L'évaluation est certes une obligation constitutionnelle mais pour moi, à l'instar de Mmes Tamarelle‑Verhaeghe et Vidal, elle est surtout au cœur de notre rôle de député. La démarche me paraît plus intéressante que celle du rapport d'application, qui se borne à vérifier la parution des décrets et pour lequel on ne dispose pas de trois ans de recul. Il est essentiel de s'assurer que les objectifs politiques d'une loi sont atteints. J'espère que nous poursuivrons dans cette voie.
Je remercie nos collègues – Thierry Michels, Monique Limon, Christine Cloarec‑Le Nabour, Fadila Khattabi, j'en oublie – qui par leur évaluation sur le terrain, fondée sur des exemples concrets, ont contribué à nourrir le rapport d'évaluation. C'est un processus précieux.
Nombre d'entre vous ont évoqué à juste titre l'orientation professionnelle, qui continue d'être une préoccupation. Il est difficile pour les jeunes de savoir quels métiers existent et quelles perspectives ils offrent. La réforme a apporté des évolutions : il a été décidé de confier l'orientation aux régions qui connaissent le bassin d'emplois et le tissu économique mais aussi de faciliter les liens entre l'éducation nationale et les entreprises. Pour l'instant, les changements ne sont guère visibles, même si certaines régions ont créé des comités régionaux d'orientation Peut-être la crise sanitaire n'a-t-elle pas été propice aux échanges entre les élèves et l'entreprise ainsi qu'aux découvertes sur le terrain, mais le système reste indéniablement trop cloisonné. Il nous reste du chemin à parcourir.
Nous manquons un peu de recul mais les classes prépas‑métiers, remplaçant les anciens dispositifs d'initiation aux métiers en alternance qui avaient pris fin, vont dans le bon sens. Il en existe neuf cents sur l'ensemble du territoire qui accueillent entre quinze et vingt-quatre élèves. Il faut continuer à les développer.
Monsieur Perrut, comme d'autres, vous soulignez l'hétérogénéité des progrès en matière d'apprentissage selon les niveaux – infra‑bac, bac, ou supérieur. Quel que soit le niveau, nous observons une augmentation des entrées en apprentissage. Pour le niveau infra‑bac, le nombre d'entrées a progressé de 36 % en 2019 et de 27 % en 2020 ; pour le niveau bac, la hausse est de 19 % en 2019 et 16 % en 2020. L'augmentation est réelle mais elle est moindre que dans le supérieur ; la dynamique de l'apprentissage concerne tous les niveaux même si l'enseignement supérieur en est la locomotive. En reconnaissant l'excellence de l'apprentissage, celui‑ci contribue à atténuer la stigmatisation dont cette voie continue d'être victime selon plusieurs d'entre vous.
Madame Goulet, vous avez souligné l'agressivité commerciale auxquels tous les Français ont été confrontés de la part d'organismes de formation qui cherchent à profiter de la manne du CPF. Les Français n'ont pas à subir de telles nuisances et le CPF doit servir à financer des formations utiles pour notre pays et pertinentes pour son titulaire. Le rapport recommande l'interdiction des démarchages commerciaux agressifs. La Caisse des dépôts et consignations travaille déjà sur le sujet. Il faut également mieux informer les citoyens sur les modalités de signalement des abus – Mme Parmentier-Lecocq faisait état presque d'extorsion – ainsi que sur les possibilités de remboursement. Si elle est avertie par un signalement, la CDC peut porter plainte et rembourser les personnes abusées.
Dans le même ordre d'idées, le contrôle de la qualité des centres de formation est indispensable. L'évaluation a mis en lumière le fonctionnement satisfaisant du système. Le label Qualiopi a été salué par l'ensemble des acteurs que nous avons auditionnés, les indicateurs évalués étant jugés pertinents.
Il reste donc à sanctionner les responsables d'abus ou de fraudes, qui peuvent être de nature très différente – il s'agit le plus souvent d'agressivité commerciale, les fraudes plus graves sont bien plus rares.
Madame Biémouret, selon vous, la formation ne s'adresse pas aux plus vulnérables mais l'évaluation vous donne tort : la mutualisation des fonds pour financer le plan de développement des compétences est fléchée vers les entreprises de moins de cinquante salariés, qui ont jusqu'à présent très peu investi dans la formation. Les moyens mutualisés sont concentrés là où l'accès à la formation est le plus difficile.
Le plan d'investissement dans les compétences a permis à un million de personnes de suivre une formation longue et qualifiante, à comparer aux 50 000 bénéficiaires des parcours de reconversion. On ne peut donc pas nous faire ce procès-là.
