Intervention de Olivier Véran

Réunion du mercredi 26 janvier 2022 à 15h05
Commission des affaires sociales

Olivier Véran, ministre :

S'agissant du financement de la cinquième branche, nous avons pris des mesures dans le cadre du dernier PLFSS. Ainsi, 2,8 milliards d'euros permettront de revaloriser les salaires, dont 0,8 milliard pour la seule année 2022. En outre, 250 millions d'euros financeront les SSAD et 70 millions la médicalisation et la modernisation des EHPAD. À la suite des accords du « Ségur de la santé », 450 millions sont dédiés à l'investissement.

Ces mesures génèrent un déficit qui sera couvert, dans les premières années, par l'affectation de 0,15 point de CSG à partir de 2023. Le solde de la cinquième branche, voté dans la LFSS pour 2022, sera excédentaire à compter de 2024, à hauteur d'environ 1,1 milliard d'euros. Il n'est donc pas nécessaire d'augmenter les impôts – d'ailleurs, nous y sommes opposés, et Olivier Dussopt pourrait vous rappeler mieux que moi que nous avons fortement baissé les impôts, malgré le contexte de la crise sanitaire, et que les engagements du Président de la République ont été plus que tenus. Il n'est pas davantage question de réaliser des économies sur le dos des personnes en perte d'autonomie. De surcroît, le virage domiciliaire que nous engageons, comme en témoignent les mesures prévues dans la dernière LFSS, et qui répond au souhait de 85 % des Français de vieillir chez eux, permettra de réaliser des économies au regard du coût plus élevé de l'hébergement en EHPAD. Alors que certains candidats à l'élection présidentielle, dont Mme Le Pen, proposent comme seule solution de construire de nouveaux EHPAD, nous permettons aux Français de vieillir chez eux, dans de bonnes conditions.

Selon le HCFiPS, les mesures issues des accords du « Ségur de la santé » représentent un coût pérenne de 9,5 milliards d'euros. De fait, j'ai évoqué le chiffre de 10 milliards d'euros de hausses de salaires, qui permettront de rattraper le sous-investissement subi par notre système hospitalier pendant des décennies. Le déficit prévu pour cette branche, dans les années à venir, tourne autour de 13 milliards d'euros ; à politique inchangée, il pourrait demeurer supérieur à 10 milliards dans dix ans. Nous devrions encore subir les conséquences de la crise sanitaire sur les recettes pendant de nombreuses années.

Monsieur le rapporteur général, nous envisageons de présenter un projet de loi de programmation juste après le PLFSS et le PLF pour 2023.

Madame Vidal, monsieur Door, vous m'avez demandé quels leviers nous pourrions actionner pour rétablir l'équilibre des comptes sociaux. Nous comptons beaucoup sur le retour de la croissance. La politique économique que nous menons depuis le début de la crise sanitaire, dont l'objectif est de préserver notre activité économique, porte déjà ses fruits puisque les rentrées financières sont plus importantes que prévu. La croissance est bel et bien de retour, et nous prenons des mesures pour maîtriser la dépense, qu'il s'agisse du virage domiciliaire ou de la politique de prévention, laquelle permet de réduire les coûts à moyen terme. S'agissant de la réforme des retraites, sur laquelle m'a également interrogé M. de Courson, le Président de la République a déjà eu l'occasion de s'exprimer sur cette question qui sera, à n'en pas douter, débattue dans le cadre de la campagne présidentielle.

Pour ce qui est des recettes, je le répète, nous n'augmenterons pas les prélèvements obligatoires – c'est même l'inverse que nous faisons.

Faut-il faire évoluer le périmètre de la sécurité sociale ? La proposition de loi organique de M. Mesnier est une première réponse. Elle propose d'introduire dans la LFSS un article liminaire qui présente, pour le dernier exercice clos, l'exercice en cours et chacune des années concernées par la loi de programmation en vigueur, les dépenses, recettes et solde des administrations de sécurité sociale au sens maastrichtien du terme.

Pour ce qui est de la prévention, de nombreuses expérimentations ont été menées au titre de l'article 51 de la LFSS pour 2018. Nous avons lancé des campagnes pour promouvoir la pratique du sport et créé le service sanitaire. Il suffit de regarder les chiffres pour se convaincre du rôle essentiel de la prévention. On vit plus longtemps mais en moins bonne santé que dans d'autres pays européens. Ainsi, en Suède, 72 % des personnes de 60 ans n'ont aucune incapacité alors que le taux chute à 50 % en France. Et l'écart continue à se creuser ! Les principaux facteurs de risque de survenue d'un cancer, d'une maladie cardiovasculaire ou d'une incapacité sont connus. Je suis favorable à toute initiative permettant de freiner les comportements individuels et collectifs néfastes pour la santé. Nous nous sommes engagés pour révolutionner la politique de prévention à tous les niveaux. C'est moins visible et moins facile à promouvoir que des mesures de dépenses spectaculaires, mais vous recevrez un rapport de fin de mandat à ce sujet.

