La première question concernait les protocoles de coopération. Il est exact que nous ne sommes pas allés aussi vite que nous l'aurions souhaité, mais nous avons constaté des avancées. S'agissant du protocole pour les cystites, nous voyons un fort développement dans les MSP. Des avancées positives ont donc lieu.
Nous avons aussi travaillé pour que les anciens protocoles HAS soient bien déployés et reconnus de manière beaucoup plus large que s'ils devaient repasser sous les fourches caudines d'une nouvelle évaluation. Nous avions également développé des possibilités de protocoles à l'intérieur des établissements ; nous en observons les résultats et les travaux sont bien réengagés.
Vous avez évoqué les CPTS. Je partage avec vous l'idée que la crise a joué un rôle d'incubateur et j'en ai été moi-même très surprise. Nous recensons aujourd'hui près de 700 projets et nous constatons un véritable engouement des professionnels pour s'organiser en CPTS. Cela nous permettra d'assurer une meilleure coordination avec l'hôpital puisque la difficulté que rencontraient jusqu'à présent les établissements de santé était d'organiser des relations avec des professionnels qui n'étaient eux-mêmes pas organisés. Je crois donc que ces CPTS ont gagné une consistance importante, sont en train de trouver leur place et de se développer. Une part très importante de la population est concernée.
Lorsque vous évoquez les freins, j'entends certains médecins – plutôt spécialistes – être assez réticents et parler de la lourdeur des CPTS ; ils sont plus enclins à s'organiser en équipes de soins primaires. Ce serait une sorte de marche intermédiaire entre la CPTS et l'exercice isolé. Cela fait partie des sujets que nous regardons parce que nous pensons que l'exercice coordonné, regroupé, permet d'une part d'accroître la taille des patientèles donc le nombre de patients pris en charge – ce qui répond aussi à la question que vous posez presque tous sur les déserts médicaux – et, d'autre part, d'améliorer la qualité de la prise en charge.
S'agissant des soins non programmés et des SAS, nous avons identifié 22 sites pilotes dont 19 fonctionnent, de manières assez diverses. L'évaluation est en cours ; nous constatons que le gage d'un bon fonctionnement est une gouvernance vraiment équilibrée et partagée entre les urgentistes, d'une part, et les médecins généralistes, d'autre part. C'est un point d'attention extrêmement fort pour la DGOS et pour les représentants des professionnels au plan national, qu'ils soient urgentistes ou médecins généralistes. Nous les voyons tous les mois pour suivre l'avancement de ces sites.
Je pense que nous aurons de nouveaux projets dans les semaines qui viennent, d'après les informations transmises par les ARS ; c'est également leur demande. J'espère en tout cas que nous disposerons bientôt d'une évaluation, et probablement de nouveaux sites. Nous sommes vraiment attentifs à l'enjeu de la gouvernance partagée, puisque la clé de la réussite du dispositif est le lien entre les urgences et la médecine générale.
M. Perrut posait la question des progrès en matière de qualité. Certains éléments ont bien avancé au cours des dernières années, notamment les autorisations déjà évoquées qui concourent à la qualité de la prise en charge. Nous avons aussi engagé des travaux pour adjoindre à ces autorisations des indicateurs dits « de vigilance » pour ne pas dire « de qualité », notamment pour la chirurgie et la maternité. Toutefois, il est exact que nous avons pris du retard pour les parcours de soins, sur lesquels nous souhaitions travailler en étroite collaboration avec les professionnels, les ARS et l'assurance maladie. Nous avons bon espoir de reprendre le sujet ; douze ou treize parcours étaient concernés et j'espère que nous relancerons rapidement les travaux.
Sur la gouvernance des ARS, c'est plutôt au secrétariat général du ministère de vous répondre. Je m'en garderai bien pour ce qui me concerne.
M. Isaac-Sibille évoquait le sujet du numérique. Je n'ai évoqué en introduction que la télémédecine mais le numérique ne se limite effectivement pas à la télémédecine. Il nous faut absolument développer aussi le Health data hub et je partage votre conviction que l'exploitation de ces données est aussi intéressante à des fins de pilotage de notre système. Sur ce point, nous devons améliorer le recueil et l'exploitation des données dites « en vie réelle » pour mesurer l'efficacité de notre organisation. Il existe d'intéressants projets d'entrepôts de données hospitalières qui pourraient servir pour la recherche, bien sûr, mais aussi pour le pilotage de nos dispositifs et l'analyse de l'organisation du système de santé. Je crois qu'il est nous développer assez rapidement et je partage votre analyse sur ce point.
