Intervention de Sophie Mayer

Réunion du jeudi 17 février 2022 à 9h05
Commission des affaires sociales

Sophie Mayer :

En ce qui me concerne, ce n'est pas la beauté de la chambre qui m'a décidée. Si j'ai choisi La Chanterelle, c'est parce que c'était une maison de retraite médicalisée. On m'avait « vendu » un médecin présent et joignable en permanence. Une clinique était accolée à la maison de retraite ; il y avait même un couloir de liaison entre les deux. Moyennant quoi, on a laissé ma mère avec les deux jambes brisées pendant vingt-quatre heures, sans même appeler un médecin. Si j'ai placé ma mère dans un établissement qui, effectivement, coûtait cher, ce n'était pas par goût du luxe : la seule chose qui m'importait, c'était qu'elle soit bien. Comme j'aurais préféré qu'elle ait une chambre avec un vieux papier peint des années 1970, mais en étant entourée d'amour, de soins et d'attention, avec un médecin passant tous les jours !

Vous nous demandez ce que l'on pourrait faire. Tant que les personnes âgées seront considérées par certains groupes comme des instruments de profit, tant que des structures telles qu'Orpea existeront, on ne pourra rien faire. Vous vous heurtez à un mur de déni et de silence. L'omerta est totale, et personne ne peut rien y faire. Pourtant, il y aurait beaucoup de choses à faire. Il faudrait un référent pour les malades, il faudrait un certain nombre d'infirmières, il faudrait des réunions hebdomadaires avec les familles. Mais avec Orpea, c'est impossible. Les seules réunions qu'on vous propose visent à vous dire que tout va bien. L'amélioration n'est pas possible : c'est une révolution qu'il faut faire dans le domaine. Il faut tout changer.

Aucun des deux médecins exerçant dans l'établissement ne participait au fameux tribunal. Ils doivent avoir quand même une certaine conscience professionnelle… Ils ont prêté le serment d'Hippocrate, après tout. Ils ne pouvaient pas se permettre de mentir. Quoi qu'il en soit, j'ai été très étonnée de leur absence.

Quant à l'aide que l'on nous procure pour le choix de l'EHPAD, en ce qui me concerne, la réponse est simple. Ma mère était hospitalisée à l'hôpital Saint-Grégoire. On m'a donné rendez-vous un matin à onze heures pour me dire que ma mère sortait du service le lendemain, mais qu'un retour au domicile n'était pas envisageable car il fallait qu'elle reprenne du poids et on devait lui faire régulièrement des prises de sang. J'ai essayé de gagner du temps – on m'a accordé trois jours –, mais j'ai dû agir dans l'urgence. Sur ce point également, le système de prise en charge des personnes âgées doit être revu : le suivi en amont à l'hôpital devrait être renforcé.

Je tiens à spécifier que je n'ai pas lu le livre de M. Victor Castanet. J'ai commencé à le lire il y a une semaine, mais je voulais être totalement objective.

Pour ma part, je n'ai pas porté plainte, car après avoir reçu la lettre recommandée avec accusé de réception, je me suis dit que j'aurais à me battre contre une machine bien huilée et que cela ne servirait à rien. N'oubliez pas non plus que, dans des moments pareils, c'est la douleur qui prime : on est dans le deuil. Chacun de nous était submergé par cette vague. Le reste, aussi terrible soit-il, passe après.

Je voudrais souligner un autre élément qui montre le côté obscur d'Orpea. Il se trouve qu'au moment de son départ à l'hôpital, nous avions un mois et demi de retard dans le paiement des factures de ma mère. Inutile de vous dire que je n'ai pas voulu les régler. Eh bien, on m'a facturé en plus le mois que ma mère a passé à l'hôpital, les trois mois qu'elle a passés à la maison et on m'a demandé des dommages et intérêts. J'ai été assignée devant le tribunal, mes comptes bancaires ont été bloqués et on m'a saisi 14 000 euros. (Exclamations.) Naturellement, j'ai toutes les preuves de ce que j'avance.

Il ne faut pas mettre en cause systématiquement le personnel médical. D'abord, le turn-over est extrêmement important. Ensuite, ce sont des gens qui ont besoin de ce travail pour vivre, pour nourrir leur famille : ils ne peuvent pas se permettre de contrecarrer la hiérarchie, et c'est comme cela que celle-ci les tient. C'est ce système qu'il faut détruire. Tant que des structures comme Orpea existeront, on ne pourra rien faire.

M. Sajovic et moi-même ne nous connaissons pas, mais nous décrivons les deux directions exactement de la même manière.

Sachez qu'on ne voit pratiquement jamais d'infirmiers : ce sont uniquement des aides-soignants.

Enfin, entre 2018 et 2020, il y a eu moins de vingt contrôles de l'ARS en Île-de-France.

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