Intervention de Sophie Boissard

Réunion du mercredi 16 février 2022 à 14h30
Commission des affaires sociales

Sophie Boissard, directrice générale du groupe Korian :

Pour éviter toute ambiguïté, permettez-moi de rappeler les chiffres : la centrale de référencement représente 5 millions d'euros ; les coûts directs de la direction médicale, qui est composée de cinquante-cinq équivalents temps plein (ETP), essentiellement des professionnels de santé de haut niveau, s'élèvent à plus de 5 millions d'euros. Les établissements récupèrent la totalité du bénéfice sur les prix, soit en moyenne 20 % des prix publics des fournisseurs locaux : il y a donc bien un effet significatif. Les prestations que les gros fournisseurs confient aux équipes centrales de Korian représentent l'équivalent de 5 millions d'euros.

Monsieur Perrut, vous nous avez demandé quel crédit apporter aux allégations du livre de M. Castanet. Je ne sais pas s'il y a eu des RFA par le passé chez Korian ; j'ai tenté de vérifier les propos tenus par cet ancien directeur d'établissement, salarié du groupe jusque mi‑2016, mais je n'ai pas trouvé trace de RFA. En revanche, le système tarifaire avant la loi relative à l'adaptation de la société au vieillissement, dite loi ASV, était assez différent car il reposait sur un forfait de 2,32 euros par lit et par jour pour l'ensemble des consommables. C'était une moyenne et, en fin d'année, en fonction de la réalité des consommations, un système d'égalisation avec les fournisseurs s'appliquait. La loi ASV impose désormais des dotations ex ante en fonction du niveau anticipé de soins ainsi que du taux d'occupation anticipé. Nous pratiquons un dispositif de mercuriales – listes de prix opposables – dans lesquelles les établissements commandent. Il n'y a pas de validation ex ante ni de rabat sur les commandes, ni de consigne de rationner les produits ou les équipements dont les établissements ont besoin.

Sur le sujet délicat de l'incontinence, nous tentons, depuis plusieurs années, de promouvoir la continence. Il est toujours très compliqué de savoir quel est le bon accompagnement pour encourager les personnes à conserver le plus d'autonomie possible. Sans entrer dans les détails, c'est aussi une dimension importante ; il faut donc se garder de toute généralisation.

S'agissant du nombre de contrôles, nous en avons eu une dizaine par an depuis la crise sanitaire, contre une vingtaine les années précédentes ; ce n'est sans doute pas assez. Je suis convaincue qu'il faut un système d'accréditation, comme dans d'autres secteurs de la santé – par exemple les laboratoires de biologie médicale –, et que les établissements soient très régulièrement audités : nous y avons tous intérêt.

Nous nous sommes déjà engagés dans cette voie en réalisant un énorme travail d'adaptation à la crise sanitaire, notamment dans la formation des personnels. Nous avons ainsi, ces deux dernières années, déployé des standards à l'échelle européenne et demandé au Bureau Veritas d'auditer tous les établissements sur cette base. Nous avons également mis en place des référents hygiène et qualité, qui sont des infirmiers diplômés d'État (IDE) – un peu plus d'un tiers des établissements ont déjà des postes d'IDE référents. Ce sont ces personnes qui auront à porter l'accréditation – il faut le faire, nous sommes très demandeurs ! Peut-être faudra-t-il demander, dans un premier temps, à des acteurs volontaires de tester ce dispositif avant qu'il ne soit déployé.

Sur les 278 établissements du groupe, une douzaine ne compte aucun médecin coordonnateur et près d'une cinquantaine n'a pas de médecin à temps plein – alors que l'un des objectifs que nous nous sommes fixés depuis la crise du covid est bien de disposer d'un médecin à temps plein. C'est un problème gigantesque du fait de la démographie des médecins, plus d'un quart d'entre eux ayant 60 ans et plus. Nous y parons en travaillant avec les médecins traitants, en ayant recours à un réseau de médecins consultant à distance, et nous commençons à travailler de manière très active sur des solutions alternatives, mais la priorité est de confier une partie des tâches des médecins à des infirmiers en pratique avancée, qui sont très expérimentés.

Par ailleurs, nous n'avons pas suffisamment d'infirmiers d'astreinte de nuit, qui sont pourtant absolument nécessaires ; aujourd'hui, ils couvrent seulement une vingtaine d'établissements, situés dans des zones très denses. Le marché du travail des professionnels de santé, déjà très difficile avant la crise sanitaire, est sens dessus dessous depuis deux ans, la situation est catastrophique. Les « vaccinodromes », qui sont indispensables par ailleurs, ont mobilisé des professionnels de santé. Aujourd'hui, des personnels de santé expérimentés préfèrent intervenir ponctuellement, dans le cadre de missions de remplacement ou de CDD, plutôt que de s'engager sur des postes durables, ce qui nous désorganise très lourdement. Il faut donc impérativement ouvrir les vannes de la formation, non pas pour former au rabais mais pour rééquilibrer progressivement le marché.

La différence de 860 euros par mois entre le public et le privé représente une vingtaine d'euros par jour. Dans le parc privé à but lucratif, nous devons payer nos murs ; les standards de confort – nombre de chambres doubles, taille des chambres – sont plus élevés et le nombre de mètres carrés est plus important : la charge immobilière se reflète dans le prix payé. De même, les prestations d'animation et d'accompagnement ou encore l'environnement des établissements expliquent que les tarifs soient plus élevés. Toutefois, il ne s'agit que d'une moyenne : les écarts sont certes très importants en zone urbaine dense, mais les tarifs sont très proches de ceux du public ou des structures associatives en zone rurale ou peu tendue, où se trouve plus de la moitié du parc de Korian.

Monsieur Vigier, vous m'avez interrogée sur la massification : entraîne-t-elle nécessairement l'éloignement ? C'est une vraie question. Nous menons un travail sur la culture d'entreprise et sur la communauté des directeurs d'établissement, à l'échelle européenne, car ils ont tout intérêt à échanger entre eux. Nicolas Mérigot a créé en France un système de revue managériale d'établissement à établissement : ceux-ci s'auditent entre eux pour diffuser les bonnes pratiques. Nous essayons de partager de l'intérieur une même vision du soin, une même formation : nous avons un programme de formation de niveau master pour tous les directeurs d'établissement sur trois ans, qui porte sur les attitudes managériales, le savoir-être, la gestion de son propre stress, la gestion des conflits. Nous faisons le pari, en ayant cette approche de communauté, d'arriver à rendre plus forts les établissements qui sont d'abord et avant tout locaux, tournés vers leur bassin de vie et leurs parties prenantes locales. L'appartenance à un groupe doit apporter une plus-value en matière d'expertise, de soutien, de formation mais en aucun cas constituer une chape verticale ou un corset qui viendrait leur couper les ailes et mécaniser leur approche. Nos professionnels croient profondément en leur métier, sinon ils feraient autre chose.

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