Pour les infirmiers en pratique avancée (IPA) que plusieurs d'entre vous ont évoqués, la question se pose effectivement de l'extension à d'autres professionnels. Pour le dire très simplement, nous concentrons aujourd'hui nos efforts sur les suites du rapport rendu en début d'année par l'IGAS – ce qui fait le lien avec la question de Mme Chapelier – sur le développement des IPA. Nous croyons énormément en ce chantier. Nous avons, avec l'appui de l'inspection des affaires sociales, engagé des travaux avec des représentants des IPA, des infirmiers anesthésistes diplômés d'État (IADE), des infirmiers de bloc opératoire diplômés d'État (IBODE) et les CNP correspondants pour étudier avec eux le développement des infirmiers de pratique avancée. Nous avons en 2022 environ 1 700 IPA diplômés ; cela constitue un développement important, mais nous pensons qu'il faut aller encore plus loin.
S'agissant du calendrier des réingénieries, qui sont des dispositifs assez lourds, nous en engageons moins que ce que nous aimerions faire ; il est vrai que plusieurs professions attendent que nous engagions ces travaux. Je vous transmettrai le calendrier que nous avons prévu ; c'est une forte attente des professionnels et c'est bien légitime.
La prévention est un volet important. Vous avez évoqué plusieurs leviers dont certains dépendent de la direction générale de l'offre de soins, et d'autres non. Je pense notamment au dépistage organisé, qui est un énorme travail piloté par la direction générale de la santé. Il concourt de manière extrêmement importante au développement de la prévention, mais ce n'est pas le seul outil. Vous avez évoqué la médecine scolaire, qui est aussi un levier important dont, je crois, le professeur Jérôme Salomon vous parlerait mieux que moi.
Dans l'escarcelle de la DGOS, se trouve la façon dont l'organisation et le financement de l'offre de soins peuvent concourir à améliorer la prise en charge et le développement de la prévention. C'est un sujet important sur lequel nous avons des marges de progression, d'abord en libérant du temps médical. Cela rejoint la question de l'évolution des compétences des professionnels, pour avoir des temps de consultation permettant aux médecins généralistes d'embrasser l'ensemble des dimensions de la prise en charge sanitaire d'un patient, y compris en matière en prévention. Cela ne concerne pas que le médecin généraliste ; les infirmières ont notamment leur rôle à jouer – et je ne suis pas exhaustive.
Ensuite, nous devrions également étudier le levier de l'éducation thérapeutique, sur lequel nous pouvons progresser pour renforcer la prise en charge de la prévention s'agissant de l'offre de soins stricto sensu. Comme vous l'avez dit, la prévention est génératrice d'économies ; par ailleurs, la gestion de l'épidémie de covid nous montre à quel point la prévention est efficace. C'est une démonstration extrêmement forte.
Je ne crois pas qu'il faille remettre en cause la liberté d'installation pour répondre aux déserts médicaux. Sous le contrôle de Fabrice Lenglart, directeur de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (DREES), des études récentes montrent que, finalement, un seul dispositif – y compris les aides financières dont parlait M. Touraine – ne fonctionne pas pour répondre à la question très importante pour nos concitoyens des déserts médicaux. L'étude récemment publiée fait la démonstration, en France comme dans d'autres États, que c'est la combinaison d'outils qui nous permet de répondre aux besoins de nos concitoyens.
L'Institut de recherche et de documentation en économie de la santé (IRDES) a documenté que les maisons de santé permettent de prendre en charge davantage de patients et d'améliorer la qualité des soins. C'est un vecteur extrêmement important de développement d'une meilleure prise en charge globale.
Le développement et l'installation des infirmières de pratique avancée concourront aussi à améliorer la prise en charge des patients. Certains disent d'ailleurs « des médecins traitants et des équipes traitantes » ; je crois que ce sont des voies sur lesquelles nous pouvons nous engager sans obérer la qualité de la prise en charge des patients. Cela fait partie des outils de notre palette.
S'agissant des déserts médicaux, des critiques sont certes émises sur l'absence de lisibilité des aides. Je pense que nous avons progressé ; nous avons sans doute encore des marges de progrès importantes. Je suis peu convaincue par des majorations par consultation mais, en revanche, je pense que des dispositifs comme le contrat d'engagement de service public et l'accompagnement des étudiants, des internes peuvent être des voies intéressantes. Vous avez aussi évoqué les stages, qui pourraient en effet être développés.
Sans doute devrions-nous également améliorer l'attractivité de l'exercice en ambulatoire. Un sujet qui me tient à cœur est le développement de la recherche en soins primaires. Il me semble que nous devons renforcer l'exercice coordonné, les infirmières de pratique avancée et accompagner les jeunes y compris en les formant davantage dans des zones sous-denses. La réforme des études médicales doit nous y aider. Il faut organiser mieux la recherche en soins primaires qui est un facteur d'attractivité pour les professionnels de santé.
