui est le nôtre : tracer une direction politique en continuant la concertation sur les principes comme sur les modalités de mise en œuvre. De ce point de vue, la direction tracée par la loi « Avenir professionnel » me semble toujours d'actualité : une assurance chômage mieux pilotée, plus universelle, plus juste et incitant toujours plus à la reprise d'activité.
Nous aurons à en reparler lors des échéances nationales à venir.