Monsieur Vigier, il est très difficile d'évaluer le coût de la crise sanitaire pour l'hôpital. Les déprogrammations n'ont pas permis de réaliser des économies puisque, du fait de la garantie de financement dont bénéficient les établissements, ces derniers sont couverts en cas de baisse de leur activité par rapport à l'année précédente. En 2020 et 2021, 5 milliards d'euros ont été consacrés à la couverture des surcoûts liés à la crise sanitaire et aux pertes de recettes incidentes pour l'hôpital.

Vous m'avez également demandé si nous envisagions de réévaluer la provision de 5 milliards d'euros correspondant au financement des tests et de la campagne vaccinale. Nous avons effectivement beaucoup dépensé en janvier en matière de tests – environ 1,6 milliard d'euros –, mais rien ne nous dit qu'il en sera de même dans les prochains mois. Nous avons le droit d'espérer que le variant omicron marque la fin de la pandémie. Même l'Organisation mondiale de la santé (OMS) nous invite à l'optimisme ! Il n'est donc pas nécessaire, pour le moment, de revoir cette trajectoire.

Pour ce qui est de l'enveloppe de 13 milliards d'euros dédiée à la reprise de la dette des établissements de santé, décidée dans le cadre du « Ségur de la santé », un premier volet de 6,5 milliards sur dix ans permettra de désendetter les hôpitaux. Nous avons fait un tour de France pour annoncer à 3 000 hôpitaux et EHPAD ce qu'ils allaient recevoir. En ce début d'année, 1,4 milliard d'euros ont été versés aux hôpitaux au titre des annuités 2020 et 2021. Nous avons donc déjà dépensé plus de 20 % de l'enveloppe de désendettement pur.

Madame Pires Beaune, Olivier Dussopt et moi-même sommes très sourcilleux quant à la pérennité de notre système de protection sociale, ce qui va de pair avec un assainissement des finances sociales, mais ce n'est pas en pleine crise, alors que la protection des Français nécessite des dépenses, que l'on doit économiser. Néanmoins, nous gardons le cap. Les 8 milliards d'euros de recettes supplémentaires, par exemple, vont alléger le déficit de 2021. Cette bonne nouvelle est due à la bonne tenue de l'activité économique ainsi qu'aux réformes engagées. Celles-ci font de la France un pays attractif pour l'investissement et créateur d'emplois. Le taux de chômage a ainsi retrouvé son niveau d'avant la crise économique et bancaire de 2008. Or qui dit baisse du chômage dit hausse des cotisations et donc augmentation des rentrées fiscales dans les caisses de la sécurité sociale. Toutefois, il ne faut pas se le cacher, d'autres réformes profondes, structurelles, comme celle du régime de retraites, devront être entreprises.

Le rapport de la Cour des comptes évoquait effectivement des « marges d'efficience » en matière de santé – depuis vingt ans, il n'y a pas un seul rapport de la Cour où il n'en soit pas question. Il y a forcément des marges d'efficience, mais s'il suffisait d'actionner un levier pour les trouver, cela se saurait et tous les gouvernements l'auraient fait. Nous cherchons ces marges. Il est possible, par exemple, d'augmenter la pertinence des soins en évitant la redondance de certains actes. La numérisation de la santé nous y aidera – la semaine prochaine, je ferai des annonces concernant l'espace numérique de santé pour tous, qui permettra de réduire les doubles dépenses. Parfois, un patient a fait des examens de biologie en ville, mais son état s'aggrave et il va aux urgences, où on refait les mêmes examens, ce qui a un coût. Avec l'espace numérique de santé, ces données seront disponibles et accessibles rapidement. Nous travaillons aussi au développement des bonnes pratiques, avec la rémunération sur objectifs de santé publique. C'est une bonne politique de prévention, qui permet de faire des économies.

Ce qui est certain, c'est qu'on n'économisera plus sur le dos de l'hôpital. À cet égard, un virage a été pris et je ne crois pas que nous entendrons de sitôt l'un de mes successeurs tenir un autre discours que le mien.

On peut en effet se demander si l'ONDAM est encore un outil de pilotage performant. Sa progression en pourcentage est-elle adaptée, compte tenu des évolutions majeures qui sont intervenues, aussi bien avec les dépenses liées au covid qu'avec le « Ségur de la santé » ? L'heure est venue d'envisager une révision complète de cet outil. À ce sujet, j'ai saisi le HCAAM, qui a formulé l'an dernier plusieurs propositions intéressantes – il a insisté notamment sur la nécessité d'accentuer l'approche pluriannuelle. Par ailleurs, si l'on parle de « trou » de la sécurité sociale, c'est parce que l'enveloppe budgétaire affectée à ces dépenses, contrairement aux autres enveloppes, est seulement évaluative : quand on a besoin de dépenser plus, on le fait. On n'arrête pas de dispenser les soins au mois de novembre au motif que l'enveloppe a été consommée. Je considère donc qu'il n'est pas illégitime, loin de là, de se poser la question d'un changement d'outil de pilotage, sans pour autant casser le thermomètre.