Mme Dubié a posé des questions sur le déficit des établissements de santé et sur la question de la dette. Le Premier ministre et le ministre de la santé ont annoncé ces derniers mois des investissements massifs dans les hôpitaux. C'est un plan sans précédent auquel s'ajoutent, pour d'autres types de besoins, les financements octroyés pour ce qui est appelé « l'investissement du quotidien », c'est-à-dire des investissements de moindre importance. Il s'agissait de 650 millions d'euros en 2021 et cela a été extrêmement bien perçu par l'ensemble des communautés, y compris les communautés soignantes. Nous en dressons actuellement le bilan et il est extrêmement favorable.
Vous avez évoqué les fermetures de lits. Je pense qu'il faut poursuivre la bascule vers l'ambulatoire mais nous devons garder des capacités hospitalières pour prendre en charge les patients. L'un n'exclut pas l'autre.
Nous avons effectivement besoin de renforcer l'attractivité des établissements de santé pour les professionnels, notamment s'agissant des établissements de santé publics. Nous nous y employons sur les plans statutaire et financier, y compris en leur permettant d'exercer plus facilement à la fois à l'hôpital et en libéral. Cela fait partie des aspirations des professionnels et c'est normal. Il s'agit aussi de leur permettre d'avoir des valences différentes, mieux organisées et nous nous attelons actuellement à ce travail. Nous espérons que ces diverses mesures permettront d'accroître l'attractivité des hôpitaux, notamment du secteur public.
Mme Rist a évoqué les hôpitaux de proximité. C'est un dispositif qui nous tient beaucoup à cœur également et, comme vous l'avez retracé, nous avons beaucoup travaillé, avec succès je pense puisque la labellisation fonctionne bien. Le bilan est donc positif.
S'agissant des incitations pour les libéraux, qui participent beaucoup au fonctionnement de ces hôpitaux, il me semble que la convention prévoyait voici deux ou trois ans une majoration incitative pour les médecins exerçant dans les hôpitaux de proximité. J'ai cru entendre que vous auditionnerez assez rapidement le directeur de la CNAM ; je pense que cela fait partie des négociations conventionnelles. Une incitation « en miroir » pour encourager les professionnels libéraux à travailler avec les hôpitaux de proximité et en leur sein permet à mon sens de renforcer l'ancrage de ces établissements dont nous avons fondamentalement besoin.
Mme de Vaucouleurs a posé des questions sur les EHPAD. Cette compétence relève de la direction générale de la cohésion sociale, et non de la DGOS. En revanche, nous nous sommes efforcés de faire en sorte que les dispositifs d'appui sanitaire aux EHPAD puissent se déployer, en particulier les équipes mobiles de gériatrie et les astreintes gériatriques que nous avons pérennisées pour aider à la prise en charge sanitaire des résidents en EHPAD. Je ne doute pas que Virginie Lasserre puisse vous répondre s'agissant des infirmières de nuit, un dispositif qui s'est beaucoup développé, et de la capacité de prescription des médecins coordonnateurs.
M. Delatte m'a interrogée sur l'étude PANTERE, dont nous avons discuté voici huit jours environ avec ceux qui l'ont élaborée. Cette étude est absolument passionnante, notamment parce qu'elle révèle un besoin de prise en charge des questions éthiques. L'un des enseignements en est qu'elle était à la fois utile et très attendue par les professionnels, quel que soit leur niveau d'exercice, mais aussi qu'il existait aussi un besoin des patients et de leurs familles. Cela fait partie des recommandations dont plusieurs nous paraissent vraiment fondamentales et nous y travaillons en ce moment avec eux. Pour moi, cette étude a révélé l'importance et le poids des sujets éthiques, en période covid mais pas seulement. Je pense que ces sujets gagneront encore en ampleur dans les prochaines années.
J'ai déjà répondu aux questions de Mme Valentin sur la prévention.
M. Vigier a abordé le sujet des déserts médicaux. Je souhaite vous redire ma conviction que c'est le développement d'une palette de mesures qui nous permettra de renforcer la prise en charge de nos concitoyens. Je pense que c'est vraiment la bonne voie. Nos médecins généralistes ne sont pas sensibles aux incitations financières, comme l'avait documenté la Cour des comptes. Certains d'entre vous l'ont dit. Il faut que nous leur permettions d'exercer dans une maison de santé ou dans un centre de santé, et également d'avoir de l'exercice projeté sur des sites. Sur les sites des maisons de santé, la présence médicale pourrait ne pas être permanente – ce que ne permettent pas les textes aujourd'hui – pour rendre possible un déploiement territorial plus important des maisons de santé et assurer une prise en charge sur un territoire beaucoup plus large.
S'agissant du contrôle et de l'accréditation pour les EHPAD, c'est une compétence de la direction générale de la cohésion sociale, je ne me permettrait donc pas d'intervenir devant vous sur ce point.