J'ai déjà répondu, monsieur Christophe, en ce qui concerne les prépa‑métiers.
S'agissant de l'orientation, la réforme de l'apprentissage a vu, avec la libéralisation de l'offre, la mise en place d'un système d'indicateurs permettant de montrer la performance des formations, comme l'intégration professionnelle à la sortie, la rupture – ou non – des contrats pendant les formations et l'accompagnement, par les CFA, des apprenants en cas de rupture, pour leur trouver une autre entreprise. Tous ces indicateurs, qui assurent la transparence et l'information des usagers, vont permettre de réguler le système. En effet, on peut penser que les formations de piètre qualité seront peu utilisées, contrairement à celles qui ont de belles performances. C'est aussi la philosophie de la loi. Au bout de seulement trois ans, et en raison aussi de la crise sanitaire, on manque parfois un peu de recul, mais ces dynamiques existent sur le plan structurel. Nous avons pu nous assurer que ces instruments de régulation sont bien présents et fonctionnent.
Les CFA peuvent-ils suffisamment investir à long terme ? La question est souvent revenue lors de nos auditions, madame Six. Les régions ont des enveloppes d'environ 200 millions d'euros pour les investissements de long terme dans les projets des CFA et les OPCO peuvent également participer. Plusieurs acteurs nous ont demandés s'ils pouvaient utiliser leurs réserves, leurs propres moyens. C'est une préconisation que nous faisons, Gérard Cherpion et moi, et nous avons le sentiment que cela ne devrait pas poser trop de difficultés. Il nous semble aussi que les possibilités d'investissement à long terme ne sont pas mises à mal.
Concernant la carte des CFA, beaucoup d'acteurs nous ont dit que le système était désormais beaucoup plus fluide et beaucoup plus souple. Des formations qui mettaient auparavant dix‑huit mois à voir le jour sont créées en six mois. On a gagné en réactivité. Quant à la territorialisation de l'offre, aucun CFA n'a fermé à ce jour et les nouveaux centres sont répartis d'une manière assez équilibrée sur l'ensemble du territoire. La crainte qui était un peu exprimée par les régions avant la réforme est largement contredite par les faits. Il n'y a pas de désertification dans certains territoires au profit d'autres. Je redis aussi que les régions peuvent investir dans des projets partagés avec les CFA et les OPCO pour structurer les territoires.
Madame Dubié, 333 millions d'euros supplémentaires ont été investis en 2020 dans le cadre du FNE, dont 40 % au bénéfice des entreprises de moins de cinquante salariés selon la délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle.
Que faire, nous a demandé Mme Vidal, pour favoriser le développement du CPF ? Comme je l'ai dit, il faut développer bien davantage le CEP. C'est une pépite qui n'est malheureusement pas bien connue. Ce dispositif a donc du mal à monter en puissance, mais les salariés y adhérent énormément quand ils en ont entendu parler, car il répond à leurs besoins. Il faut faire connaître, dans nos territoires, cette prestation gratuite de conseil, dispensée à volonté, qui est vraiment complémentaire du CPF. Cela fait également partie de nos préconisations.
Le co‑investissement est un outil utile, dont j'ai déjà parlé. Si une entreprise veut investir dans la formation de ses salariés, elle pourra notamment présenter dans le cadre des entretiens professionnels les opportunités offertes par certaines formations pour le développement des carrières et ses axes stratégiques pour l'avenir. Il me semble que c'est vraiment une démarche gagnant‑gagnant dans laquelle l'entreprise partage avec ses salariés, d'une certaine manière, sa vision pour la suite. Cela ne peut qu'être positif pour le choix des formations par les salariés, et c'est également susceptible d'amener les entreprises et les branches à adopter une vision plus stratégique de la formation. Avant la réforme, beaucoup trop d'entreprises considéraient la formation comme un coût et non, comme nous le souhaitons, un investissement.
Le co‑investissement contribue à la dynamique qui a commencé à se développer. Certains OPCO se sont saisis des possibilités offertes. OCAPIAT, par exemple, a mis en place des co‑abondements dans le secteur alimentaire pour des formations qui vont dans le sens de la stratégie de moyen terme définie dans ce secteur. Il faut maintenant rendre les co‑abondements beaucoup plus simples en ce qui concerne les process et les systèmes d'information : c'est une de nos recommandations. Tout est quasi automatique pour l'employeur en cas d'achat d'une formation destinée à un salarié, mais c'est plus compliqué dans le cadre d'un accord avec un OPCO pour certaines formations spécifiques.