S'agissant du délai de remboursement des surcoûts liés au covid pour les hôpitaux, une mission flash de l'Inspection générale des affaires sociales est en cours ; le rapport me sera remis à la mi-février. Les versements auront lieu en mars, dans le cadre de la campagne tarifaire et budgétaire des établissements de santé. Les hôpitaux le savent, ils peuvent donc être rassurés.

Madame Six, vous m'avez interrogé sur le bilan de la branche famille et avez évoqué la baisse de la natalité. La semaine prochaine me sera remis un rapport à ce sujet, qui montrera effectivement que le taux de natalité ne permet plus le renouvellement des générations. Toutefois, je me garderai bien de faire un raccourci entre la politique familiale et le taux de natalité. Je ne crois pas que ce soit le niveau du quotient familial et des prestations familiales qui explique la baisse de la natalité. Le mécanisme est bien plus complexe ; d'autres paramètres – sociaux et sociétaux – sont en jeu. On le constate dans tous les pays du monde.

Monsieur de Courson, la question du cantonnement de la dette contractée en réponse à la crise du covid se pose. Avec Olivier Dussopt, nous en débattons régulièrement. Je lui laisse le soin de vous répondre sur ce point, ainsi que sur les exonérations de cotisations.

Monsieur Isaac-Sibille, en ce qui concerne les réformes structurelles qui pourraient être menées au regard de l'augmentation des dépenses de soins liée au vieillissement de la population et au développement des maladies chroniques, j'ai déjà évoqué le volet autonomie. La dernière LFSS a accentué le virage domiciliaire.

Comment tenir compte des besoins de la population pour financer l'hôpital ? D'abord, il faut sortir de l'organisation en silos, avec l'opposition entre hôpital et médecine de ville. Nous devons adopter une autre approche – on pourrait parler, par exemple, de dotation populationnelle ou de responsabilité populationnelle. La crise du covid a montré qu'il fallait repenser l'interaction entre la ville et l'hôpital et créer de nouveaux modèles de financement. C'est un enjeu majeur qui fera l'objet de débats et de propositions, y compris dans le cadre des programmes électoraux.

Madame Janvier, la création de la cinquième branche est une mesure historique. Nous lui avons affecté 2,4 milliards d'euros par an, ce qui représente une somme importante. La CNSA est en train d'examiner sa convention d'objectifs et de gestion (COG) pour les années 2022 à 2026, qui devrait être signée dans les prochaines semaines. La COG fixera les engagements de la caisse, de la cinquième branche et de l'État. Nous donnerons à la CNSA des moyens d'une ampleur inédite pour lui permettre de transformer son mode de fonctionnement, de manière qu'elle se mue en une véritable caisse de sécurité sociale. Grâce à ces moyens, elle sera également en mesure de décliner les réformes importantes contenues dans la LFSS. Le nombre d'équivalents temps plein qui lui est affecté augmentera de 50 % environ.

Monsieur Perrut, il n'y a pas eu de loi de financement rectificative de la sécurité sociale, en effet. Dans la mesure où l'agenda parlementaire était très chargé, nous avons établi un ordre de priorités qui nous a conduits à mettre en avant la proposition de loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale. Ce texte renforcera le rôle du Parlement.

Quant à la règle d'or, le Gouvernement s'est prononcé contre. Si l'idée est intéressante, la priorité doit être donnée au rétablissement des comptes. Du reste, avec une règle imposant l'équilibre sur trois ans, par exemple, comment ferait-on face à une crise sanitaire comme celle que nous connaissons ? Il faudrait la désactiver. Autrement dit, ce serait une règle d'or que l'on respecte… sauf quand on ne la respecte pas ! On ne fera pas 30 milliards d'économies au plein milieu d'une crise simplement pour avoir le plaisir de se dire que l'on a respecté la règle d'or.

La sécurité sociale doit être extensible quand on en a besoin. Force est de constater que le besoin s'est fait sentir entre 2008 et 2010 – votre famille politique était alors au pouvoir et a été obligée de creuser les déficits de près de 24 milliards en année pleine pour faire face à la crise et à l'explosion du chômage. De la même manière, nous avons eu besoin de dépenser plus pour faire face à la crise du covid. Cela ne me dérange pas que l'on tienne un discours rigoriste, mais il faut garder à l'esprit le fait que la sécurité sociale est un domaine confronté à l'imprévisibilité et qu'en la matière la règle d'or relève donc du vœu pieux.

Monsieur Vigier, dans le cadre du « Ségur de la santé », la création de 15 000 postes à l'hôpital est en cours, de même que l'ouverture de 4 000 lits à la demande. Je vous ferai parvenir l'ensemble des chiffres.

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